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Messieurs, cette version d’exportation est un peu bâtarde ! Elle devrait déjà avoir une grille-auvent de pare-brise en plastique. Et son moteur ? Il s’agit d’un bloc déjà retiré des versions domestiques. Et le tableau de bord ? Celui de l’ancien modèle ! Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas avec cette voiture. Enfin c’est ce qu’on pourrait penser au premier abord.

Cette Polonez nous fait à nouveau comprendre qu’être catégorique et intraitable sur les détails d’équipement ou les dates de production de certaines voitures fabriquées en Pologne n’a pas de sens. Et cela ne s’applique pas uniquement à la période de la PRL. Rien ne va avec cette voiture ! Si les versions exports ont toujours été mieux équipées que celles destinées au marché intérieur, ici c’est exactement le contraire.

La Polonez Caro - ou plutôt FSO Caro - présentée dans cet article est l’une des dernières voitures à conduite à droite ayant quitté l’usine de Zeran. Pays de destination : la Grande Bretagne. Les doutes commencent quand on regarde ses papiers et que l’on découvre la date de production : 1995. Les voitures fabriquées à cette époque pour la Pologne avaient, entre autres, la grille-auvent de pare-brise en plastique avec les essuie-glaces positionnés différemment, un tableau de bord avec des sorties d’air supplémentaires au centre, une nouvelle instrumentation avec l’éclairage orange et, à la fin de la même année, elles ont aussi reçu un moteur 1600i et un nouveau système de freinage Lucas.

Notre « britannique » est privée de tout cela. Sous le capot, on trouve un moteur 1.5 à injection, les compteurs sont de l’ancien type (avec un inédit témoin « check engine » orange), le tableau de bord et le système de freinage sont également ceux de l’ancienne version. Néanmoins, c’est bien « 1995 » qui est estampillée dans le compartiment moteur… Si l’usine le dit…

Cette année-là, FSO a produit 890 Polonez pour l’exportation (sans compter les Trucks) dont 72 seraient parties en Grande-Bretagne. L’année suivante 88 Polonez de plus ont été vendues à l’étranger (mais toutes avaient le volant à gauche). La carrière internationale de la voiture s’est terminée là. La version Plus n’a été vendue qu’en Pologne et les Trucks ont encore été proposés sur certains marchés occidentaux (par exemple en Italie) sous la marque Daewoo. Nous n’avons trouvé aucune information sur l’envoi présumé de la Plus vers la Serbie, mais notre FSO « anglaise » bleu marine enseigne l’humilité….

L’exportation de voitures sous le régime communiste a toujours suscité beaucoup d’émotions. Il n’est un secret pour personne que s’il n’y avait pas eu de ventes de voitures contre des devises fortes, il aurait été impossible de maintenir la production dans ces pays-là. Quand le proverbial Kowalski (l’équivalent de notre Martin) entendait aux infos télévisées que 50% de la production partait à l’étranger, il avait de quoi être énervé surtout après que Gierek eut proposé dans les années 1970 à notre Polonais moyen « d’acheter une voiture avec un système de prépaiement » et que malgré la collecte du montant approprié, il ne recevait toujours pas son invitation à prendre livraison de sa voiture…

Tant FSM que FSO, entreprises publiques à cette époque, étaient traitées par les dirigeants comme des « vaches à lait en devises ». Pour l’usine de Varsovie, les exportations avaient commencé en 1954 lorsque les premières Warszawa (784 exemplaires) avaient été vendues à l’étranger. A cette époque, ce chiffre représentait la moitié de la production et les voitures partaient vers la Chine, l’Albanie, la Bulgarie et la Roumanie.

Il était cependant plus rentable de les vendre contre des devises fortes. Jusqu’en 1997, FSO a vendu plus de 1,26 million de voitures par ce biais dont 470 mille ont constitué ce qu’on appelle des exportations internes : les voitures restaient dans le pays mais étaient achetées en dollars ! Une fois déduits les investissements, l’usine de Zeran a rapporté au budget de l’Etat 1 milliard de dollars. Pourtant elle manquait souvent de devises pour acheter en Occident les composants nécessaires à la production.

