La voiture du peuple de la RDA, la Trabant 601, a été construite pendant 26 ans, mais n'a évolué que très progressivement pendant tout ce temps. Télécommande mécanique du robinet d'essence, sièges enveloppants, triangles pour la suspension, c'est à peu près tout. Autoweek a comparé un modèle ancien avec un modèle récent.
D'un seul coup, son prix ne pouvait plus baisser, car on se trouvait alors en dessous de la limite de la valeur résiduelle. Ce n'est que pour l’offrir en cadeau que quelqu'un acceptait encore d’acheter la Trabant P601 fabriquée par la Sachsenring. Ce fut le cas jusque dans les années 1990. Une caisse de bière contre une Trabant remplie de carburant et ayant encore quelques mois de TÜV (le contrôle technique allemand) était un échange équitable. Seuls ceux qui laissaient le facteur plaisir l'emporter sur la faible valeur croyaient que cette voiture deviendrait un jour un classique recherché. De nos jours, ce plaisir coûte une somme à quatre chiffres. Plus elle est rare et originale, plus elle est désirable.
« Les prix augmentent, mais lors des rassemblements de voitures classiques, la voiture reste une inconnue », déclare Toni Wünsch. Quand on voit son attachante 601 de 1964, on a du mal à l'imaginer. Sur un parking situé derrière l'ancienne usine Wanderer de Chemnitz, elle côtoie la P601 S De Luxe Universal 1990 de Christian Konradt. Ensemble, les deux Trabant représentent le début et la fin du modèle 601, mieux connu sous le nom de Trabi.
Les deux « caisses en carton ondulé » bleu clair, comme on les appelait communément, réfutent un cliché : en 26 ans de production, la Trabant n'a pratiquement pas changé. Si vous en avez vu une, vous les avez toutes vues. C'est vrai ? « Pas du tout, affirme Christian. Ce sont des voitures complètement différentes. Avec une Coccinelle ou une 2CV on ne dit pas que tout est resté pareil, n'est-ce pas ? ». C'est vrai. Mais avec la Trabant, le facteur politique entre également en ligne de compte. En effet, en tant que produit de la RDA, elle est le résultat de l'économie planifiée. Les besoins des citoyens devaient être à la fois prévus et contrôlés par des fonctionnaires dans des bureaux miteux, qui n'avaient souvent aucune connaissance technique. Et ce, alors que des ingénieurs, assis dans des usines automobiles, produisaient de bonnes idées qui finissaient ensuite dans le tiroir du bas du bureau ou à la poubelle.
Au sein du bloc de l'Est, la RDA avait été pionnière dans l'idée de rendre les masses mobiles. À l'époque où la Trabant a vu le jour, dans les années 1950, le grand frère soviétique misait encore tout sur un système de voitures de prêt, qui n'a jamais vraiment bien fonctionné. Mais il a fallu un certain temps avant que le duroplast constituant la peau extérieure de la Trabant ne soit prêt pour la production. Le coton recyclé et la résine phénolique (deux sous-produits industriels) sont transformés en ailes, capots et toits, ce qui permet d'éviter l'emboutissage coûteux de l'acier. Une solution utile, également utilisée sur la Trabant 601, déjà le troisième modèle en duroplast de Zwickau. Cette P60 perfectionnée était en fait conçue comme un modèle de transition. La structure est identique, mais elle est dotée d'une nouvelle carrosserie avec, contrairement à son prédécesseur, des vitres latérales pivotantes. Dans le jargon du marketing, on appelle cela augmenter l’expérience utilisateur.
Lorsque les premières photos de la 601 apparaissent en 1963, elle est tout à fait à la page, même selon les normes occidentales. En 1970, elle devait être remplacée par un modèle entièrement nouveau, mais comme les nouvelles machines de production coûtent beaucoup d'argent, que la RDA n'a jamais pu débourser, le Trabi a connu une microévolution permanente.
