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Si l’Usine Automobile de Zaporojié est désormais sous le contrôle d’une société étrangère, elle continue dans une certaine mesure de faire partie des marques nationales (NDT : en Russie, Za Roulem étant un magazine russe). D’une part parce que beaucoup de Russes se souviennent avec émotion de leur première Zaporojets et, d’autre part, parce que la production estampillée « Made in Ukraine » est encore aujourd’hui activement vendue sur le marché russe.
En 150 années d’histoire, cette usine a changé de nombreuses fois de nom. En 1863, le mennonite Abram Kopp (de nombreux colons venus de Prusse vivaient dans la région depuis le XVIIIème siècle) commence la production de pailleuses dans son atelier. Rapidement, le petit atelier se transforme en usine de machines agricoles. Nationalisée après la Révolution Russe, l’usine est baptisée en 1923 « Kommunar ». Pendant longtemps, elle s’occupe de la production de moissonneuses-batteuses et d’autres équipements agricoles. Dans les années 50 la décision est prise de lancer une petite voiture populaire. Une fois de plus l’usine change de nom. Elle est renommée Usine Automobile de Zaporojié (ZAZ). La voiture que cette usine va produire a été conçue par de nombreux intervenants : elle a été pour une grande partie dessinée chez MZMA, le fabricant de la Moskvitch et son moteur a été développé par l’Institut NAMI. Son premier modèle développé de manière indépendante est la fameuse ZAZ-966 « à oreilles » (c’est ainsi que l’on a désigné les prises d’air situées sur les ailes arrière) de 1966. Ensuite, et durant 30 ans, de nombreux modèles en seront dérivés.
Entre 1960 et 1994, l’usine de Zaporojié a fabriqué 3,4 millions de voitures avec un moteur à refroidissement par air. Nombre d’entre elles roulent encore sur les routes d’Ukraine, de Russie et d’autres pays. Le modèle suivant n’est apparu que très tardivement sur la chaîne de ZAZ - en 1987. Il s’agissait d’une traction avant à trois portes à hayon, la ZAZ-1102 Tavria. A peine eut-t-on le temps d’en maîtriser la production que l’Union Soviétique s’effondrait et que les problèmes économiques commençaient.
Les autorités ukrainiennes ont tardé à privatiser le principal constructeur automobile du pays. Et sans surprise, au milieu des années 90, l’usine était sur le point de faire faillite. En 1994, la production de la Zaporojets a été arrêtée : la demande sur ce modèle antédiluvien était tombée pratiquement à zéro. Mais les ventes de Tavria ont, elles aussi, diminué rapidement. Ce modèle ne pouvait pas rivaliser avec les voitures d’occasion. A cette époque les droits de douanes de l’Ukraine étaient très faibles. En 1997, environ 15,000 voitures neuves ont été vendues dans le pays... dont seulement 1,900 ZAZ !
A la fin de 1997, le Parlement ukrainien adopte une loi « pour la stimulation de la production automobile ». Elle est restée en vigueur pendant près de 10 ans et a réellement contribué à aider l’industrie automobile locale à se redresser. Une taxe de 25% a été imposée sur toutes le voitures étrangères et l’importation de véhicules de plus de huit ans a été interdite. Les entreprises exemptées du paiement de la TVA obtiennent d’autres avantages. Par exemple, les organisations étatiques sont obligées d’acheter des modèles assemblés localement. Et pour stimuler les ventes, la TVA pour l’achat d’un véhicule neuf fabriqué dans le pays est supprimée.
Alors que cette loi était encore en vigueur, le directeur de l’usine et le Ministère de la politique industrielle ont essayé de trouver un investisseur. Des représentants de PSA, Fiat, General Motors viennent visiter l’usine. Finalement, les fonctionnaires de Kiev choisissent le sud-coréen Daewoo. En septembre 1997, AvtoZAZ et Daewoo Motors signent un accord pour la création de la joint-venture « AvtoZAZ Daewoo » avec un capital de 150 millions de dollars.
La partie ukrainienne apportait les installations industrielles, les Coréens la technologie et l’équipement. 5 nouveaux modèles devaient être assemblés à Zaporojié. Les Coréens promettaient également de moderniser la Tavria. Les deux parties avaient l’intention d’investir plus de 1,3 milliard de dollars dans ce projet prévu pour 10 ans.
Au début, tout semblait aller pour le mieux : en mai 1998 l’usine Kvant d’Illitchivsk (devenue filiale de ZAZ) commence à produire en SKD les modèles Lanos, Nubira et Leganza. De son côté l’usine de Zaporojié lance la fabrication en série de la ZAZ-1102 modernisée sous le nom de Tavria Nova. Avec l’aide des ingénieurs coréens et dans un délai relativement court, on développe et on met en production la berline liftback 5 portes, ZAZ-1103 Slavuta (produite en série à partir de 1999).
