
En 1956 a été organisée à Moscou une exposition d’une ampleur comparable à celle d’un véritable salon international de l’automobile. Le pavillon d’exposition et l’esplanade de l’Institut NAMI avaient été pris d’assaut par les nouveautés de l’industrie automobile étrangère : voitures particulières, mais aussi camions et autobus. Pour l’époque, il s’agissait d’un évènement sans précédent. Kolesa.ru a pu mettre sur la main sur des photographies jamais publiées de cette exposition. Elles permettent de voir exactement quels modèles étrangers ont été copiés par les ingénieurs soviétiques.
De tous temps, les bureaux d’études des usines automobiles de l’URSS ont soigneusement étudié les nouveautés de l’industrie automobile mondiale. Les ingénieurs soviétiques ne se limitaient pas à la lecture des journaux américains, allemands, anglais et français. Pour une étude complète, ils avaient besoin de vraies voitures. Le Ministère de l’Industrie automobile, à la demande des responsables des bureaux d’études, achetait les modèles étrangers dont on avait besoin - en Europe et aux USA, tous les modèles étaient en vente libre.
Avant la guerre, le NATI avait un garage plein de voitures étrangères et des voitures américaines exotiques circulaient chez GAZ et ZiS. Durant la guerre, les grandes Packard, Lincoln, Cadillac ont été étudiées chez ce dernier pour concevoir la future ZiS-110. Chez GAZ, c’est l’Opel Kapitan qui a été examinée de près pour la future GAZ Pobeda. Dans les années d’après-guerre, il y a eu une accalmie en raison de la situation politique : on était en pleine Guerre Froide et en URSS c’était la fin des « courbettes devant l’Occident ». Malgré tout, surtout après 1949 quand le poste de chef du bureau d’études a été pris par Alexander Andronov, l’Usine Moscovite de Voitures de Petites Cylindrée (MZMA) a acheté toute une série de voitures étrangères : Fiat, Ford, Peugeot, Skoda et des marque britanniques désormais oubliés comme Austin, Hillman et Morris.
En 1956 avec le XXème Congrès du PCUS, une nouvelle période historique a débuté. On l’appellera plus tard le « Dégel ». Le Ministère de l’industrie automobile et des tracteurs a décidé d’étudier les progrès réalisés par l’industrie automobile mondiale. Les véhicules domestiques étaient rapidement devenus obsolètes même si dans le domaine des voitures particulières, l’URSS n’était pas encore totalement dépassée. Dans les années d’après-guerre, le pays avait commencé à fabriquer la GAZ-12 ZIM et le GAZ-69, en avril 1956 MZMA avait lancé la Moskvitch-402 tandis que GAZ préparait activement la Volga.
Les camions et les autobus n’avaient pas beaucoup évolué : lourds, peu économiques et avec un moteur insuffisamment puissant. De plus, les modèles proposés ne répondaient plus à tous les besoins de l’économie de l’URSS et la question de l’extension de l’offre devenait de plus en plus aiguë.
Dans les premiers mois de 1956, la situation s’est totalement inversée. Sur ordre du nouveau ministre Nikolaï Strokine, on a acheté 20 voitures, 15 camions, 5 autobus, 13 moteurs essence et diesel et un grand nombre de composants et de pièces de rechange. C’est tout cela qui a été montré en mai 1956 à l’Institut NAMI et l’exposition a duré plusieurs mois. Les informations divergent sur ce point. Selon certaines sources ce fut jusqu’en août, selon d’autres jusqu’en octobre. A titre de comparaison, les principaux modèles soviétiques étaient également exposés.
Le but de l’exposition était le suivant : familiariser les ingénieurs et concepteurs des usines automobiles, les représentants des entreprises de transport routier et des industries adjacentes avec les types, les formes et les caractéristiques techniques des voitures modernes. En plus de ces spécialistes, les amateurs d’automobiles pouvaient visiter cette exposition. L’examen des photos de cet évènement permettent de mettre en regard ce que l’URSS a pu copier sur l’Occident.
Les constructeurs soviétiques ont-ils copié les voitures étrangères ? Comme on peut le voir, la réponse est oui. Mais ce n’est pas toujours la forme extérieure qui a été copiée. Les ingénieurs de l’URSS s’intéressaient aux nouveaux composants complexes : par exemple la direction assistée, la climatisation, la transmission automatique. Il était plus facile de prendre ce qu’avaient déjà réalisé les constructeurs occidentaux. De plus, ils ont soigneusement regardé comment réduire le poids et augmenter la puissance des moteurs.
Mais la copie n’est uniquement le fait de l’URSS. Les constructeurs étrangers suivaient (et suivent encore) attentivement la production de leurs concurrents. Dans l’Union, tout dépendait de la position du chef du bureau d’études. Chez ZiL par exemple, Anatoliï Kriger refusait toute copie et Alexander Andronov chez MZMA essayait autant que possible de faire concevoir les nouvelles pièces par ses équipes. Mais il leur fallait aussi répondre aux ordres ministériels… C’est ce qui s’est passé par exemple avec la future Zaporojets.
