En Pologne, l’année 1974 n’avait pas commencé sous les meilleurs auspices. Fin janvier, le gouvernement du Premier ministre Piotr Jaroszewicz avait mené une opération de « Régulation des prix » : l’alcool et le carburant étaient devenus plus chers et les marges sur les prix alimentaires avaient explosées. Pourtant, un certain nombre de bonnes nouvelles avaient ensuite suivi.
En mai, le coureur cycliste Stanislav Szozda avait remporté la Course de la Paix où la Pologne avait également triomphé par équipe. En juillet, en Allemagne, l’équipe entraînée par Kazimierz Gorski avait pris la troisième place de la Coupe du Monde de football. Deux semaines plus tard, à l’occasion du 30ème anniversaire de la PRL où l'invité d'honneur était Leonid Brejnev, la voie Lazienki de Varsovie et le port Nord de Gdansk avaient été inaugurés.
En septembre, tous les médias du pays parlèrent « Warszawa XXX », une grande exposition organisée sur la Place de la Victoire montrant le développement de la capitale sous Edward Gierek. Le stand le plus fréquenté était celui de la Fabryka Samochodow Osobowych (FSO), qui outre sa gamme étendue de voitures particulières, de la berline Polski-Fiat 125p dans une version légèrement modernisée (incluant par exemple la colonne de direction télescopique, le verrouillage de la clé de contact et la gestion électronique des essuie-glaces) en passant par une large variété de breaks et pickups améliorés, avait présenté quelques prototypes surprenants : deux versions rallongées de la PF 125p (des limousines 6 portes avec et sans toit), un beau coupé sport avec un groupe motopropulseur de Zastava 1100 en position centrale, un pick-up transformé en mini camping-car et une 125p cabriolet !
Ces différents prototypes n’étaient pas destinés à être produits en série. Ils faisaient partie de la « propagande du succès » qui avait d’ailleurs été proclamée en 1974 par l’associé d’Edward Gierek, le sécrétaire du Comité Central du PC Polonais, Jerzy Lukaszewicz. Ces prototypes connus seulement sur photos ou par les souvenirs de ceux qui ont pu les côtoyer suscitent aujourd’hui intérêt et excitation.Ils font partie de l’histoire de l’industrie automobile polonaise et les gens qui les ont conçus étaient guidés par la passion et l’envie de créer quelque chose d’unique.
C’est pourquoi, en août dernier pendant un instant, j’ai cru avoir été victime d’une illusion d’optique lorsque j’ai aperçu lors d’une rencontre de voiture ancienne organisée à Gdansk un cabriolet deux portes Polski-Fiat 125p ! Avions-nous miraculeusement retrouvé et restauré l’original de 1974 ? Bien sûr que non. Cette réplique a été construite par Janusz Wyzlic de Czernin sur la base d’un modèle de 1988 acheté dans une casse.
« J’y suis allé avec un ami. Je suis amateur de voitures anciennes et nous nous baladions dans mon rare fourgon de police Nysa. Nous nous sommes arrêtés dans cette casse. Cette Polski-Fiat, plus précisément cette FSO 1500, n’avait pas l’air trop mal et le pavillon bosselé ne me dérangeait pas puisque j’avais déjà dans l’idée de me fabriquer un cabriolet. Je me suis dit : si le moteur démarre, je la prends ! Nous avons mis une batterie et le moteur a démarré immédiatement... ».
Généralement pour construire une réplique, on commence par rassembler de la documentation. Mais comment fait-on quand il n’y en a pas ? Le département de fabrication des prototypes du Centre de recherche et de développement de FSO (OBRSO) avait fabriqué ce cabriolet à la demande des hautes autorités en se basant sur quelques croquis. Les quelques photos qui existent sont actuellement le seul témoignage que cette Polski-Fiat 125p cabriolet ait jamais existé. Impossible donc de savoir comment assurer une rigidité suffisante pour la carrosserie dépourvue de toit, de combien de centimètres il faut rallonger les portes avant pour assurer un accès suffisant aux places arrière ou quelle était la conception de la capote !
« J’ai redessiné un cabriolet en m’inspirant des photographies trouvées sur internet » explique Janusz Wyzlic. « J’ai imaginé les renforts du plancher et de l’entourage de pare-brise. Mais lors de la construction, il a fallu tout changer...».
Le magazine « Automobilista » avait publié il y a quelques années un article sur le cabriolet PF 125p écrit par Andrzej Glajzer, qui travaillait autrefois à l’OBRSO. Selon lui, deux prototypes ont été construits : celui qui a été exposé à l'exposition « Warszawa XXX » et un second, équipé d’un puissant arceau de sécurité et d’un toit rigide au-dessus des places avant, qui pouvait être démonté et placé dans le coffre. Il disposait d’une capote au-dessus des places arrière. Une photo - la seule - publiée par « Automobilista prouve l’existence de cette version de carrosserie, appelée communément Targa.
Andrzej Glajzer se souvient que la capote de la voiture présentée lors de l’exposition Warszawa XXX » avait été construite à la va-vite. Lorsqu’on roulait capote fermée, l’air s’infiltrait assez rapidement par les vitres latérales sans encadrement et la bâche trop lâche se gonflait comme un ballon. La ligne de la carrosserie avait quelque chose d’étrange, capote rabattue. Cette impression est basée sur les rares photos que l’on peut trouver dans les collections du Musée Technique de Varsovie. On y voit cette Polski-Fiat 125p capote ouverte avec des plaques d’immatriculation de l’OBRSO mais la carrosserie et l’intérieur sont celles d’un modèle type MR 75 c'est-à-dire datant d’après les modifications apportées en 1975 ! Est-ce un troisième prototype ou tout simplement le modèle vu à « Warszawa XXX » et modernisé ? Autre découverte : saviez-vous qu’en 1966 la célèbre Carrozzeria Touring a montré au Salon de Turin en 1966 une Fiat 124 en version cabriolet ? Je serais prêt à parier beaucoup d’argent que les concepteurs de l’Usine de Zeran ont regardé de près des photos de l’italienne pour fabriquer leur propre cabriolet...
Avec la complicité de Leszek Gralik, un autre amateur de voitures anciennes, Janusz Wyzlic a donc renforcé la carrosserie de sa réplique. Après avoir roulé plus de 1,000 kilomètres avant de passer en cabine de peinture, il peut dire que tout a été parfaitement imaginé. Et la capote ?
« J’ai longuement cherché un sellier. Je me suis finalement adressé à Artur Krol à Rumia, dont l’atelier est reconnu dans le monde de la restauration. Il a accepté ce travail diaboliquement difficile car il en avait marre de travailler sur des volant en cuir. Le tissu qu’il a choisi pour la capote est presque d’époque. C’est celui qui était utilisé dans la construction des cabriolets Mercedes-Benz W124 ».
Lu sur : http://www.dziennikbaltycki.pl/rejsy/a/autosalon-polski-fiat-125p-kabriolet-z-czernina-lepszy-od-oryginalu,10657416/
Adaptation VG