/image%2F0782406%2F201311%2Fob_15547ef20889019f3cb581d9e8911d53_5810.jpg)
Une recherche sur Google m’a mené à une photo étrange qui me faisait penser une maquette de monospace GAZ. En cliquant le lien, je suis tombé sur l’article d’un numéro ancien d’Auto-Review datant de 1998 ! La rencontre avec Sergueï Plotnikov, responsable du design chez GAZ. Un article suffisamment intéressant pour vous en proposer la traduction :
http://www.autoreview.ru/sv_glaz/num218/gaz1.htm
« Parfois, il me semble que j’ai dessiné toute ma vie le même pare-choc... » dit Sergueï Plotnikov. Nous parlons avec lui dans la Salle Grecque, l’endroit de l’usine GAZ où Plotnikov et son collègue Igor Bezrodnikh créent les voitures du futur. C’est relativement spacieux ici. « C’est là que se trouvait le musée avant. Nous avons besoin de place pour travailler et pour conserver les maquettes et prototypes plus anciens ».
Plotnikov fait partie d’un groupe de jeunes designers, qui ont été acclamés au Salon de Moscou en 1997. Comme le chef du bureau d’études de GAZ, Sergueï Batianov, Plotnikov et Bezrodnikh ont été embauchés chez GAZ à la fin de leurs études à l’Institut polytechnique de Nijni-Novgorod. Leur premier travail en commun est la fameuse GAZ-3105 à quatre roues motrices.
« Je considère encore aujourd’hui que cette voiture est notre plus grande réussite. Il est dommage que la technologie a rendu ce projet si peu viable. Notre premier travail qui a pu être produit en série est le restylage de l'avant de la Volga GAZ-31029 (1). On nous avait interdit de travailler sur la partie arrière, qui est restée identique à la GAZ-3102 normale. La voiture que nous avons pu dessiner du début jusqu’à la fin est la GAZ-3110. Nous avons tout fait, l’extérieur et l’intérieur, à part la tablette arrière et le volant qui ont été réalisé par des collègues d’un autre groupe ».
D’où Sergueï a-t-il pu obtenir ses compétences stylistiques ? « Depuis mon enfance, j’aime les voitures. J’en dessine depuis l’âge de 14 ans et j’ai fait des albums complets avec divers modèles. C’est ce que font beaucoup de garçons à cet âge là. Et puis j’ai décidé de m’inscrire à l’institut polytechnique ».
Dans un coin de la Salle Grecque, derrière un amoncellement de roues se trouve une maquette en clay grandeur nature de GAZelle. La cabine est étrange avec un capot nettement distinct de la forme générale et une calandre factice. « C’est une variante que nous avons développée. Une alternative à la proposition faite par l’équipe qui a dessinée la GAZelle. Si c’est ce modèle qui avait été produit en série, il aurait été inutile de régler les problèmes de surchauffe et de manque d’espace dans le compartiment moteur de la GAZelle. Nous avions anticipé tous ces problèmes. Le problème, c’est que les designers qui sortent d’écoles d’Art peuvent dessiner des voitures et respecter les codes stylistiques des marques pour lesquelles ils travaillent, mais ils n’ont aucune connaissance technique. Igor et moi sommes ingénieurs, avant d’être designers ».
Nous passons à trois autres maquettes exposées dans le hall. « Nous avons commencé par celles-ci, la GAZ-3103 à traction avant et la GAZ-3104 à transmission intégrale. On remarque l’habitacle avancé. Les Américains parlent de « Cab-forward ». Le style est peut-être austère mais il dénote aussi d’un certain modernisme. Nous avons ensuite travaillé sur la GAZ-3111, une propulsion beaucoup plus traditionnelle. Nous manquions de temps et avons décidé de commander une maquette à l’américain Venture. Tout avait été fait selon nos dessins et nos modèles mathématiques, mais ce premier prototype ne nous convenait pas. Les Américains avaient en plus apporté leur touche personnelle avec des rétroviseurs presque entièrement chromés. Le tableau de bord nous a demandé près d’un an de travail avec l’allemand VDO. Nous avons longuement négocié sur la taille des caractères des afficheurs digitaux et les polices des chiffres sur les compteurs. Nous avons montré ce que nous voulions aux Allemands et ils ont répondu : « Nous n’avons rien de comparable ». Nous leur avons demandé de faire quelque chose à partir des derniers compteurs de Porsche. Il a fallu insister. Ensuite ils nous ont demandé pourquoi nous voulions du chrome sur les compteurs : c’est coûteux et difficile à faire. Nous avons plaisanté : « ce n’est pas chromé, ce sont des diamants incrustés ». Ils nous ont pris au sérieux et on eut peur. Maintenant quand on communique avec eux, parfois nous en plaisantons encore : « Et que diriez vous de diamants ? ».