Dans le cas de la Polonez, le plus grand nombre de voitures vendues contre de « l’argent réel » l’a été en Grande-Bretagne, soit près de 30,000 exemplaires. C’est d'ailleurs précisément sur l’île britannique que la millionième FSO exportée - une Polonez rouge fabriquée le 14 mars 1985 - a été livrée. La Pologne en a aussi vendu 17,000 à l’Egypte (certaines sous forme de kits), 15,000 en France, près de 5,500 au Danemark et un peu moins aux Pays-Bas et en Belgique - respectivement 5,200 et 4,200.

Plus de 41,000 ont été vendues en Chine. Une grande partie des livraisons l’a été sous forme de troc contre des textiles et de la nourriture. Mais ce n’était pas vraiment une bonne affaire. Tout d’abord parce que les Chinois ont commencé à produire eux-mêmes des pièces pour la Polonez (en les copiant, personne ne se souciant même de retirer les inscriptions et les logos FSO) et parce qu'au début des années 90, une copie bâclée de la voiture complète a même fait son apparition - la Dongfanghong Yituo. Elle avait même un avant ressemblant à la VW Santana. Inutile de dire que l'usine de Varsovie n'avait rien à voir là-dedans !

Les Polonez ont également pris le chemin d’endroits plus exotiques - Thaïlande, Nouvelle-Zélande, Équateur, Fidji ou Singapour. Fait intéressant, relativement peu d'entre elles ont été livrées aux démocraties populaires avec lesquels les paiements étaient effectués dans la monnaie virtuelle du Comecon, le rouble transférable. Ces exportations n'étaient pas rentables pour l'usine et c'est pourquoi en 1983 elles ont complètement cessé. Les dernières Polonez « en roubles » ont été vendues à la Hongrie (1,000 exemplaires) et à Cuba (300). Au total, entre 1978 et 1996  874,966 Polonez ont été exportées tous marchés confondus (y compris les kits CKD et les exportations internes) et 5,455 versions Trucks.

Mais revenons à l’héroïne de notre article. Pourquoi cette voiture a quitté l’usine avec une finition si étrange ? L’explication est finalement très simple : dans les années 90, les voitures à conduite à droite constituaient une infime partie de la production et il n'était pas rentable d’y apporter toutes les modifications subies par les modèles destinés au marché local. Il est donc probable que le nouveau tableau de bord et les modifications apportées au système de ventilation soient à l’origine de cette différenciation.

Introduire une nouvelle planche de bord pour quelques dizaines de voitures à conduite à droite aurait été du gaspillage et il a donc été décidé d'utiliser ce qui était déjà en stock. Cela a impliqué l'installation de l’ancien système de chauffage et de ventilation, y compris la grille-auvent métallique et les anciens essuie-glaces. Ce fut la même chose avec les compteurs - comme il en restait gradués en miles de Borewicz, le voyant « check engine » leur a été ajoutée et le tour était joué ! Le moteur plus petit est plutôt une demande de l'importateur britannique, liée à des questions fiscales (certaines Polonaises exportées ont même reçu un 1300 cm3, non disponible en Pologne depuis longtemps).

En raison de son caractère unique, au lieu de terminer sa vie dans une casse en Angleterre, cette FSO Caro bleu marine est revenue de « l'émigration » il y a quelques années. La voiture était dans un état déplorable et nécessitait une rénovation complète, qui a été réalisée par Tomasz Graczyk de FSOservice.pl au Musée de l'automobile et de la technique de Piastów. Aujourd'hui, la voiture roule, est dans un état impeccable et suscite la surprise et de constants commentaires.

FSO Caro 1.5 GLi - avantages et inconvénients :
Dans les années 80, les « rebuts » des exportations étaient particulièrement appréciés sur le marché intérieur. Les voitures destinées à l’étranger étaient soumises à des contrôles qualité supplémentaires et ces rebuts, en raison de défauts, ne pouvaient pas y être vendues. Généralement mieux équipées, c’était de bonnes affaires.
Les voitures à conduite à droite constituaient une exception car peu pratiques pour circuler à droite et en raison de la difficulté de trouver les pièces spécifiques. On ne sait pas combien de ces voitures existent encore sachant que nombre d’entre-elles ont été reconverties en conduite à gauche !

