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On sait que les exportations des voitures soviétiques représentaient plus de la moitié de la production des usines du pays, engendrant une situation de pénurie sur le marché intérieur. On connait aussi l’histoire du changement de nom de la Jigouli en Lada en raison de la similitude avec le mot Gigolo, un mot que tous les ouvriers du pays des soviets étaient loin de connaître. On se souvient aussi des calendriers et des brochures sur papier glacé édités par Avtoexport et qui donnaient l’impression que les Moskvitch et les Volga n’étaient pas des voitures soviétiques. Car contrairement à la majorité des citoyens de l’URSS, ces voitures ont réussi à aller à l’Ouest, ce qui donne aujourd'hui quelques histoires très intéressantes à raconter.

Déficit budgétaire : « Quand en 1988 j’ai passé le permis de conduire, je n’avais en poche que 100 livres pour m’acheter ma première voiture. Ce n’était pas une grande somme et cela n’offrait pas grand choix. J’ai fini par trouver dans les colonnes du Bristol Evening Post, une Lada 1200 de 1973. C’est ce que mes finances me permettaient ». C’est ainsi que le Britannique, Stephen Floyd se rappelle, sur son site internet Lada1600.webs.com, cet achat décisif. A l’époque, acheter cette voiture avait quelque chose de psychédélique, comme les paroles d’une chanson de Pink Floyd, avec lequel Stephen Floyd n’avait pourtant aucun lien de parenté...

Il a ensuite possédé plusieurs voitures avant de revenir à la Jigouli, avec un modèle plus moderne, une Lada 1600 connue en Russie sous le nom de VAZ-2106. Un choix délibéré car ni la Niva, ni la Riva - c’est comme cela qu’on appelle les « Piaterka » et les « Semerka » (VAZ-2105 et VAZ-2107) en Grande Bretagne - ne lui convenaient. Il a trouvé sa voiture à Coventry, une Lada 1600 ES de 1979. Elle était restée dix dans un garage étroit dans lequel il n’était plus possible de rentrer. Stephen a pris immédiatement la décision de l’acheter en ne voyant qu’un bout d’aile avant rouillée. Il en a offert 200 livres, un prix tout à fait correct puisque c’est ce que le vendeur aurait pu en tirer chez le ferrailleur. Il a ensuite entrepris sa restauration en la démontant complètement jusqu’au dernier boulon, comme on restaure une Rolls-Royce du début du XXème siècle. Au final, la voiture est de toute beauté et participe aux diverses manifestations organisées par le Lada Owners Club of Great Britain.

Il subit parfois les sourires sarcastiques. Comme quand on annonce le retour d’AvtoVAZ sur le marché britannique. Blague à part, les spécialistes affirment que la marché anglais manque de modèles bon marché alors que ceux qui n’ont que 100 livres à mettre dans leur voitures ne manquent pas !

Jean-Jacques et les Russes : Le Français Jean-Jacques Poch fait partie de ces quelques Européens qui aimaient les voitures soviétiques, comme elles étaient mais qui cherchaient également à les améliorer. Il était l’importateur officiel et exclusif de la production de VAZ en France et il est littéralement tombé amoureux fou de la Niva quand elle a fait son apparition en 1977 : « Elle fut le premier vrai 4x4 de loisir au monde, bon marché et robuste. Avant lui il n’y avait que des véhicules militaires bien éloignés de celle-ci ».

C’est précisément Poch qui a transformé la jeep soviétique en cabriolet, en découpant la partie arrière du toit. Il a assemblé ainsi de 1983 à 1989 plus d’un millier de Lada Niva Cabrio avec un moteur diesel Renault. C’est également lui qui a préparé en 1978 pour participer au rallye Paris-Dakar deux Niva , dont les équipages ont pris les 22ème et 28ème place. Lors de l’édition 1980, la Niva Proto a fini à la 19ème place et l’année suivante, la Lada Poch 1800 et son moteur de 180 ch a terminé 3ème !

En 1982, Poch a rencontré Marcel Morel - le propriétaire de la société Maurelec - qui lui a proposé d’installer dans la Niva un moteur V6, d’ailleurs non pas sous le capot mais directement en position centrale derrière les sièges avant ! Dans le Rallye d’Algérie de 1982, Jean-Claude Briavoine finit 3ème au volant de ce monstre. En 1983, la puissance est portée à 290 ch et en 1986 à 310 ch ! Les prototypes de cette année--là avaient pour réduire le poids, des portes, un capot et un couvercle de coffre en carbone et Pierre Lartigue termina 1er du Rallye de Tunisie et 4ème au Dakar. L’année suivante, Poch a recouvert un châssis tubulaire d’une carrosserie de Niva entièrement en carbone et Jacky Ickx sur cette dernière n’a terminé qu’à la 38ème place. Les rumeurs veulent que le propriétaire de cette Lada Poch en carbone était Jacky Ickx en personne et que les deux autres voitures appartenaient à Poch qui refusait catégoriquement de les vendre !

Contrairement à beaucoup de Russes, Poch continuait à regarder les productions d’AvtoVAZ avec optimiste et a ensuite transformé la Lada Samara pour les mêmes rallyes... L’industrie automobile russe aurait bien du mal à trouver un partenaire comme celui-ci de nos jours.

