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Ces Jigoulis étaient très populaires en occident et restaient un rêve inatteignable en URSS. Elles inspirent aujourd’hui une nouvelle génération de pilotes. Retour sur l’histoire de la VFTS et essai d’une fidèle copie que Statis Brundza lui-même a pu rencontrer.

Contrairement à toute logique, les Lada « classiques » ne pourrissent pas dans l’immensité de leur cruelle patrie mais connaissent aujourd'hui une sorte de renaissance. Chaque année, de nouvelles voitures avec des carrosseries renforcées, des moteurs préparés, des châssis modifiés, des peintures de guerre et des gens terriblement heureux à leur volant, font leur apparition sur les routes de Russie. Un véritable culte sportif se forme autour de ces modèles qui ont pourtant toujours été l’antonyme de la vitesse et de la maniabilité.  

Il y a pourtant suffisamment de raisons objectives à cela. Elles sont génétiquement adaptées à la dérive, leur technologie est simple et connue par cœur et, bien sûr, ces voitures et la plupart de leurs pièces de rechange ne coûtent quasiment rien. Les amateurs de « Classiques de combat » sont également animés par un rêve - le leur ou hérité de leurs pères - celui de construire une Jigouli aussi chouette que la légendaire et inaccessible Lada VFTS !

C'est un rêve aujourd'hui accessible à tous et sur internet on trouve en cinq minutes des recettes éprouvées et efficaces pour fabriquer ce rêve. Quand on sait qu'au milieu des années 1980, les « pilotes amateurs » devaient se contenter d'un pommeau de levier de vitesses avec une rose incrustée, des nattes à boules sur les sièges et d'une bande antistatique accrochée sous la jupe arrière pour améliorer leur voiture…  

Imaginez donc ce qu’était la Lada VFTS dans ce contexte. Une carrosserie d’athlète avec des ailes larges, 160 chevaux tirés d’un moteur pratiquement standard et moins de huit secondes pour passer de 0 à 100 km/h. Et même s’il s’agit d’une véritable voiture de rallye, cela semblait fantastique. Elle n’avait rien de commun avec la plus rapide des Jigoulis de série, le moindre petit détail ayant fait l’objet d’une approche extrêmement scrupuleuse.

On retrouve là, le caractère du créateur de la VFTS, le légendaire pilote lituanien Statis Brundza. Outre sa vitesse naturelle, il s’est toujours distingué par un style de pilotage académique et calculé : un minimum de dérive, une efficacité maximale et une étude réfléchie des roadbooks des épreuves auxquelles il participait. Résultat : dix titres de champion d’URSS de rallyes et plusieurs récompenses lors de compétitions internationales. En dehors des pistes de rallyes, Statis Brundza s’est également avéré être une personne extrêmement astucieuse et un homme d’affaire averti.

Après avoir piloté avec succès, durant les premières années de sa carrière pour l’Usine Automobile d’Ijevsk, des IZH et des Moskvitch, Statis Brundza a été l’un des premiers à se rendre compte que ces voitures commençaient à devenir obsolètes et que l’avenir appartenait aux Jigoulis, plus modernes, mais aussi qu’il ne fallait pas se fier aux spécialistes de l’usine de Toglaitti : pour faire bien, le mieux était de faire soi-même.

Le Lituanien est retourné dans son pays natal où, dans une usine de réparation automobile de Vilnius, il a créé un petit atelier de préparation de voitures de rallye. Un équipement moderne, des spécialistes hautement qualifiés et le soucis du moindre détail : voilà la clé de son succès. Dans la seconde moitié des années 1970, les Kopëika de rallye préparées par Statis Brundza ont commencé à récolter des trophées et sont devenues la principale force de frappe du rallye soviétique. Et l’atelier a pris de l’ampleur : au début des années 1980, Statis Brundza employait déjà 50 personnes et l’atelier s'est transformé en une entreprise sérieuse qui a reçu le nom de VFTS - la Fabrique de Moyens de Transports de Vilnius. Quand est venu le temps de passer de la Kopeïka (VAZ-2101) à la Piatierka (VAZ-2105) plus moderne, Statis Brundza décida de profiter de toute l’expérience qu’il avait accumulé et de faire banco.