Aujourd’hui ces voitures font sensation lors des manifestations automobiles. Elles roulent dans la circulation de tous les jours sans problème majeur mais la joie de la conduite s’arrête quand vous essayez de dépasser un camion sur une route normale : si vous avez un passager, cela vaudra la peine de lui demander de l’aide.

FSO Caro 1.5 GLi - pièces détachées :
On peut parfois trouver les pièces spécifiques des Polonez « anglaises » (par exemple le faisceau électrique ou la crémaillère de direction) mais dans l’ensemble cela peut être problématique. Par exemple, les tableaux de bord des voitures reconverties en conduite à gauche ont tout simplement fini à la poubelle. Vous ne les trouverez pas non plus à l’étranger car, dans la plupart des cas, ces voitures ont terminé à la casse il y a longtemps.

FSO Caro 1.5 GLi - situation du marché :
Sans aucun doute, la FSO Caro de 1995 avec son volant à droite est l’une des voitures polonaises les plus rares. Ni en Pologne, ni au Royaume-Uni nous n’avons trouvé d’annonces concernant la vente de FSO Caro et si vous en cherchez une vous devrez être vigilants. Vous finirez peut-être par en trouver une. C’est pourquoi il est difficile de parler de situation de marché et de prix moyen car c’est une question individuelle et cela dépendra beaucoup de son état. Les collectionneurs seront sans doute attirés par une voiture aussi inhabituelle et on peut supposer que ce modèle sera beaucoup plus cher qu’une voiture dans un état similaire avec le volant à gauche.

Gardez un œil sur les annonces. Tôt ou tard, une autre FSO Caro ou une Polonez à conduite à droite sera mise en vente. Mais dans votre recherche, vous devrez être guidés par l’envie de posséder une voiture atypique ou éventuellement par vouloir étendre votre collection et non pas chercher à faire de l’argent en la revendant ultérieurement. Toutes les voitures rares ne deviennent pas automatiquement chères et recherchées. A notre avis, c’est le cas de la Caro « britannique » !

Légende des photos :

• Cette voiture est un peu bâtarde.
• La moitié des années 90, dernière tentative d’exportation de la Polonez.
• A la même époque c’était la voiture la plus vendue en Pologne.
• Les plaques d’immatriculation britanniques appartiennent à cette voiture mais elles n'ont été remontées que le temps de la séance photo. En tant que voiture de collection cette Polonez roule avec des plaques jaunes.
• Il faut un peu de temps pour s’habituer à la conduite de la Polonez « britannique ». Elle est aussi la cause de nombreux sourires.     
• Le tableau de bord de la première Caro a également été le dernier à être produit en conduite à droite. C’est justement l’absence d’un nouveau tableau de bord qui est la cause de la configuration si étrange de cette version.
• C’est une injection, c’est pourquoi il fallait un témoin « check engine » !
• Cette Poldek a une bien jolie sellerie. Cela ne peut qu’être qu’une version export ! Eh bien, pas vraiment. Le garnissage bleu des sièges et des panneaux de portes, bien assorti à la couleur de la carrosserie, est une idée du propriétaire actuel de la voiture, et non de FSO !
• L'injection de carburant monopoint permettait à Polonez de disposer du catalyseur nécessaire pour être vendue à l'étranger. Cela a également amélioré la fiabilité de la voiture et facilité son entretien.
• « The right cars at the right prices » - les bonnes voitures aux bons prix.
• Il est difficile de ne pas être d'accord avec la brochure publicitaire FSO des clients britanniques - les voitures polonaises étaient parmi les moins chères du marché !
• Il faut également se rappeler que les voitures destinées à l'exportation étaient généralement mieux fabriquées et équipées.

Lu sur : https://www.auto-swiat.pl/klasyki/youngtimer/fso-caro-15-gli-jak-jezdzi-wersja-eksportowa/04nr4km
Adaptation VG