République bananière : En allemand, la lettre S quand elle précède une voyelle se prononce comme en russe [ze] et dans tous les cas le Z se prononce [tse]. C’est pourquoi la Saporoshez en Allemagne n’est rien d’autre que la Zaporojets. « Saporoshez wird ihnen Freund und Helfer sein » disait la brochure commerciale d’Avtoexport en vantant toutes les vertus de cette « amie et aide ». Les Allemands eux-mêmes ont appelé cette voiture le « tambour de la taïga », le « T-34 de luxe » ou la « dernière demeure de Brejnev ». Mais pour Jürgen Neugebauer, cet électricien de RDA, elle fut le seul moyen de devenir rapidement propriétaire d’une voiture.

Dans les années 70, il fallait attendre quelques années une Trabant ou une Wartburg si vous ne disposiez pas de privilèges socialistes comme une « connaissance » ou la « bonne personne ». En 1977, la Saporoshez-968M neuve avait coûté 12,000 Marks à Jürgen et sa femme, amassés en plusieurs années en économisant sur tout pour mettre de côté ce qu’il leur restait de leurs 500 et 600 Marks de salaires mensuels. Enfin, comme les simples citoyens soviétiques, une « carte pour une voiture » était arrivée par la poste juste un an après avoir été mis sur la liste d’attente. L’employé du magasin de voiture à Brandenburg conduit immédiatement Jürgen à sa Zaporojets couleur banane et sans la moindre émotion lui a remis les clés. Personne n’imaginait pouvoir choisir la couleur de sa voiture sous le socialisme. On prenait ce qu’il y avait !

La Sapo, comme l’appelle en Allemagne, n’a pas quitté la famille depuis. Elle a été réparée plusieurs fois et la caisse a même été remplacée après un accident. Dans le club auquel il appartient, Jürgen est une vraie autorité qui peut encore trouver des pièces de rechange par le biais d’un ami ou remplacer lui-même un roulement de roue avant. Vendre cette « partie de sa vie » serait impensable pour lui : on ne se sépare de choses acquises comme cela à la dure ! C’est la même chose en Russie où certains ne veulent pas mettre à la poubelle le vieux tapis fané pour lequel ils ont attendu toute la journée dans le froid à l’époque de Brejnev !

Contrebande : En 1952, un article paru dans le magazine américain Motor Trend racontait comment un certain Stanley Slotkine avait ramené de Finlande aux Etats-Unis une Pobeda soviétique. A Helsinki pour ses affaires, il était en retard et avait arrêté un taxi, était monté machinalement à l’arrière et c’est alors que l’intérieur de cette voiture lui avait semblé inhabituel. Ayant appris par le chauffeur de taxi qu’il s’agissait d’une Pobeda russe, Slotkine voulu immédiatement en acheter une. Commence alors l’histoire d’un Américain pour qui acheter et ramener aux USA cette voiture était impossible et qui fut obligé de s’adonner à la  contrebande.

L’article décrit de manière vivante la longue recherche de la voiture, l’achat illégal d’une Pobeda volée quelque-part, son démontage et son chargement en conteneur, les palpitations et la gorge sèche à l’inspection des douanes... Est-ce que Slotkine avait vraiment besoin de cette voiture ? On peut lire facilement entre les lignes que c’était pour son autopromotion et pour augmenter la valeur d'une voiture qui en 1952 était vraisemblablement la seule GAZ-M20 aux USA !

A l’automne 2002, Horst Jesche, un employé d’une société financière florissante de Francfort, a vu pour la première fois de sa vie une Volga GAZ-3111 et un projet a rapidement mûri dans sa tête. Voici ce qu'il disait dans une interview : « Le projet était de vendre 200 voitures par an, mais l’Usine Automobile de Gorki, qui fabriquait le modèle 3111 était littéralement à genoux et ne pouvait livrer que 10 à 20 voitures. Alors pourquoi pas une série limitée exclusive !? ».

La Volga avait plu à Jesche pour sa simplicité. Comme, il l’a raconté plus tard, cette voiture n’avait pas de boutons inutiles, d’interrupteurs, d’écran ou d’autres équipements futiles. Il compris plus tard qu’il manquait tout de même quelque chose à la Volga quand il l'a conduit pour la première fois sur une autoroute allemande : la voiture tanguait d’un côté à l’autre. Il était nécessaire de lui trouver des amortisseurs appropriés ainsi que d’autres accessoires.

Jesche a donné de nombreuses interviews à gauche et à droite, parlant de son projet et de son intention de s’associer aux dirigeants de GAZ. Selon des informations non confirmées, l’Allemand a réussi à assembler sept Volga allemandes, d’ailleurs pas en Russie mais dans un petit atelier de Saarbrücken ! Il est toutefois impossible de vérifier ces informations car les dernières nouvelles de Horst Jesche datent de l’année où la production de la GAZ-3111 a cessé. Quand on lui demandait à l’époque pourquoi le projet avait échoué, il avait répondu par ce seul mot : « Le bordel... ».

Lu sur : http://ustroistvo-avtomobilya.ru/avtomobilnye-novosti/e-ksport-avto-kommunizma/
Adaptation VG

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