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L’association Ukravtoprom vient de publier des statistiques choquantes. Au cours de l’année écoulée, l’Ukraine n’a produit que 5,660 voitures particulières, soit 22% de moins qu’en 2017. Dans le même temps, 5,659 d’entre elles sont des Skoda assemblées à l’usine Evrokar dans la région de Transcarpathie... Une seule voiture a été fabriquée dans la légendaire Usine Automobile de Zaporojié !

Cette unique voiture - apparemment une ZAZ Lanos - correspond en fait à un test de fabrication. Comme on l’explique chez ZAZ, elle a été fabriquée uniquement pour vérifier l’état technique des équipements mis en sommeil et le respect des procédures d’assemblage. Aujourd’hui, l’usine de Zaporojié ne produit en petite série que des autobus et des véhicules utilitaires légers.

Il faut rappeler qu’après l’effondrement de l’URSS, l’Ukraine était avec la Russie le principal producteur automobile. ZAZ produisait des voitures, LuAZ - aussi drôle que cela puisse paraître - ce que l’on appellerait aujourd’hui des crossovers, des autobus étaient faits à Lvov et des camions à Krementchouk. Aujourd’hui, KrAZ est la seule entreprise pleinement opérationnelle. Mais, d’une part, elle est en cessation de paiement et, d’autre part, elle ne fournit pas ses statistiques à Ukravtoprom. Il est donc impossible d’évaluer sa situation. Les volumes de production de KrAZ ne sont plus communiqués depuis août 2016, peut-être sur ordre du Ministère ukrainien de la Défense. Sans KrAZ, le secteur des camions et des utilitaires légers en Ukraine a chuté de 72% en un an.

D’ailleurs, s'il n'y avait les autobus dont les volumes sont en augmentation de 3%, la chute de l’industrie automobile ukrainienne dans son ensemble aurait été encore plus significative. Mais heureusement, dans le pays, la demande de véhicules de transport en commun est élevée et il existe plusieurs constructeurs : à Zaporojié, Tchernigov, Tcherkassy, Donetsk et Loutsk. Il manque Lvov dans la liste mais si l’usine, qui existait déjà du temps de l’URSS a produit en 2018 plusieurs véhicules après une longue pause, ils ne sont pas pris en compte dans les statistiques de Ukravtoprom.

Comment l’Ukraine a-t-elle donc pu perdre ainsi son industrie automobile ?

« Le problème tire son origine de l’époque de l’URSS. Après l’effondrement de l’Union Soviétique et la rupture des anciennes relations industrielles, les entreprises ukrainiennes ont dû se réorienter vers d’autres types de production, d’autres produits et d’autres marchés. Pour cela, il a fallu changer les équipements obsolètes. Un investissement énorme. Dans le monde entier on peut contracter des crédits pour faire ces investissements mais dans notre pays, quels prêts en hryvnia étaient et sont toujours accordés aux entreprises industrielles ? Des prêts à court terme avec des taux d’intérêt monstrueux. Pas moins de 16% et pour un an maxi. Quelle rentabilité doit-on avoir pour être prêt à payer 16% ? » explique Oleg Papachev, le directeur adjoint d’Ukravto (dont fait partie ZAZ).

Selon lui, l’Etat s’est désengagé et des facteurs économiques considérés comme « meurtriers pour les producteurs » se sont ajoutés à cette problématique : la crise et la dévaluation de la hryvnia. Cela a conduit à l'effondrement du marché automobile national et à la faillite des entreprises qui y travaillaient. Dans le même temps, ils n’ont plus eu accès à un énorme marché étranger, la Russie, à laquelle Kiev refuse tout simplement de vendre des voitures.

« Que feraient les autres gouvernements dans cette situation ? Ils essaieraient d’aider leur constructeur national par tous les moyens. Les mécanismes d’aides sont bien connus et ont été testés à plusieurs reprises. Par exemple les programmes d’incitation à l’achat des voitures des producteurs nationaux : primes, crédits à taux préférentiels. Tout est mis en œuvre pour protéger son marché et fournir aux constructeurs un volume de ventes suffisant. Que font nos autorités ? Elles ferment les yeux sur l’importation illégale de centaines de milliers de voitures d’occasion en provenance d’Europe. Et on trouve toujours une raison quelconque pour ne pas écouter les constructeurs nationaux et on les repousse comme des entreprises cherchant encore et encore certains privilèges et préférences » ajoute-t-il.

Et malgré son succès relatif, Evrokar a déclaré connaître des difficultés d’un point de vue économique. Premièrement, le volume de production actuel est presque deux fois moins élevé que prévu. On tablait sur 9,400 voitures. Deuxièmement, Oleg Boyarine, le propriétaire de cette société a qualifié dans une interview ses résultats de 5 à 6 mille voitures comme une « goutte d’eau dans l’océan ». « Dans les conditions actuelles, cela n’a pas de sens de fabriquer des voitures en Ukraine. Nous sommes les derniers à produire des voitures. Nous essayons de garder notre personnel dans l’espoir de futurs projets. Sans soutien de l’industrie au niveau de l’Etat, il est difficile de parler d’un quelconque développement » remarque-t-il.

Il ajoute aussi que l’usine a souffert, notamment des sanctions anti-russes.

« Avant les évènements de Maïdan, nous nous apprêtions à lancer la production de deux modèles : la Rapid et la Rapid Spaceback, destinées aux marchés russe et ukrainien. Les volumes de production prévus allaient de 50,000 à 100,000 voitures par an, souligne Oleg Boyarine. On parlait de production à grande échelle. Pour des raisons évidentes, le projet s’est arrêté et les investissements n’ont pas été réalisés ».

Les experts estiment que le retour des exportations vers la Russie serait l’une des rares options qui permettrait de sauver l’industrie automobile ukrainienne. Oleg Nazarenko, le directeur général de l’Association ukrainienne des importateurs et des revendeurs automobiles estime qu’il est nécessaire d’accéder aux marchés extérieurs pour charger les usines locales, y compris Zaporojié et Loutsk.

« Une usine automobile commence à être rentable à partir de de 180 à 200 mille voitures par an. En Ukraine, avec un marché de 80,000 voitures, le reste doit partir vers l’étranger. Nous avons perdu les marchés de la CEI et de la Russie et le marché européen est fermé pour l’Ukraine » termine-t-il.

Lu sur : https://rg.ru/2019/01/19/odin-avtomobil-za-god-kak-ukraina-ubila-svoj-avtoprom.html
Adaptation VG

Tag(s) : #Ukraine, #Marché, #Analyse