« Les sociétés Hella et Bosch ont réalisé pratiquement toutes les optiques avec nos dessins. Combien de fois ils ont du refaire les échantillons. Une fois l’entourage de phare était trop épais, l’autre fois le chrome n’était pas parfait. Ici sur ce prototype de GAZ-3111, on voit une sorte d’irisation. C’est le genre de détail que l’on ne peut pas accepter car il n’y a pas de repeinture possible. Une fois je suis allé en Allemagne et je ne pouvais plus supporter les défauts : « Les mecs, donnez moi des outils, je vais le faire moi-même ». Et ils m’ont répondu : « Vous voulez le faire vous-même ? C'est-à-dire à la main ? Attendez une journée de plus, nos informaticiens vont reprogrammer la machine ».
Au final, les phares sont vraiment beaux. Une forme très moderne et de dimensions raisonnables avec des feux de croisement lenticulaires. Et les stries que personne ne savait faire chez Hella, n’ont été rajoutées par Plotnikov et Bezrodnikh que pour faire beau et dans la continuité des lignes environnantes. Les énormes feux arrière sont également inhabituels. On trouve 9 petites ampoules dans la partie réservée aux clignotants et aux stops. Original, mais probablement difficile et coûteux à réaliser. « Avant nous étions contraints par la technique, mais les progrès font que nous pouvons maintenant fabriquer des voitures proches de nos aspirations de designers ».
D’où la question qui peut fâcher, mais dont la réponse nous a surpris : « Sergueï, ne pensez-vous pas que le prototype de la GAZ-3111 n’est pas trop chargé en pièces en plastique et autres éléments décoratifs ? Il y a beaucoup de chrome, des emboutis sur les flancs et sur le capot, des pare-chocs avec des bananes. La GAZ-3111 sera probablement plus simple, non ? »
« Pas du tout ! La voiture de série sera parfaitement identique. Bien entendu on nous a fait des remarques, des reproches. « Pourquoi l’extérieur n’a rien de nouveau, rien de révolutionnaire ? J’ai répondu que la GAZ-24 était restée sur la chaîne pendant des décennies justement parce que son dessin était classique et qu’il pouvait durer dans le temps. Dans la GAZ-3111, c’est le nombre élevé de détails, se référant aux voitures du passé, qui en font l’originalité. Nous avons voulu insister sur le fait que c’est une propulsion classique et lui avons donné les traits de GAZ caractéristiques du passé. Si vous regardez bien vous trouverez des références à la GAZ-21, à la ZIM, à la Pobeda. Par exemple le décrochement de la vitre arrière est une allusion directe à la Volga 21. En passant, nous ne sommes pas les seules à faire cela. Voyez la Chrysler Chronos ou la Lancia Dialogos. Nous avons également introduit des éléments du bio-design. L’intérieur est d’un style plus simple comparativement à ce qu’on avait fait pour les GAZ-3103 et GAZ-3104 ».
Et il ajoute : « Nous avons notre propre style. Nous avons discuté avec des designers de chez Fiat et ils nous ont dit que quand ils ont besoin d’inspiration ils vont à Rome ou à Venise puis nous ont demandé où nous recherchions la beauté, nous les Russes. J’ai répondu que nous allions dans la campagne admirer nos grands espaces. Et vous savez à quoi me font penser les trois aérateurs sur le tableau de bord des GAZ-3103 et GAZ-3104 ? Aux coupoles de nos églises. Dans la presse on a qualifié notre style de baroque russe, c’est quand même mieux que le réalisme socialiste, non ? ».
Adaptation VG
Voir ici la GAZ-31029 :
(1) http://upload.wikimedia.org/wikipedia/ru/0/0f/Gaz-31029_1.jpg
(2) http://upload.wikimedia.org/wikipedia/ru/5/55/Gaz31029szadi.jpg