On dit aussi que durant longtemps, l’industrie soviétique n’a pas eu la possibilité d’acheter des pièces nouvelles chez les firmes étrangères spécialisées. C’est ce qui l'a poussé à copier la technologie étrangère.
Légende des photos :
- La Pobeda et la Volga devant leurs « concurrentes » allemandes : Opel Kapitan, Borgward, BMW.
- Les Messerchmit et Isetta étaient très populaires dans les années 50. La troisième voiture est la réponse de l’URSS, la GAZ-18.
- L’exemple le plus connu est la Fiat 600 qui, sur ordre du ministre Nikolaï Strokine, a servi de base à la ZAZ-965 Zaporojets. La future voiture produite à Zaporojié a été développée chez MZMA et toute une série de Fiat italiennes et yougoslaves ont été achetées pour les étudier et les essayer.
- La fameuse Volkswagen Coccinelle partageait avec la future Zaporojets sa suspension avant à barres de torsion.
- La Panhard Dyna française. Le high-tech des années 50 : carrosserie en aluminium, traction avant.
- Venue de la RDA, l’AWE P70 avec ses panneaux de carrosserie en plastique est l’ancêtre de la légendaire Trabant.
- Les ingénieurs soviétiques pouvaient également se familiariser avec la Citroën 2CV. Ils se sont inspirés de sa direction pour la quadricycle S3A. C’était la première direction à crémaillère sur une voiture soviétique.
- La version « agricole » de la Belka. Les ingénieurs de NAMI avaient déjà écarté ce prototype car inconfortable et instable sur la route.
- La nouveauté de l’année, la Moskvitch-402.
- Après l’exposition, l’Opel Rekord Karavan a été envoyée chez MZMA où on s’est inspiré de sa banquette arrière rabattable pour le break Moskvitch-423.
- La belle Sunbeam Rapier a également terminé chez MZMA. Seuls son starter automatique et les silentblocs de la suspension ont été repris.
- Objet de luxe, la Mercedes-300 Gullwing a terminé au TséNIITA de Leningrad où l’on a étudié son système d’injection directe de carburant.
- Sportive italienne, la Lancia Aurelia était très exotique avec sa boite de vitesse intégrée au pont arrière et sa suspension avant télescopique.
- GAZ a démonté l’Opel Kapitan jusqu’au dernier boulon pour comparer toutes ses pièces avec celles de la Volga.
- A l’été 1956 la Volga M21 n’était pas encore fabriquée mais elle était déjà exposée.
- L’Allemande Borgward avec ses portières s’ouvrant dans le sens opposé à la marche. La marque a disparu au début des années 60.
- Le moteur de la BMW 502 n’a pas survécu aux essais faits par NAMI : l’essence soviétique l’a « tué » en moins de 10 mille kilomètres.
- La ZIM sur fond de berlines américaines : Dodge, Studebaker, Ford.
- La Ford Customline américaine a été testée chez GAZ où l’on a particulièrement regardé sa boîte automatique. On la prévoyait sur la Volga mais c’est sur la Tchaïka qu’elle a été montée en premier.
- On ne présentait plus la GAZ-12 ZIM. Au milieu des années 50, la voiture était au sommet de sa popularité.
- En URSS, on connaissait Studebaker pour ses camions militaires, mais aux USA la marque produisait aussi des voitures.
- La Dodge Coronet de 1954 a également été testée chez GAZ.
- Une autre « grande américaine, la Plymouth Savoy, a permis de créer la première climatisation soviétique.
- On accordait une attention particulière aux modèles haut de gamme de Packard et Cadillac. En 1956, ils ont servi de modèle aux ZiL-111 et Tchaïka.
- Chez GAZ, on a également étudié de près la suspension à torsion de la Packard Patrician, mais elle n’a jamais été appliquée sur des modèles de série.
- La forme des parties avant et arrière de la ZiL-111 s’inspire nettement de ces Packard Patrician et Caribbean. Le chef du bureau d’études de GAZ aimait « les solutions étrangères éprouvées ». Les Packard ont également apporté la sélection des rapports de vitesses par bouton.
- La Chrysler S70 a été testée chez ZiL. On a étudié l’assistance de direction et de freinage et les caractéristiques de ses amortisseurs. Ce modèle a également permis de copier le compresseur de la climatisation, les sièges rabattables et des éléments de l’aménagement intérieur de la ZiL-111.
- La Cadillac 75 a offert à la ZiL-111 sa direction assistée et certains éléments de carrosserie.
- En 1956, voilà à quoi ressemblait la ZiL-111. Elle portait alors le nom de « Moskva ».
- Le sport automobile soviétique était également présent avec la petite « Zvezda » qui avec son moteur de seulement 250 cm3 et 50 ch pouvait atteindre 200 km/h.
Lu sur : http://www.kolesa.ru/article/nami-56-pervyj-avtosalon-sssr-s-kakih-inomarok-kopirovali-sovetskie-konstruktory
Adaptation VG