Tout le monde sait que la société Porsche Engineering a aidé AvtoVAZ à fabriquer la « Vosmerka » à traction avant. Cependant, le fait que les concepteurs allemands aient participé à la modernisation de l’Oka, en développant pour elle toute une gamme de moteurs, est méconnu.
Je ne peux que supputer ce qui a provoqué l'afflux actuel de petites voitures japonaises à conduite à droite dans les rues de la capitale moscovite. Mais dès que l'on voit une telle boîte à roulettes, on est poussé à la prendre en photo, tant on admire le travail des concepteurs et des constructeurs. Il est dommage que l’Oka soit apparue au mauvais moment. C’est maintenant qu’elle devrait être là ! On la verrait partout ! Il y a 30 ans, tout le monde voulait rouler en Mercedes ! Insipide, l’Oka n'avait aucune chance. Si la voiture offrait une excellente visibilité périmétrique et un coffre très spacieux (avec la banquette rabattue), et se conduisait correctement, soyons honnêtes, ce n'était ni une Mercedes, ni même une Jigouli ! Il semble que seuls les ingénieurs aient pris l'Oka au sérieux.
L’ancien chef du bureau d’études d’AvtoVAZ, Georguiï Mirzoev, se souvient qu’on a commencé à développer l’Oka en tant que voiture pour handicapés : « Ce projet était une question d'honneur pour le Ministère de l'industrie automobile, et Victor Poliakov (le Ministre - ndlr) avait déjà été « inquiété » au Comité central par le fait qu'il n'y avait pas de voiture pour handicapés, et les voiturettes à moteur qui avaient déjà été produites ne ressemblait à rien, et personne n'en voulait ».
La première à recevoir le nom de « Oka » a été donné non pas à la voiture bien connue aujourd’hui, mais à la petite NAMI-SMZ-1101, construite par l’Institut NAMI en juin 1981. Le nom « Oka » a été suggéré par le designer Sergueï Korovine, précisément parce que l'usine qui produisait des voitures pour handicapés était située à Serpoukhov-sur-Oka.
Les étapes de la transformation du prototype de l’Institut NAMI en VAZ-1111 Oka sont détaillées dans le livre de Sergueï Kanounnikov et Maxime Chelepenkov, dont le titre fait 80 lettres (en russe) : « L’histoire complète des voitures de Russie et de l’URSS. Voitures de tourisme. Quadricycles motorisés et autres petits véhicules ».
Des lots expérimentaux de VAZ-1111 Oka ont été assemblés à Togliatti et à Naberezhnie Tchelny en 1988. Au sein du bureau d'études de l'Institut de mécanique automobile de Moscou (MAMI), il y a eu pendant un certain temps une « Kama » portant le numéro de carrosserie 100. Je me souviens que nous avions trouvé une ressemblance avec la Daihatsu Cuore. Nous avons même entendu dire que le directeur du MAMI avait appelé les spécialistes de l’institut et, tapant de la paume de la main sur la table, leur avait ordonné : « Arrêtez de bricoler ! Il y a une Daihatsu Cuore dans le garage, faites-en une Oka ». Le designer de l’Oka, Iouri Verechtchaguine n'était pas du tout d'accord. Un grand groupe de spécialistes de l'Usine automobile de Serpoukhov a participé à la création de la voiture chez AvtoVAZ. Le livre « Vissokoj misli plamen » relate les souvenirs de Stanislav Chelestov, employé de SMZ : « En septembre (1982 - note de l’auteur), 12 ingénieurs concepteurs ont été envoyés en mission, et ont participé à l'esquisse de la « Daihatsu », avec différents départements d’AvtoVAZ (OPD, OPCh, OPK) ». (Ces abréviations, comme vous l'avez deviné, désignent les départements de conception du moteur, du châssis et de la carrosserie).
A mon avis, l'épisode de la création d'une version améliorée de la VAZ-1111, qui a reçu l'indice VAZ-1121 et le nom d’Oka-1, mérite une attention particulière. En 1989, ce projet a impliqué la Porsche AG, et plus précisément sa division d'ingénierie, située dans la ville allemande de Weissach.
Il s'agissait d'adapter l'Oka à la production en série. La voiture était apparue avant l’heure. En Union Soviétique, les usines pouvaient encore s'accommoder d'un manque de rentabilité s'il s'agissait d'une question d'importance nationale (qu'il s'agisse du quadricycle à moteur S3D produit par l’Usine de motocyclettes de Serpoukhov ou de la Tchaïka de la Nomenclatura chez GAZ), mais dans la nouvelle réalité... bien que l’on ait réduit autant que possible le prix de l’Oka au stade de sa création, la rentabilité dépendait toujours de sa production en masse. Victor Poliakov l'avait bien compris, lui qui a astucieusement inscrit la production de l’Oka dans le plan des usines de biens de consommation !