La nouvelle Jigouli fut homologuée selon exigences internationales du fameux « Groupe B » dans lequel il n’y avait pratiquement aucune restriction sur les modifications. Les folles Audi Quattro Sport, Lancia Delta S4, Peugeot 205 T16 et d’autres monstres turbo de 600 chevaux se sont illustrés dans cette catégorie, de même que les Lada VFTS bien plus modestes : avec une disposition classique du moteur à l’avant, la propulsion plutôt que la transmission intégrale et pas de turbo, le moteur restait atmosphérique et sa cylindrée de 1600 cm3 identique au moteur d’origine.

Mais ce moteur avait été préparée avec une précision de joaillier, ce que la chaîne d’AvtoVAZ était en principe incapable. Les pièces d’usine furent soigneusement sélectionnées, polies, équilibrées et à nouveau polies. Le vilebrequin et les arbres à cames ont été reconstruits en utilisant des bielles forgées, des soupapes en alliage de titane, le taux de compression passant de 8,8 à 11,5, le tout alimenté par un puissant carburateur double corps Weber 45 DCOE. En fait, le moindre élément du moteur était passé entre les mains des artisans de Vilnius. Pour quel résultat ? Si le moteur de série faisait 69 chevaux , celui de la VFTS en affichait 160 !

Le reste de la voiture avait également été modifié. La VFTS avait une suspension renforcée avec une géométrie différente, une double barre stabilisatrice à l’avant, un pont arrière modifié et un système d’échappement sport avec un collecteur 4-2-1. Il avait même fallu faire un tunnel parallèle à celui de la transmission pour cette ligne d’échappement. Les voitures apparues plus tard se targuaient également d’une direction plus directe, d’une boîte à cinq vitesses au lieu de quatre et même de panneaux de carrosserie en aluminium. En bref, il s’agissait des Jigoulis les plus chouettes de l’histoire et l’un des modèles sportifs les plus réussis de l’URSS. A tel point que l’équipe d’usine d’AvtoVAZ a renoncé à essayer de construire sa propre version de « Piaterka » de rallye pour passer à celle de Statis Brundza !

La VTFS s’est pourtant avérée être un rêve inatteignable même pour les pilotes soviétiques. Cette voiture n’était conduite que par des pilotes triés sur le volet, les meilleurs parmi les meilleurs. Il n’y en avait tout simplement pas assez pour les autres ! Car la Jigouli de rallye était appréciée par les pilotes occidentaux - Allemands, Norvégiens, Suédois et en particulier Hongrois. Cette voiture rapide, simple et solide coûtait environ 20,000 dollars - des clopinettes pour une voiture de course. Et l’organisme Avtoexport livrait volontiers la VFTS à l’étranger pour ramener des devises étrangères au pays.

Malheureusement, en Occident, ces jigoulis miraculeuses n’ont pas été vénérées et, en conséquence, il ne reste pratiquement plus d’exemplaires originaux. La seule voiture entièrement complète se trouve dans le musée personnel de Statis Brundza et les quelques autres exemplaires restant ne peuvent être identifiés que par une étiquette située sur l’arceau de sécurité. Le reste a fini dans des compétitions d’auto-cross, modifié mille fois et se trouve dans un état extrêmement triste.

Mais la légende de la VFTS est restée. Elle a survécu à l’effondrement de l’Union Soviétique, aux troubles des années 90 et connait un renouveau en ce 21ème siècle. De nos jours, des passionnés construisent un grand nombre de voitures copiant souvent l’apparence des voitures de rallye de Vilnius : extensions de carrosserie « carrées », aileron inversé sur le coffre, livrée rétro… Certes, la technique est souvent radicalement différente : pourquoi s’embêter avec un vieux huit soupapes quand on peut installer un seize soupapes, plus moderne et plus facile à préparer ? Ces voitures ne sont pas de pures répliques de VFTS mais plutôt un hommage, un hommage dans le style et dans l’esprit.

