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[Motor] Beskid : sans complexe face à Fiat.

Dans son numéro 5 du 31 janvier 1988, l’hebdomadaire polonais Motor interviewait Roman Podolak qui revenait sur les coulisses du projet Beskid.

La première présentation officielle du prototype Beskid a eu lieu à l’occasion de l’exposition « De la 508 à la 126 Bis » qui s’est déroulée en décembre 1987 au Musée Polytechnique de Varsovie et qui a attiré les foules. Motor a pu y rencontrer Roman Podolak, le responsable du bureau d’étude de FSM.

Q : Pourquoi FSM a-t ’il mis tant de temps à montrer la Beskid alors que la FSO Wars avait été présentée immédiatement après sa création ?
R : Tout simplement parce qu’on ne voulait pas susciter les passions.

Q : Oui mais les passions sont justement nées de ce mystère...
R : A ce jour, FSM fabrique la Syrena et la Maluch. La Beskid est la première voiture entièrement conçue, développée et fabriquée dans notre pays. Nulle part dans le monde une première voiture est entrée immédiatement en production. Par exemple, la Fiat Croma a été lancée en plusieurs versions. Nous faisons la même chose et nous travaillons toujours sur ce véhicule. C’est tout à fait normal. Comme dans toute entreprise respectable.

Q : Je me permets tout de même de compléter la question. Pourquoi est-il de coutume chez nous que les travaux d’études soient systématiquement entourées d’un grand mystère ? Pourquoi ne pas montrer cela comme un travail de transition ?
R : C’est aussi une question liée au commerce. On montre généralement ce qui, avec certitude, n’entrera pas en production. Les Italiens ont montré leur Topolino puis quand il s’est avéré qu’on pourrait en dériver un modèle de production, elle a été entourée de mystère et on ne pouvait plus en voir un seule photo. Nous montrons la Beskid quatre ans après sa création parce qu’elle ne rentrera probablement pas en production sous cette forme.

Q : Doit-on comprendre qu’il y avait une chance de voir la Beskid produite en série ?
R : Je pense qu’il y avait une chance. Il y a toujours une chance. Enfin, la FSM mène une politique de recherche en partenariat avec l’étranger et ce partenariat pourrait nous amener à modifier la Beskid. Il est difficile de dire qu’elles seront les conditions économiques au début des années 90. On sait seulement qu’une entreprise qui se développe bien doit tôt ou tard compter sur ses propres produits. La Beskid est une façon de répondre à cette problématique.

Q : Mais lorsque nous achetons des licences et acceptons toute la documentation technique et la technologie de sociétés étrangères, est-ce que développer son propre modèle n’est une manière de jeter de l’argent par les fenêtres ?
R : Acheter une licence doit nous amener à produire notre propre véhicule. C’est une manière de s’entraîner. Un jeune qui veut devenir spécialiste doit travailler. S’il n’y avait pas la Beskid, nous n’aurions pas négocié l’achat de cette licence dans les mêmes conditions. Tout en travaillant sur leurs propres solutions, nous avons notre propre alternative. La licence, ce n’est pas la solution de dernier recours. Mais on peut se demander ce qui est nécessaire dans notre situation en particulier dans les conditions de notre réalité matérielle.

Q : Pourtant chez nous la recherche et développement est très en deçà de ce que peuvent faire les entreprises étrangères. Compte tenu de cela, nous sommes en mesure de développer quelque chose qui a une chance de voir le jour ?
R : Vous pensez que nous sommes faibles ? Nous n’avons certainement pas le même potentiel qu’une entreprise qui produit chaque année un demi-million ou un million et demi de voitures. C’est pour cela que nous travaillons longtemps sur nos prototypes. En occident, les entreprises sont à la pointe de la technologie. Elles disposent de moyens plus modernes et commencent à concevoir leurs prototypes sur ordinateur. Mais rien ne se créé en un jour. Les solutions que nous développons sont testées et éprouvées. Le travail de notre bureau d’étude consiste en cela. Et ces développements nous permettent aussi d’améliorer constamment nos propres véhicules.

Q : Mais développer des solutions qui n’ont aucune chance d’entrer immédiatement en production ne provoque-t-il pas de frustrations chez vos ingénieurs ? Ne sont-ils pas tentés d’aller voir ailleurs ?
R : Non. La frustration vient plutôt du manque de perspectives même si l’avenir de FSM est connu. Nos 80 ingénieurs et techniciens n’ont pas démissionné l’année dernière, alors que leurs salaires n’ont pas augmenté !