Mais les différents projets sont contrecarrés par différentes crises financières : en Ukraine d’abord (juste après la Russie), puis en Corée du Sud. A l’automne 1998, Daewoo est au bord de la faillite et à partir d’octobre elle arrête tout financement et cesse d’envoyer des voitures en kits, quittant de fait de la joint-venture. En décembre, les dernières « Coréennes » sont assemblées en Ukraine (elles reviendront en Ukraine, mais plus tard et sous un autre nom).
On forme une commission spéciale pour résoudre le différend. Les Coréens demande le remboursement des fonds déjà investis et un changement à la direction à l’usine. Les Ukrainiens insistent pour que le partenaire déficient respecte ses obligations. La « clarification de la situation » durera jusqu’à fin de 2000 lorsque, enfin, la faillite de Daewoo est prononcée. Le « premier acte coréen » de l’histoire de ZAZ s’achève dans la douleur (mais relativement bien).
L’usine fonctionne alors à seulement 10-15% de sa capacité et il devient vital de trouver un nouveau partenaire étranger. En septembre 1999, le gouvernement lance un appel d’offre pour la reprise des actions appartenant à l’Etat (82% du capital). Comme on pouvait s’y attendre c’est UkrAVTO, dirigé par Tariel Vasadze, qui remporte la mise. A la fin des années 90, il n’était pas seulement le propriétaire du plus grand réseau de distribution automobile du pays, mais également député. En 2002, UkrAVTO rachète les parts de l’Etat pour seulement 54 millions de hryvnia (10 millions de dollars). Il faut noter qu’il n’y avait pas d’autres prétendants à ce rachat. La même année, la société suisse d’investissement Hirsch & Cie rachète les parts coréennes de la joint-venture.
Les nouveaux partenaires recherchent activement des partenaires et proposent des contrats pour organiser l’assemblage de voitures à Zaporojié ou dans la filiale d’Illitchivsk. En 2003, un accord est signé avec Mercedes-Benz (pour l’assemblage de Classe E et M en SKD à Zaporojié) et AvtoVAZ (VAZ-21093 et 21099). L’usine commence à envisager une sortie de crise.
Après la faillite de Daewoo, les usines sud-coréennes sont rachetées par General Motors. Les négociations peuvent donc commencer avec les Américains et leur nouvelle filiale coréenne « GM DAT ». Elles sont couronnées de succès : en 2004 UkrAVTO finalise un accord pour la production de voiture en Ukraine avec un haut degré de localisation. Le premier projet porte sur la Lanos. La première année, la production de ce modèle était localisée à 50% ! Il est ensuite rejoint par la Lacetti et d’autres modèles. La situation s’améliore : ZAZ multiplie les contacts avec différents partenaires et élargit sa gamme.
En 2006, sur le site d’Illitchivsk on commence à fabriquer des voitures chinoises Chery et des autobus I-VAN sur châssis indien Tata ; l’usine de Melitopol met en production un nouveau moteur de 1,4 litre de cylindrée. La même année quelque chose d’inhabituel se produit pour un constructeur automobile de la CEI : UkrAvto rachète à GM DAT le polonais FSO, la première usine qu’il avait acquis à l’étranger. C’est là qu’étaient assemblées la Lanos et la Matiz, mais aussi la Chevrolet Aveo, destinées à l’Europe. De nombreux composants provenant de cette usine étaient également envoyés à Zaporojié.
Pendant ce temps, la Chevrolet Lanos, assemblée par ZAZ, devient l’une des trois voitures les plus populaires en Russie. C’est presque une voiture étrangère, pour le prix d’une Lada 110 ! En Ukraine, le modèle s’appelle encore Daewoo Lanos. En 2007 il subit un léger restyling, reçoit un moteur MeMZ et est rebaptisé ZAZ Sens.
Toujours en 2007, la société ukrainienne « Obedinennie Transportnoïe Technologii », dont l’un des actionnaires est ZAZ, signe un accord avec le Ministère du Développement Economique de la Fédération de Russie un accord pour assembler à Bor dans la région de Nijni-Novgorod des Chevrolet Lanos, Aveo et ZAZ Sens. Le volume annuel prévu est de 25,000 voitures.