L’exemplaire dont fait l’objet cet article a été construit en se conformant au maximum à l’original : selon les mêmes documents d’homologation qui ont été soumis à la FIA en 1982. Bien sûr, il y a quelques petites libertés, mais elles ne rendent pas cette Jigouli moins authentique. Vous ne nous croyez pas ? Sachez que cette voiture a été personnellement inspectée, reconnue et dédicacée par Statis Brundza en personne.

De plus, cette « Piaterka » bleu de 1984 ne semble pas neuve. Les traces de rouille sur les éléments d’échappement et de suspension, la peinture passée et parfois craquelée, les jantes rayées ne constituent pas des défauts mais la patine historique, comme si la voiture avait survécu jusqu’à nos jours. Et quand son moteur prend vie, toussant d’une voix rauque sur un ralenti inégal, je suis empli d’émotions particulières...

Pour l’hiver, le carburateur double corps a été retiré pour être remplacé par un simple corps - également Weber - mais plus simple. La puissance mesurée au banc passe de 163 à 135 chevaux, mais ce n’est pas grave : il en reste suffisamment pour la glace et la neige. Dans cette configuration l’élasticité est beaucoup plus élevée - pour rendre la voiture plus facile à contrôler dans les dérives.

Mais même ainsi, le moteur est quasi inexistant à bas régime. Il faut démarrer en accélérant exagérément et si vous passez le rapport supérieur trop tôt, la VFTS va presque caler et vous devrez embrayer et augmenter à nouveau le régime. Mais une fois le moteur lancé, c’est une vraie ode à l’excitation et à la vitesse.

Légère - moins d’une tonne - la voiture prend de la vitesse dans un grondement d’échappement et à l’approche des 7,000 tr/min un rugissement frénétique se fait entendre sous le capot couplé à une sonorité métallique. La configuration hivernale de la suspension avec ressorts et amortisseurs souples absorbe parfaitement les bosses de la piste de rallye de la région de Moscou. Même sur ce terrain difficile, la « Piaterka » reste en contact total avec la surface et se joue des « tremplins » : c’est élastique, lisse et sans rebonds secondaires.

Malgré sa direction d’origine, cette voiture est incroyablement facile à contrôler. L’augmentation de l’angle de chasse et l’équilibre inhérent l’aide beaucoup. On n’a pas besoin de se battre frénétiquement avec le volant d’un côté ou de l’autre : il suffit de placer la voiture à l’entrée du virage (avec les freins ou en contre-braquage peu importe), puis elle gardera l’angle presque toute seule, sans besoin de corriger la trajectoire. Certes, les angles de la direction sont plutôt modestes mais ce n’est pas une voiture de drift mais une voiture de rallye réglée avant tout pour l’efficacité.

La VFTS est à la fois amusante et facile à conduire. On comprend très rapidement son langage, sans fausseté ni ambiguïté ou s'appliquent seulement la pureté des lois de la physique et la capacité inhérente à une voiture de course de se placer plus facilement à mesure que la vitesse augmente. Après avoir pris le bon rythme, je comprends alors pourquoi des centaines de Polonais et de Hongrois, s’affrontent encore aujourd’hui au volant de ces Jigouli. Ce n’est pas seulement une question de budget. C’est aussi très amusant !

Il est aussi gratifiant que le culte de la VFTS, un mythe pour l’automobiliste soviétique et une réalité pour les étrangers, revienne enfin en Russie. Drift, rallye ou simplement voiture de route. Cela n’a pas d’importance. L’important est que cette « Classique de combat » deviennent vraiment populaire.

Lu sur : https://www.autonews.ru/news/601a3ec29a79476c389d014b
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #VAZ, #Lada, #VFTS, #Réplique, #Essai, #Vidéo