Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Il y a un homme légendaire qui vit à Nalchik. Beaucoup de gens l’appellent Oncle Micha. En fait, son nom est Kachasoum Alkhazov. Pendant 30 ans, il a conduit un Ikarus puis est devenu responsable du dépôt 1438 de la ville. A sa retraite, il a entrepris de se construire un Ikarus. Plus précisément, une copie de celui, plus petit, mais tout à fait fonctionnel. Je dois dire que cet homme (bien qu’il soit âgé de plus de 90 ans) continue la mécanique et est connu pour ses talents de restaurateur. On sait que trois Pobeda M-20, deux Volga GAZ-21 et une ZiS-110 sont passées entre ses mains, mais revenons à notre bus.

Nous ne connaissons que peu de détails sur sa construction. On sait seulement qu’il l’a réalisé dans le garage du dépôt 1438. Apparemment, il disposait de tout ce qu’il fallait puisque même une partie des vitrages du bus a été fabriquée là-bas.

Vous devrez admettre qu’extérieurement cet AC1 AKH-60 ressemble vraiment à un petit Ikarus. Par exemple à l’Ikarus 211. Mais si vous regardez de près, vous verrez que de nombreuses pièces ne viennent pas de l’autobus hongrois. La calandre, par exemple, vient d’une Volga GAZ-24. Il y a même les phares et leur entourage chromé. Si vous regardez sur le côté gauche, vous reconnaîtrez également la trappe à carburant de la berline de Gorki. Elle est seulement montée dans un sens différent. Les clignotants avant sont vraiment ceux d’un Ikarus. Pour être précis, sur l’original, il s’agit de clignotants latéraux. Il faut aussi dire quelques mots sur le fer à cheval que vous pouvez voir à l’avant. Le fer à cheval est le symbole de Nalchik, même le nom de la ville se traduit par « fer à cheval ».

Et maintenant, déchiffrons AC1 AKX-60. AC1 pour Avtobus Samodelniï Perviï (autobus fait-maison n°1 - apparemment, il était prévu d’en faire plusieurs), AKX pour les initiales de son créateur et 60 pour l’âge à laquelle il a commencé à se passionner pour la restauration et à commencé la fabrication de ce mini-Ikarus. D’ailleurs, celui-ci a été terminé en 1991 et le début des travaux remonte au milieu des années 1980.  

Comment est-il fabriqué ? La carrosserie est de type autoporteuse. Une poutrelle est habillée de panneaux de carrosserie. Le moteur est situé, comme une vraie voiture de sport, au milieu du châssis entre les essieux avant et arrière. Selon certaines informations, Kachasoum Alkhazov, souhaitait à l’origine une configuration avec un moteur à l’arrière mais la police de la route (GAI) lui a interdit : elle ne voulait pas immatriculer ce véhicule pour des raisons de sécurité. En montant à bord, nous allons littéralement trébucher sur la seule conséquence désagréable de cette décision.

Si le pont arrière est assemblé à partir de pièces de GAZ et UAZ (le carter vient d’une GAZ-21 et les manchons d’un UAZ), la suspension avant provient d’un UAZ-451 (la version propulsion du UAZ-450 à quatre roues motrices), un modèle plutôt rare et que l’on trouvait la plupart à Moscou car personne d’autre n’avait besoin d’un fourgon UAZ à deux roues motrices. Les barres de torsion sont de fabrication artisanale, mais certains éléments proviennent d’un tracteur.

La transmission est encore plus sophistiquée. Bien sûr, la boîte de vitesses provient de la GAZ-24, mais elle a dû être refaite. La commande est empruntée à une Zaporojets et l’arbre de transmission a dû être réalisé de toutes pièces. L'embrayage provient d’un UAZ-452. Il en résulte un ensemble très fiable !

La suspension dispose de vérins pneumatiques, comme les vrais Ikarus. Le moteur est un GAZ-24D (de 95 ch) de Volga GAZ-24. Il n’a subi aucune modification. Impossible de savoir ici où conduit le câble du starter. À Nalchik, ce câble n'était pas nécessaire, mais à Saint-Pétersbourg où ce minibus se trouve aujourd’hui, il faudrait l’installer si on veut démarrer en toutes circonstances.

Avant de monter à bord, regardons encore une fois le bus. Les lignes n’ont rien de compliqué mais il semble assez harmonieux. Si l'on tient compte du fait qu'il n'y avait pas de bureau d'étude avec un tas de spécialistes, et qu'il y avait à peine quelques machines industrielles dans le garage, le résultat est très correct ! En tout cas, c'est beaucoup plus joli qu'une « Deciatka » avec des grosses jantes et des garde-boues jaune Sparco !

Il y a exactement huit places assises dans le bus. Sans compter la place du chauffeur. C'est-à-dire que vous pouvez conduire ce bus même avec un simple permis B. Bien sûr, l'AC1 AKH-60 n'est pas un bus moderne à plancher bas. Mais il n'est pas si difficile d'accéder à la rangée de sièges arrière. Certes, le toit est bas. Mais on ne peut pas s'en plaindre : il ne s'agit pas d'un véritable Ikarus « adulte », et il serait aussi stupide de le faire monter à deux mètres de hauteur que d'expliquer à Iouri Gagarine pourquoi on éclaire les carrefours dangereux.