Le gouvernement de Gorbatchev s'en donnait à cœur joie. Les usines s’engageaient à produire tout et n’importe quoi ! AvtoVAZ, par exemple, fabriquait des camions-jouets Ouragan. Cela peut expliquer que le seuil de rentabilité de l’Oka n'ait jamais pu être atteint et qu'AvtoVAZ, en 1995, ait habilement « esquivé » ce projet problématique. En 1997, cependant, l'Usine automobile de Serpoukhov (l’ancienne SMZ) perdait 35 kopecks pour chaque rouble dépensé pour la production de l'Oka, et KamAZ - 25 kopecks ! En 1999, alors que la production totale a dépassé 42,000 véhicules, SeAZ n’a plus perdu que 5 kopecks par rouble investi, tandis que ZMA a même réalisé 2 kopecks de bénéfices. Le plan prévoyait de produire 48,000 voitures en 2000, 60,000 en 2001 et 80,000 en 2002. Mais on s’est heurté à un nouveau problème : personne dans le pays ne voulait acheter cette voiture peu gracieuse avec un faible moteur à deux cylindres, dont le crépitement ressemblait à la machine à coudre d'une grand-mère. Pour vendre 300,000 exemplaires par an de cette petite voiture, il fallait d'urgence transformer « l’Invalidka » en objet plaisant aux jeunes. Et il y avait du travail.
Vadim Klassen a été désigné comme chef d'un projet qui a reçu la désignation VAZ-1121 en 1988. Chez Porsche Engineering, le projet a reçu le code Typ 2774 Delta/Oka. Rudolf Grandhuber est nommé chef de projet du côté allemand. Armin Kühne est chargé des questions directement liées à la conception.
L'objectif du développement était de créer un moteur de base pour une future famille de moteurs à injection avec une gestion électronique Bosch Motronic, ayant un couple élevé à « bas régime », une consommation spécifique de carburant inférieure à 260 g/kWh, un pot catalytique à trois voies, une ressource de plus de 150,000 km et un intervalle d'entretien de 20,000 km : il s’agissait d’un 3 cylindres de 820 cm3 et de 4 cylindres 1,100 et 1,250 cm3. Outre le schéma à deux soupapes, il était possible d'installer une culasse à quatre soupapes.
La conception du 3 cylindres a été réalisée à Togliatti, dans le tout nouveau centre de recherche et de développement d’AvtoVAZ (le NTTsé, surnommé « chocolat » en raison de la couleur du bâtiment), et les versions 4 cylindres ont été entièrement développées par les Allemands. Il est intéressant de noter que Porsche n'excluait pas une version à deux cylindres de ce moteur - les personnes handicapées auraient également été satisfaites !
Le moteur a été associé à une nouvelle boîte de vitesses compacte à 5 rapports, qui devait s'adapter à l'espace étroit disponible sous le capot de l'Oka. La compacité a été favorisée par l'installation de toute la pignonnerie entre les roulements principaux. Les fourchettes de changement de vitesse ont été placées sur une seule tige. En même temps, on prévoyait même d'équiper la marche arrière de synchros. La boîte permettait de transmettre un couple allant jusqu'à 110 Nm à 3,000 tr/min au lieu des 86 Nm nominaux. En outre, il était prévu que l'assemblage du moteur et de la boîte de vitesses soit robotisé.
Ces moteurs étaient destinés aux VAZ-1121 (Oka-1), VAZ-1125 (Oka-2) et à une certaine Oka-3. La fabrication de ces trois modèles devait progressivement arriver sur le site de l'usine de tracteurs KamTZ, près d'Elabouga, rebaptisée ElAZ pour l'occasion. 270 hectares - un complexe gigantesque où chacune des voitures devait être produite à 300,000 exemplaires par an !
Le 18 octobre 1988, Ivan Silaev, président du Conseil des ministres de la RSFSR, décidait de mettre en service la première tranche de ElAZ pour 1991. Le projet est réalisé rapidement. Six mois après l'approbation de la documentation technique, un moteur à trois cylindres (chef du bureau d’études Andreï Rozov) se trouvait déjà à Togliatti sur les bancs d’essai. Il convient de noter qu'il a été possible de se passer d'arbres d'équilibrage, comme c'est le cas pour la moitié de moteur VAZ-2108 montée sur l’Oka. Le moteur, de l'avis unanime, s'est avéré être une réussite.
À Weissach, 20 exemplaires du moteur à quatre cylindres sont construits. Ils se sont révélés être très silencieux - au « régime maximum de 5,000-6,000 tours/minute, ils émettaient 92-95 dB, alors que le niveau de bruit considéré dans la norme est de 100 dB et plus. Les Allemands eux-mêmes ont été surpris par ce résultat, qu'ils ont qualifié de « très inhabituel et un excellent point de départ pour les prochaines étapes de développement ».
