Cet été les questions ont fusé. « Où allez-vous en vacances ? En Allemagne ? Qu’est-ce qu’il y a là-bas ? Ah oui, un circuit ! Et on peut rouler dessus quand on veut ? Et votre Yugo est prête ? ». On nous a pris pour des fous. Nos vacances ont duré dix jours, nous les avons préparées pendant dix mois et on en parlera encore dans dix ans ! Voilà une histoire de Nürburgring et de Yugo !
Cela fait moins d’une semaine que nous sommes rentrés. Pour ramener nos souvenirs et nos impressions de voyage avec nous, nous avons dû louer une autre remorque. Imaginez à la frontière : « Messieurs, vous avez quelque chose à déclarer ? Oui, des souvenirs à la pelle ! ».
Ce voyage en Allemagne ce sont nos Jeux Olympiques à nous. Notre Yugo nous a permis de remporter trois coupes. Une première place dans la catégorie « Klassen bis zu 1600cc » et deux secondes places dans les catégories « Italienisch Youngtimer » et « Ruhe i Wandern Unsinn » (en allemand dans le texte pour plus d’authenticité). Notre meilleur tour a été enregistré le troisième jour. Selon le chrono officiel, notre Yugo a tourné en 8:44:23 !
Cette épopée sur Nordschleife restera un grand moment de notre vie. Cinq gars et une fille. Courageuse la fille ! Je ne sais toujours pas pourquoi elle a accepté ce voyage. Sans doute par amour pour l’homme et cette Yugo, qui est devenue une partie de sa vie. N’importe quelle femme aurait refusé une telle destination de vacances ! Un village allemand avec une température moyenne de 15 degrés en août ! Seule attraction touristique : un circuit ! Vous imaginez le tableau ?
Dix mois de préparation. Il a fallu trouver une remorque pour transporter la Yugo sur 1,500 km. Trouver un hébergement. Dès février, nous avions payé pour la location d'une maison dans le village de Virenburg à environ 10 km du circuit. Notre plan initial était aussi de louer une voiture pour aller s’amuser sur le Ring. Mais nous avons eu peur. Peur de la plier dans le premier virage et d’avoir à vendre nos maisons pour rembourser les frais... Finalement cette Yugo c’était la meilleure idée.
Imaginez l’excitation lorsque nous avons pris la route pour le Ring. Le voyage a duré deux jours. Nous roulions lentement mais sûrement. Après 900 km nous avons dormi quelque part à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche. Pourquoi est-ce important ? Parce c’était presque un rêve que de se voir assis là, dans le jardin de cet hôtel, à regarder la Yugo sur la remorque, après avoir commandé six bières et de la saucisse allemande !
Sur les autobahns la Yugo a provoqué des réactions intéressantes. Au volant de leurs puissantes berlines, les Allemands ralentissaient à notre niveau, analysaient la scène (une Yugo de course en plaques serbes, cela n’est pas tous les jours que l’on voit cela) et klaxonnaient discrètement en signe d’approbation. Le soir nous sommes finalement arrivé sur place, un vrai village de conte de fées avec peut-être tout au plus une centaine d’habitants. Epuisés mais heureux comme des gosses.
Le Nürburgring est une machine sérieuse composé de deux parties. Le Nordschleife, ce circuit de 20,8 km où nous sommes venus nous amuser et la circuit de Grand Prix qui accueille régulièrement des courses de DTM ou de Formule 1. Parfois, les deux circuits sont fusionnés comme récemment pour une épreuve du WTCC. Le Nordschleife dispose de son propre calendrier. Par exemple la piste peut être louée pour une journée par AMG qui le propose à ses clients. A certaines dates, le circuit est ouvert au public. Tout le monde est libre de l’essayer mais il est bien entendu nécessaire de remplir certaines conditions et de payer un droit d’accès. On paie comme à une barrière de péage pour accéder à un tracé de 19,1 km et le règlement est assez simple : il faut rouler à plus de cinquante à l’heure et les dépassements se font par la gauche. Dernier conseil et non des moindres : emmenez dans le désordre une casquette, des bottes en caoutchouc, un short, un survêtement Adidas, des tongs, un parasol et un parapluie, une veste, un maillot, de la crème solaire indice 50, des lunettes de soleil, un imperméable, des baskets, un jean... Oui tout cela, car si vous restez trois jours, il risque d’y avoir pas mal de changements de temps !
Quand nous sommes arrivés sur le circuit, il y avait déjà des centaines de voitures qui attendaient. Des voitures immatriculées dans toute l’Europe et pas (que) des bagnoles pourries. Nous nous en donnons à cœur joie. Cela n’est pas tous les jours qu’on voit une Yugo à côté de Ferrari F430, de Nissan GT-R ou de Porsche 911 GT3. Notre voiture connait un succès instantané et beaucoup de gens ne savent même pas ce que c’est et essaient de prononcer le « Jugo55 » inscrit sur le hayon. « Hugo, Ugo, Dzuho ».
L’heure est venue de se lancer sur le Ring. Avant de passer la barrière, on commence à transpirer et on ressent un mélange d’adrénaline et de peur monter lentement dans le sang. Puis après quelques virages, on se rend compte que cela n’est pas si effrayant et on commence à se détendre. Déjà huit kilomètre. A fond, totalement à fond.
Vous êtes toujours en vie sur le circuit du Nürburgring... Comment est-ce possible ? Le tracé est limpide, sans freinage fort avec des virages rapides et de longues lignes droites. Bien-sûr, plus vous roulez vite et moins vous avez le droit à l’erreur. La clôture est assez proche de la piste. On peut rattraper ses erreurs de conduite mais il ne faut pas toujours s’attendre à des miracle... Après la fin de chaque tour, il faut retourner sur le parking. L’excitation est à son comble quand on comprend qu’à la fin de la journée nous aurons fait de quatre à six tours au total de cette piste de près de 20 km. Plus de 100 km à fond, c'est tout bonnement incroyable.
Le Ring n’est ni le paradis, ni l’enfer. Il ne pardonne pas les erreurs mais elles sont difficiles à faire. Il faut toutefois l'aborder avec circonspection, même en Yugo. Durant notre séjour, des gens s’y sont tués et croyez-nous, ce n’est pas agréable de reprendre la piste après une enquête de police... On ne plaisante pas avec ses pneus et ses freins et il faut toujours garder à l'esprit que nous ne sommes pas des pilotes professionnels. Ni nous, ni vous.
Croyez-le, on se souviendra longtemps de cette épopée en Yugo sur l'un des circuits les plus célèbres au monde et je prends les paris que l'on en parlera encore dans dix ans !
Lu sur : http://www.bud3.net/2016/08/ringeraja-nurburgring-2016/ (sur deux pages)
Adaptation VG
Voir aussi ce message où une Zastava 101 affrontait également ce circuit mythique : http://sovietauto.over-blog.com/2014/09/l-eclate-au-nurburgring-en-zastava-101.html