Le désagrément provient, cependant, de la position centrale du moteur. Il est caché sous un monticule au milieu du bus, et franchement, c'est très gênant. Au début, j'étais même indigné contre le créateur de minibus mais il faut rappeler que ce « cercueil » est apparu ici, non pas sur un coup de tête, mais à cause de la police de la route… Étonnamment, le créateur de l'AC1 AKH-60 n'a pas pris la peine de déplacer le radiateur. Il trône maintenant au milieu du bus, dans l’habitacle. Mais le moteur ne chauffe pas, bien qu'il enfreigne certaines lois de la logique et de la physique.

Les sièges passagers proviennent d’un RAF-2203 de même que le panneau avant de la carrosserie. Le tableau de bord est celui d’un bus PAZ-672. Malheureusement, l'utilité de tous les boutons du tableau de bord est inconnue, même des experts du musée RetroBus où il se trouve désormais. Par contre, on sait parfaitement à quoi sert le volant, le commutateur d’allumage, les trois pédales et le levier de vitesses sur lequel est fièrement inscrit « Volga ».

Le bus n'a pas de réglage du dossier du siège du conducteur. J'ai eu l'impression que Kachasoum Alkhazov ne mesurait guère plus d'un mètre soixante-dix centimètres lorsque je suis monté dans le bus. Mais finalement, j'ai pu m'installer sur le siège du conducteur.

La position de conduite est un peu étrange. Elle rappelle à la fois le RAF-2203, le Land-Rover Defender et un tabouret. Dans cet Ikarus, le siège n’est clairement pas un siège baquet Bimarco ou UNP, on est donc proche du tabouret. La ressemblance avec le Rafik peut être expliquée par les pièces que ce bus emprunte au RAF-2203 (d'ailleurs, il ressemble aussi à celui de la GAZ-24, mais un bus n'est pas une voiture, donc la comparaison avec RAF serait plus exacte). Et si elle rappelle celle du Defender c’est que mon coude gauche tapait contre la vitre, ne trouvant pas de place dans l'habitacle : le siège du conducteur est nettement décalé vers la gauche, et il n'y a presque pas de place pour passer le bras.

Le schéma de passage des vitesses est inversé, c'est-à-dire que les première et troisième vitesses sont en bas et les deuxième et quatrième en haut. Je desserre le frein à main, enclenche la première et j’accélère. C’est parti. Le minibus ne traîne pas, ne se dandine pas, il avance ! Le moteur de la Volga n’est pas un V12 BMW après tout… Les rapports ont été très bien choisis. Le bus ne manque pas de peps, même en troisième ou en quatrième. La vitesse de pointe n’a rien de choquant (personne ne la  connaît, remarquez-bien), mais le minibus peut facilement atteindre 80 km/h.

Un grand bravo et un grand respect pour les suspensions. Certes, il y a du roulis dans les virages : le minibus reste lourd. Mais rien de critique, et l'essentiel est la douceur de roulement. Il n'y a pas de cahots, pas de coups ou de bruits sur les raccords de chaussée, rien de tout cela... Il sera agréable d’aller quelque part avec une grande famille. Bien que le moteur à l'intérieur gâche un peu les sensations : il est bruyant.

Comme la surface vitrée est grande et que le bus lui-même est petit, il n'y a aucun problème de visibilité. Vous êtes comme un poisson rouge dans un aquarium : vous pouvez voir tout ce qui vous entoure et les gens vous regarderont. C'est tout.

Le système de freinage est hydraulique, il vient de la Volga. C'est même étrange : l'attirance pour les Ikarus aurait pu conduire Kachasoum Alkhazov à installer des freins pneumatiques. Heureusement, ce n’est pas ce qu’il a fait. Avec deux personnes à bord, l'efficacité de l'hydraulique est suffisante. Ce qui se passera, si l'on charge complètement le bus, je ne peux pas le dire, mais je soupçonne qu'il sera préférable de freiner avec anticipation.

Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour : il s'avère que l'on peut tomber sur une samodelka qui est aussi bonne qu'une voiture de série. Il y a de l'ingénierie et de l'artisanat dans ce bus (même si c'est difficile à voir, et impossible à croire). Il est dommage que l'emplacement du moteur mette les passagers mal à l'aise, mais si nous pouvons pardonner beaucoup de choses aux géants automobiles nationaux et étrangers, ne pouvons-nous pas pardonner cela à Kachasoum Alkhazov ?

Lu sur : https://www.kolesa.ru/test-drive/mal-da-dorog-test-drajv-mini-ikarus-as1-akh-60
Adaptation VG

Tag(s) : #Samodelka, #AC1 AKH-60, #Ikarus, #Autobus, #Russie