Miroslav Staron évoque l'époque où il travaillait sur le développement de la T700, la dernière voiture de tourisme de l'histoire de Tatra, comme la meilleure année de sa carrière professionnelle.
Le développement du nouveau modèle a pris moins d'un an, des premières esquisses à la présentation du prototype à la direction de l'entreprise. La Tatra 700 a été présentée au public le 9 avril 1996. Pourtant, aussi vite que la voiture a été créée, sa production s'est arrêtée - l'usine automobile n'en a même pas produit 100 unités.
« Elle m'a accompagné toute ma vie, pour ainsi dire, car même si sa conception n’a pris qu’un an, ce fut le meilleur projet sur lequel j'ai jamais travaillé. Pour moi, ce fut la meilleure année de ma carrière professionnelle, même si elle s'est déroulée de la façon dont elle s'est déroulée, j'ai beaucoup appris, j'ai rencontré beaucoup de personnes intéressantes, et certains de mes collègues ont commencé à me respecter davantage » raconte-t-il.
Après le changement de régime en 1989, la marque Tatra elle-même ne savait pas où aller. Le constructeur automobile changeait souvent de directeur et chacun avait une idée différente. Miroslav Staron, qui avait déjà travaillé, entre autres, sur des projets de Tatra à conduite à droite pour la Grande-Bretagne, a été approché par le nouveau directeur de l'époque en 1994, qui lui a déclaré vouloir une nouvelle voiture de tourisme et ce, dans un délai d'un an. La Tatra 613 existante était en production depuis 1974.
« J'ai dit que ce n'était pas possible, que le maximum que nous pouvions offrir était une certaine modernisation » explique l’ingénieur. Il a fait pression pour une collaboration avec le designer Geoff Wardle, avec qui il avait déjà travaillé sur les modèles pour la Grande-Bretagne. « Nous avons commencé à réaliser une maquete. Geoff nous a apporté de nouvelles techniques avec des produits qui sont couramment utilisés aujourd'hui, mais c'était nouveau pour nous à l'époque » ajoute-t-il.
« Je savais que la structure de la Tatra 613 devait être conservée, que nous n'avions ni le temps ni l'argent pour fabriquer de nouveaux outils de production pour une carrosserie complète. L'objectif était de faire revivre la voiture, de la moderniser, de lui donner un aspect différent, de la rendre qualitativement différente et de rapprocher sa technologie des années 1990. Bien sûr, nous avions des possibilités limitées, mais il y avait cette excitation qu'après des années, quelque chose se passait chez Tatra pour les voitures particulières » déclare Miroslav Staron.
Geoff Wardle a commencé à dessiner en janvier 1995, et à partir de février, il est venu chez Tatra les week-ends. « Il a appris aux gars de l’atelier à travailler avec le mastic, et ils ont passé plus d'une semaine à la finir selon ses instructions. Début mai, nous avons présenté la maquette à la direction de Tatra ».
C'est surtout l'avant de la voiture qui a été complètement modifié, avec des changements partiels à l'arrière également. La voiture avait un nouveau chauffage, une climatisation fiable. « Nous avons réussi à la porter à un niveau différent, mais malheureusement pas à un niveau comparable à celui des Mercedes ou des Audi de l'époque. Elle n'avait pas d'airbags, d'ABS, de transmission automatique, cela faisait partie des plans de développement ultérieur » explique Miroslav Staron.
Mais fabriquer la nouvelle voiture n'a pas été facile. Les presses pour les nouvelles ailes de la Tatra ont été fabriquées par Skoda à Kvasiny. Réaliser le capot avant était également compliqué, et il a finalement été produit par une entreprise de Kunovice travaillant pour l'aéronautique. L'assemblage exigeait également beaucoup de travail manuel. Le premier prototype a été présenté à la direction le 23 décembre 1995.
« En l'espace d'un an, nous avons pu amener la voiture jusqu’à la production. J'ai accompli la tâche qui m'avait été confiée au début de l'année. Technologiquement, nous avions progressé, mais malheureusement, nous n'avons pas été en mesure - dans le temps imparti et avec le budget alloué - d'amener la voiture à un niveau lui permettant d’être pleinement en mesure de rivaliser avec les modèles qui commençaient à être importés dans le pays ». Le prix d'environ 1,5 million de couronnes était également un obstacle.
Selon lui, l'équipe a fait ce qui était possible à l'époque. « Nous avions des moyens limités. Il n'y avait personne, nous manquions d'expérience, de technologie, d'argent et de temps. Tatra était divisée sur le plan organisationnel et la direction que nous allions prendre n'était pas claire ».
Déjà dans les années 1980, dit-il, il était question d'arrêter complètement la production de voitures particulières. Après un nouveau changement à la direction de l'entreprise, cette décision a finalement été prise. Pour diverses raisons, la situation financière de Tatra n'était pas bonne et l'arrêt de la production non rentable de voitures particulières était irrémédiable. En 1996, environ 70 exemplaires du nouveau modèle Tatra 700 ont été produits dans l'usine Tatra de Pribor, mais les années suivantes, la voiture a été produite unitairement à la commande. Miroslav Staron n'était plus chez Tatra à cette époque, il a quitté l'entreprise après le changement de direction. La direction de l'usine de Pribor a également changé.
Selon lui, la Tatra 700 avait du potentiel. C’est ce que l’on a vu, par exemple, au Salon de Francfort où elle a attiré de nombreux acheteurs étrangers. « Ils ont vu la voiture comme une opportunité unique. Un design unique, une configuration unique avec un moteur arrière, une énorme voiture avec un moteur V8 refroidi par air, puissant, intéressant - ils l'ont appréciée » note Miroslav Staron.
Zdenek Kübel, ancien adjoint au responsable technique de l'usine Tatra de Pribor, se souvient que dans les années 1990, des projets de coopération avec des entreprises étrangères (comme Audi, Fiat ou Chrysler) étaient prévus pour percer sur les marchés occidentaux. Cependant, ils étaient liés à la nécessité de rendre l'usine de Pribor indépendante et la « grande » usine Tatra de Koprivnice n'était pas d'accord avec cela.
« Le projet le plus avancé était celui avec Citroën. La production de véhicules utilitaires, des fourgonnettes, devait être introduite à Pribor, à raison de 12,000 unités par an. Nous avions préparé le projet dans les moindres détails, cela devait commencer par l’importation de kits de pièces pour en faire l’assemblage, puis augmenter progressivement la localisation pour qu'elle soit maximale, de manière à pouvoir utiliser nos capacités et les compétences de notre personnel » se souviant Zdenek Kübel.
Les voitures de tourisme Tatra devaient continuer à être produites à Pribor et être progressivement améliorées. « La production de véhicules utilitaires générerait des capitaux qui nous permettraient de moderniser la Tatra et de la maintenir au niveau technique approprié à raison de 1,500 exemplaires par an » ajoute-t-il. À en juger par l'intérêt suscité par la voiture au salon de Francfort, il y aurait certainement des gens intéressés dans le monde entier.
« Mais le destin n’a pas tourné en notre faveur. Citroën avait posé comme condition que si nous faisions une joint-venture, nous devrions devenir indépendants de la maison-mère Tatra, pour que le financement soit séparé, pour que l'argent que les Français investiraient ne finisse pas dans le « gouffre » de Koprivnice. Tatra a dit non et il s'est avéré que nous, qui le voulions, devions quitter Pribor » termine Zdenek Kübel.
Lu sur : https://www.auto.cz/na-vyvoj-vozu-tatra-700-vzpomina-sefkonstrukter-jako-na-nejlepsi-rok-kariery-1386769
Adaptation VG