Le moteur s'est avéré encore plus puissant : 65 ch au lieu des 55 ch à 5,400 tr/min prévu au cahier des charges. Cependant, en termes de couple maximal, il était légèrement moins bon, 85 Nm contre les 86 Nm spécifiés à 3,000 tr/min. Avec une course de 70,9 mm, le moteur se caractérisait par un taux de compression inhabituellement élevé de 11,0 (sur les VAZ-2108/2109, également créées en collaboration avec Porsche, ainsi que sur la VAZ-1111, cet indicateur était égal à 9,9) et était légèrement « plus vorace » que ce qui était spécifié, 272 g/kWh. Le moteur « à sec » pesait 68 kg. La boîte de vitesses à cinq rapports prévue pour ce moteur ne pesait que 27,2 kg sans huile. Les travaux sur ces deux éléments ont été achevés à Weissach en septembre 1992.
La voiture elle-même, tout en conservant les dimensions de la VAZ-1111, a subi également des modifications (d’ailleurs sans la participation de Porsche). La rigidité à la torsion a été augmentée, la capacité énergétique de la suspension arrière a été accrue, le train de roulement a été ajusté « de manière scientifique », comme l'a raconté Iouri Verechtchaguine. La voiture a été équipée de roues de 13 pouces fixées par 4 goujons, les freins ont été renforcés (disques de plus grand diamètre, servomoteur à dépression avec une section de 8 pouces au lieu de 7 pouces).
C'était l'époque du « défilé des souverains », et le gouvernement du Tatarstan a fait la publicité de la voiture sous le nom de ElAZ-1121 sur fond d'anciennes maisons de marchands de Elabouga. La production en série était désormais promise pour 1995, mais à hauteur de seulement 150,000 exemplaires, un chiffre pouvant doubler ultérieurement. En même temps, pour la première fois, la presse faisait mention de Porsche. Le lecteur curieux pouvait-il déceler, à travers le ton optimiste de la perestroïka de ces articles, l'inquiétude grandissante : allions-nous réussir ?
Finalement, le 28 octobre 1989, à Rome, le Ministère des transports automobiles et de l'agriculture de l'URSS et FIAT ont signé un accord de coopération. On a commencé à évoquer la production de la Fiat Uno ou de la Fiat Panda à Elabouga, le projet A-93 (« Voiture pour 1993 ») a été rendu public au niveau de l'État - même ItalDesign a été impliqué dans ce projet ! Mais en décembre 1993, les passionnés d'automobile, enthousiastes, se sont vus proposer de participer à l'entreprise de Boris Berezovsky - l’AVVA. À propos, l’acronyme, AVVA pour AVtomobilniï Vserossiïskiï Alliance, a été inventé par le poète Andreï Voznessenski. Et on a oublié Elabouga. En fin de compte, c’est la Kalina qui sortira de l’AVVA... Mais c’est une autre histoire.
Légende des photos :
- La NAMI-SMZ-1101 « Oka » (concepteur en chef Vladimir Mironov), 1981. La question de l'absence de studio photo a été résolue de manière originale : des rouleaux de papier blanc ont été collés sur un camion de Sovtransavto avec du ruban adhésif (le mot « scotch » n'était pas encore entré dans l'usage courant), créant ainsi un arrière-plan.
- L'une des cinq VAZ-1111 du premier lot expérimental (« série 100 ») se distinguait par des roues sans flasques. La carrosserie était plus courte (empattement 2,080 mm). Photo de 1986.
- La cour de l'Institut NAMI. Voici, horizon qui se présentait aux ingénieurs soviétiques : Daihatsu Cuore, Honda Today, ZAZ-1102 Tavria, Mitsubishi Minica Turbo, Volkswagen Polo II (Typ 86C)....
- Le journal Leninskoïe Znamia, a publié un compte-rendu très détaillé de l'Oka le 7 octobre 1987.
- Un prospectus des produits de l'Usine automobile de Serpoukhov. Aux zélateurs de la tolérance, je dirai tout de suite qu'à l'époque, on n'utilisait pas le terme clérical et embarrassant de « personnes à mobilité réduite », calque stupide de l'anglais disabled persons (personnes handicapées). Faites également attention aux indices des modèles : non pas 1111, mais 11101, 11102, 11103.
- La Kama-1111 avec la carrosserie n° 100 dans la cour de l'Institut MAMI. L'auteur de la photo est au volant.
- Une maquette grandeur nature de la VAZ-1121 Oka-1 dans la cour du centre de recherche et de développement d’AvtoVAZ (designer : Iouri Verechtchaguine).
- Le complexe du centre de recherche Porsche Engineering près de Weissach.
- Le moteur 4 cylindres VAZ-1121 a été développé par Porsche.
- Une maquette de démonstration VAZ-1121 Oka-1 dans la salle de présentation du NTTsé d'AvtoVAZ.
- Le poste de conduite de la VAZ-1121 Oka-1 ne ressemble plus à une « Invalidka ».
- Le groupe motopropulseur VAZ-1121 dans le hall du bâtiment administratif de l’Institut NAMI. Il a été prêté par Porsche AG et Porsche Russland.
Lu sur : https://5koleso.ru/articles/istoriya-avto-brendov/invalidka-s-motorom-ot-porsche-kakoj-mogla-stat-oka-no-ne-stala/
Adaptation VG