C’est la meilleure année dans toute l’histoire de l’Usine Automobile de Zaporojié. En 2008 elle fabrique plus de 280,000 voitures (73% de toute la production automobile ukrainienne) de six marques différentes - ZAZ, Lada, Chevrolet, Opel, Chery, Tata. Le quart de cette production est exporté vers une douzaine de pays. Hélas ces « cinq glorieuses » s’achèveront en 2008 avec la crise financière mondiale. Elle frappe l’industrie automobile ukrainienne de plein fouet car les ventes sont en baisse sur ses principaux marchés : l’Ukraine et la Russie. Si en 2008, ZAZ a fabriqué 259,000 voitures, en 2009 elle n’en produit que 46,200 c'est-à-dire 5,6 fois moins ! A l’automne 2008, la production de la Tavria est arrêtée : elle ne trouvait pratiquement plus d’acheteurs... Le projet de construction d’une usine en Russie est également stoppé. On frise la catastrophe.
Il n'y a pas que la crise qui paralyse ZAZ, mais aussi l’adhésion précipitée de l’Ukraine à l’OMC en 2009. La loi « pour la stimulation de la production automobile » est abrogée car contraire aux principes de l’organisation. L’industrie automobile ukrainienne s’est renforcée au cours des dix dernières années (le pays compte cinq usines assemblant des voitures particulières et huit usines assemblant des camions et des autobus) mais pas assez pour rivaliser avec les entreprises étrangères. Les droits de douane sont considérablement réduits à la demande de l’OMC (10% pour les voitures neuves). Au même moment, la licence de production de la Lanos arrive à son terme, mais GM autorise ZAZ à la produire sous propre marque et à la vendre par l’intermédiaire d’autres distributeurs. C’est pourquoi en Russie, ce modèle est rebaptisé Chance.
En décembre 2010, la première ZAZ Forza est produite. C’est en fait une voiture chinoise, la Chery A13. Mais le best-seller reste la bonne vieille Lanos dans ses différentes variantes : Sens, Chance... Les relations avec General Motors se développent avec succès. Le dernier fruit de leur union est la ZAZ Vida. Sa production a débuté à Zaporojié au printemps 2011. Personne n’est dupe, il s’agit d’une Chevrolet Aveo d’ancienne génération, mais chez ZAZ on espère que ce modèle trouvera ses acheteurs grâce à son prix peu élevé et sa bonne qualité de construction.
En 2011, ZAZ a produit 60,900 voitures. Outre les Ukrainiens, les principaux acheteurs se trouvent en Russie : 22,900 ZAZ (soit 38% de la production totale) y ont été vendues. Dans une large mesure, le marché russe sauve l’entreprise ukrainienne car son marché intérieur est en pleine mutation ; une mutation qui ne se fait pas au profit des producteurs nationaux. A tel point que le président d’honneur d’AvtoZAZ, Tariel Vasadze, a ouvertement déclaré qu’après trois ans dans l’OMC, l’Ukraine n’a rien obtenu à part l’augmentation des importations et qu’il est temps de faire quelque chose. Si l’on constate que l’un des secteurs de l’économie a souffert de cette augmentation, le pays a le droit d’imposer une taxe spéciale...
Pendant ce temps, ZAZ continue à développer activement son réseau de distribution en Russie. Elle vient d’y créer son propre réseau avec comme objectif de porter sa part de marché à 1,5%. L’impact de l’introduction de la prime à la casse en Russie sur les importations en provenance d’Ukraine n’est pas très clair. Mais on pense que les ZAZ continueront à bien s’y vendre car après tout, l’amour pour la Zaporojets, une voiture qui n’est pas des plus modernes, mais qui n’est pas chère et facile à entretenir, est dans le sang des Russes...
Légende des photos :
- La ZAZ-965 était le premier modèle de la marque.
- On a également essayé d’ouvrir la Tavria aux marchés d’Europe occidentale, mais l’effondrement de l’URSS a mis une croix sur ces ambitions, même si une de ses publicités a reçu une récompense lors d’un grand festival international.
- A côté des installations datant de l’URSS, on trouve des machines et des équipements modernes importés de l’étranger.
- La Chery Bonus est désormais l’un des best-sellers de la marque. Elle est vendue en Russie.
- L’autobus I-VAN (sur châssis indien Tata) est fabriqué à l’usine d’Illitchivsk.
- Après l’adhésion à l’OMC, les SKD n’étaient plus rentables. Tous les modèles de ZAZ sont désormais produits à cycle complet.
- Aujourd’hui, on compte quatre marques dans le portefeuille de ZAZ.
L’Usine Automobile de Zaporojié (PAO « ZAZ ») est le plus grand fabricant ukrainien de voitures, de fourgons et d’autobus. Elle fait partie du groupe « UkrAVTO ». Font également partie de ZAZ des entreprises majeures comme l’Usine de composants automobiles d’Illitchivsk (IZAA) et l’Usine de moteurs de Melitopol (MeMZ).
Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/473766-zaz_nasledniki_zaporozhcev/
Adaptation VG