La voiture de Toni, dont la première immatriculation date de mai 1964, appartient à la série zéro. Jusqu'à son numéro d'immatriculation ancien, elle ressemble à la première brochure, qui présentait la Trabant 601 comme une « voiture de pointe avec un moteur à deux temps ». « Depuis 2006, je conduis exclusivement des Trabant, explique Toni, et avant d'acheter la voiture, j'ai d'abord rassemblé des pièces des années 1960 ». Cette façon de travailler est en fait exactement comme à l'époque : en RDA, les réparations et même la production normale des voitures neuves comprenaient l'adaptation de pièces qui se trouvaient être disponibles. Une Trabant est rarement restée telle qu'elle est sortie de l'usine.
Comparé à son prédécesseur, l'exemplaire de 1964 donne l'impression d'être assis dans une serre. Le volant fin et gris clair semble flotter librement dans l'espace. Le tableau de bord, également hérité de la P60, était, selon Der Deutsche Strassenverkehr, le plus grand magazine automobile de RDA à l'époque, « déterminé et simple et pas immédiatement attrayant à regarder ». Ce n'est qu'en 1974 qu'il a été modifié.
Avant de tourner la clé de contact placée à gauche, il faut d'abord ouvrir le robinet de carburant. C'est le moyen le plus rapide de se faire une hernie dorsale, car il est situé dans le compartiment moteur au niveau des pieds du passager, contre la cloison. Ensuite, les deux cylindres martèlent sèchement toute conversation des occupants, l'insonorisation n'étant pas à l'époque un enjeu majeur dans la catégorie des 600 cm3 ; pas plus que le confort. Les fesses rebondissent avec force sur le siège. Ce type de siège, ressemblant à une simple chaise, a été installé en série jusque dans les années 1970, bien qu'il ait été recouvert de tissu à un moment donné. On peut se demander si ce dernier a contribué à vous empêcher - comme dans cette voiture - d'explorer la largeur de la voiture en glissant sur l’autre siège à chaque virage. Il fallait donc s'accrocher au volant, tout en empêchant l'arrière de la voiture, avec ses ressorts à lames et ses pneus diagonaux, de vous dépasser. Une Trabant ancienne est un enfant de son temps, avec le caractère honnête d'une carcasse rugueuse. Sans filtre.
Et avec des freins simplex, ce qui signifie qu'il faut forcer de tout son poids sur la pédale en espérant qu'elle ralentira suffisamment. Les freins à deux cylindres par roue font leur apparition sur les roues avant en 1967, un deuxième circuit de freinage n'apparaissant qu'en 1980. Le passage de 6 à 12 volts suit trois ans plus tard, et les sièges « baquets » (de série depuis 1971) sont dotés d'appuie-têtes réglables en hauteur. Les couleurs de l'intérieur et les matériaux changent en fonction de la couleur de la carrosserie.
Le changement le plus important, introduit en 1988, est immédiatement perceptible dans l'Universal de Christiaan : des ressorts hélicoïdaux sur l'essieu arrière. La Trabi ne cahote plus et berce doucement ses passagers qui sont enfermés dans de solides sièges enveloppant recouverts de peluche. Le feutre et la moquette épaisse font passer l'atmosphère d'aérée à chaleureuse. Elle est aussi techniquement divertissante : dans l’économètre, les diodes colorées dansent joyeusement. Le bruit du moteur ne pénètre plus dans les oreilles que sous la forme d'un murmure constant. Ce n'est qu'à haut régime qu’il hurle comme une perceuse à percussion.
A bord de la Trabi tardive, vous serez au calme. Elle est peut-être dépassée par le temps, mais elle n'est pas non plus démodée. Apparemment, un nouveau modèle avait été construit à Zwickau - et personne ne l'a remarqué !
Quiconque se moque aujourd'hui de la Trabant sous-estime les conditions de l'époque. Alors qu'il y avait une pénurie de matières premières et une abondance de commandes de la part des autorités, les ingénieurs de Zwickau ont conçu une voiture extraordinaire. Pendant 26 ans, ils ont amélioré cette voiture du peuple, du mieux qu'ils pouvaient. Ces améliorations sont plus importantes qu'il n'y paraît à première vue. La 601 mérite d'être reconnue comme patrimoine culturel.
Lu sur : https://www.autoweek.nl/autotests/artikel/vroege-en-late-trabant-p601-reportage/
Adaptation VG