Q : Concrètement, combien de personnes ayant participé au développement de la Beskid ont déjà quitté votre bureau d’étude ?
R : Celles qui sont parties, l’ont fait il y a longtemps. En 1984. C’était une époque où les salaires du bureau d’étude étaient parmi les plus bas de la FSM. Ce n’est pas parce que l’on savait que la Beskid n’entrerait pas en production. J’étais aussi un jeune ingénieur et au début de ma carrière je n’avais pas la possibilité de dessiner une voiture et de la voir produite. Désormais, les jeunes ingénieurs ont cette chance et ils restent. Ils sont là pour imaginer le futur.

Q : Il devait déjà y avoir beaucoup d’imagination puisque la Beskid a vu le jour. Combien de prototypes ont été construits ?
R : Huit. Cinq sont subissent encore des tests poussés. Le modèle présenté à l’exposition avait un moteur à refroidissement par eau. Nous avons également étudié la Beskid avec les moteurs 900 et 1100 cm3 et même un diesel. Deux Beskid roulent avec des moteurs de 126 Bis avec une puissance accrue.

Q : C’est avant tout la carrosserie qui est originale. C’est votre idée ou avez-vous suivi une tendance ?
R : Lors de la conception, l’accent a été mis sur l’aérodynamique de la Beskid. Sur certains exemplaires nous avons obtenu un Cx de 0,28 à 0,3. C’est un excellent résultat pour une voiture aussi courte. Les questions aérodynamiques ne peuvent être traitées logiquement que sur des voitures de plus de 3,5 m. La forme des véhicules plus courts doit être plus sophistiquée. La silhouette est monovolume avec un pare-brise fortement incliné. L’utilisation de l’ordinateur a permis cette optimisation. Il est à parier qu’à l’avenir toutes les voitures auront une carrosserie assez semblable à celle-ci. Nous travaillons cependant à une carrosserie avec un capot plus traditionnel.

Q : Vous avez d’autres nouveautés sur la planche ?
R : Les travaux sont bien avancés. Je peux dire que la X1-79 (NDLR : la future Cinquecento) avait d’abord une carrosserie monocorps avant sa carrosserie actuelle. Nous savons maintenant qu’il y a des questions importantes en matière de résistance de matériaux à résoudre.

Q : On peut donc dire en conclusion que ces travaux commencent à porter leurs fruits ? Que va-t-il arriver à la Beskid ? Que prévoit-on pour elle ?
R : Nous continuons à travailler. Si les travaux avancent bien et si les circonstances sont favorables, la Beskid pourrait être mise en production. Je pense que l’achat d’une licence a augmenté les chances de la voir entrer en production. Ce partenariat a permis à FSM d’avoir accès à des technologies très modernes. Prenez le cas de la Bis. Elle nous a permis de maitriser la production du moteur à refroidissement liquide, du système de chauffage, des pneus tubeless à profil bas; du hayon et des verins qui le soutiennent.

Q : Oui mais cela fait longtemps que la Polonez a ce type de verins !
R : Oui mais pour chaque voiture c’est une autre histoire, d’autres charnières, une autre résistance des montants. Cela nécessite beaucoup de travail. Tout cela c’est de l’expérience pour les modèles suivants. Les nouvelles technologies permettront aussi de moderniser la Beskid. Et l’expérience acquise sur la future X1-79 va enrichir la Beskid et lui permettre de devenir une voiture des années 90.

Q : Vous êtes plutôt optimiste. Je crains pourtant que la licence de production donne beaucoup de travail pour le bureau d’étude de FSM qui n’a tout simplement plus de temps à consacrer à ses propres travaux.
R : Il y a deux ans nous avions 460 employés, nous sommes désormais 540. Cette tendance se poursuit. En outre nous avons des partenaires réguliers comme l’Université Polytechnique de Varsovie, l’Université technique de Lodz ou de Cracovie. Nous avons beaucoup d’universitaires dans nos murs. Je ne suis pas inquiet et je n’ai pas à me soucier d’un manque de travail.

Q : Mais êtes-vous prêts ? N’y aurait-il pas de problème pour démarrer la production ? Comme avec les nouvelles machines, les nouvelles technologies ou tout simplement pour trouver de la place dans l’usine ? Ne serait-il pas préférable de mettre à niveau tous les véhicules produits actuellement plutôt que de chercher à en faire de nouveaux ?
R : Il est encore trop tôt pour parler de cela. Mais nous sommes optimistes. Je crois que le bon sens prévaudra, que l’initiative sera récompensée et que notre entreprise sera récompensée. Le pays a une telle faim de voitures et il y a tellement de gens qui souhaiteraient investir leur argent dans le développement de la production automobile, dans l'élargissement de la gamme de véhicules. Je crois que s’il n’y a pas d’obstacles administratifs, l’équipe de Bielsko-Biala pourra faire face à ces problèmes. Cela dépendra également des volumes de production prévus.

Q : Le bruit court pourtant que les moyens pour la R&D sont minces.
R : A l’heure actuelle, nous ne pouvons pas nous plaindre du manque d’argent. Le bureau d’étude dispose du budget nécessaire pour résoudre les problèmes liés à la mise en œuvre de la production d’une nouvelle voiture sous licence, et malgré l’achat de cette licence, il y a plusieurs équipes qui travaillent dans le pays sur le développement d’une voiture de petite cylindrée, héritière de la Fiat. De plus, le contrat de licence prévoit que nous puissions unifier au maximum la Beskid à la future X1-79.

Q : Donc la Beskid sera la prochaine génération de voiture produite sous licence ?
R : Pour l’instant ce n’est pas ce que l’on peut dire !

Q : Mais pourquoi développer une voiture qui serait à peu près identique à celle produite sous licence ?
R : Ce n’est pas la même voiture, mais plutôt un véhicule avec des fonctionnalités étendues . Malheureusement je ne peux rien dire de plus.

Q : Revenons à la licence. L’accord vous permet-il d’apporter des modifications au modèle que vous a vendu les Italiens ?
R : Il nous permet d’utiliser les pièces et les composants comme nous le voulons.

Q : Je pose cette question parce que j’ai souvent entendu dire que Turin ne vous l’autorise pas.
R : Il s’agit d’un malentendu. Nous exportons pour Fiat un grand nombre de voitures, plus de 90 mille les meilleures années. Nous ne pourrions pas le faire si nous ne pouvions pas modifier la voiture.

Q : Mais imaginons que vous vouliez modifier le style de la carrosserie ?
R : Pas de problème ! Le modèle FL a été en grande partie conçu en Pologne. Nous avons dessiné 37 pièces de la Bis. Une chose est sûre par contre : la documentation technique doit être la même pour les Polonais et les italiens.

Q : Mais la licence ne limite pas la créativité de l’usine ?
R : En aucune manière. Pour la Bis nous avons conçu des éléments important tels que l’alternateur, les pneus. Nous avons aussi travaillé sur le carburateur. Nous n’avons aucun complexe. Dans le monde entier les voitures que nous fabriquons sont des Fiat et non pas des FSM. Et si Fiat nous aide dans nos négociations commerciales à travers toute l’Europe, nous ne perdons en rien de notre ambition ou de notre honneur.

Q : Beaucoup de gens disent pourtant que vous êtes une filiale de Fiat.
R : Ceux qui font des affaires dans le secteur de l’automobile soutiennent depuis longtemps que d’ici quelques années, il n’y aura plus que quelques grands constructeurs. Nous produisions 200,000 voitures par an. Nous sommes une petite entreprise. Des constructeurs comme nous ont disparu depuis longtemps en occident et il n’est pas nécessaire de nous faire d’illusions sur nos performances économiques et technologiques. Voyez le moteur Fire présenté à l’exposition. Ce sont des constructeurs comme Fiat et Peugeot qui l’ont conçu. C’est Fiat qui le produit. Mais Peugeot n’a-t-il pas de raisons d’en être fier ?

Q : Vous n’avez pas de complexes de travailler avec Fiat ?
R : Non. Cette exposition a été organisée entre autres pour montrer ce qu’est Fiat. Bien-sûr, Fiat est un partenaire avec lequel il est difficile de parler mais nous avons aussi beaucoup à apprendre avec lui. Ce partenaire a aussi un mot à dire dans le prix de nos voitures. Au Salon de Francfort, nous avons vu que notre Maluch est plus chère qu’une Skoda et coûte seulement 100 dollars de moins qu’une Lada. Rien à voir avec les prix sur notre marché. Mais en Occident, il est tout simplement en rapport avec la valeur de la marque. C’est comme pour les montres. Je ne comprends pas pourquoi certains voient un mal à la licence et considèrent de ce fait que FSM est une filiale de Fiat. Sans cette licence, nous n’aurons pas pu développer chez FSM un bureau d’étude moderne et il n’y aurait pas eu non plus de Beskid.

Lu sur : http://www.magazynauto.pl/rozrywka/motor-z-przeszlosci/news-bez-kompleksow,nId,968762
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #FSM, #Beskid, #Fiat, #Interview, #Pologne, #Motor