Ce fourgon a eu de multiples noms, comme un criminel endurci : NAMI, KiAZ, BAZ et même un nom à consonnance étrangère - Multi. Et si l’on tient compte du fait qu’il avait aussi un frère en Pologne, alors cette histoire nous rappelle vraiment un roman d’aventure de l’époque du réalisme socialiste.
Le dicton populaire selon laquelle l’Union Soviétique manquait de camions légers n’est que partiellement vrai. Après tout, il n’y a que le personnel du Gosplan, s’occupant de la macroéconomie du socialisme développé, qui s’en souciait. Les usines tournaient à plein régime, accomplissant ou sur-accomplissant le Plan et recevant des primes. Les entreprises de transport pouvaient sans que cela pose problème transporter des petites charges sur des camions de quatre à six tonnes (ZiL et GAZ en fabriquaient un demi-million par ans au tournant des années 1980) sans se soucier du prix de l’essence fixé par l’Etat, ni de l’amortissement. Des tickets pour du carburant bon marché seraient attribués si nécessaire et le développement d’un nouveau véhicule serait exigé par le Ministère de l’Industrie automobile le moment venu.
Pourtant, l’Institut NAMI, qui était assez loin de la production réelle, mais beaucoup plus proche du Plan de « remplissage des usines » qui comprenait un calendrier précisant ce qui devait être fabriqué et par qui, et qui laissait dans la case 1,500 kg de charge utile un trou béant, a commencé à se préoccuper de la création d’un véhicule de ce type. C’est-à-dire un véhicule dans la catégorie de la future GAZelle.
Selon le projet de 1983, cette camionnette devait avoir un poids total autorisé en charge de 3,500 kg avec une suspension à ressorts à lames, des freins à disque à l’avant et des tambours à l’arrière. Un nouveau moteur diesel avait été développé par NAMI sur base IVECO. Le moteur diesel atmosphérique standard de 2,45 litres devait développer 70 ch, et sa version suralimentée 90 ch. Le deuxième moteur pour ce fourgon devait être le moteur 2,45 litre essence produit à Oulianovsk, bien connu en URSS, mais légèrement modernisé.
Le premier prototype NAMI-0255 a été réalisé en partant de la carrosserie rallongée du prototype ErAZ-3730. Mais dès le milieu de l'année 1984, une maquette grandeur nature du nouveau fourgon était prête et deux autres prototypes assemblés : NAMI-0267 - un fourgon servant de base à la future gamme et NAMI-0266 à plateau-ridelles. Extérieurement, ces utilitaires ressemblaient à l'IVECO Daily, dont la production avait débuté en 1978.
Contrairement à la future GAZelle, ces camions n'avaient pas de châssis à proprement parler. Le plancher de la caisse était renforcé par deux imposants longerons. Cette conception avait été choisie pour des raisons de sécurité en cas de choc frontal. On pensait aussi à l'exportation. Cela permettait aussi un allègement d'environ 200 kg. Dans la version plateau-cabine, deux longerons supplémentaires étaient soudés à l’arrière. Le fourgon standard avait un empattement de 3,200 mm (sur la GAZelle il est de 2,900 mm). Et au moins au début, il n’était pas envisagé de faire varier le volume utile en jouant sur l'empattement, mais sur la hauteur du véhicule et la longueur du porte-à-faux arrière.
Les prototypes restaient à finaliser et il fallait aussi penser à la production. En 1980, on parlait de 70,000 véhicules par an, puis de 100,000 et même de 120,000 ! Personne ne se demandait de combien de fourgons de ce type on avait vraiment besoin. Aujourd’hui en Russie, les ventes de camionnettes de cette catégorie sont bien moindres mais le critère de mesure était différent à l’époque et visiblement nombre d’usines étaient en mesure d’accueillir la nouveauté.
Il était même prévu d'en construire une nouvelle dans le complexe de production de UAZ. C’est pourquoi des ingénieurs de l’usine d’Oulianovsk - Andrian Makarov et Viacheslav Ossipov - avaient été impliqués dans la création de cette fourgonnette et même été successivement à la tête de cet ambitieux projet. Mais la direction de UAZ n’était pas du tout enthousiasmée par la confiance qui lui était accordée. L’usine avait suffisamment de soucis en cours, y compris la lutte constante contre la pénurie de main d’œuvre. Elle employait sur la chaîne de travailleurs temporaires venant d’autres entreprises soviétiques ainsi que des réfugiés du Vietnam, un pays en proie à la famine.
De son côté, l’usine de moteurs d’Oulianovsk, en tant que fabriquant du nouveau moteur diesel, a rapidement jeté l’éponge. Ne serait-ce que parce qu’elle ne disposait pas de la technologie pour fondre le bloc-cylindres conçu par NAMI ! En conséquence, et comme on pouvait s’y attendre, il a été décidé de n’installer temporairement qu’un moteur essence de 2,45 litres développant environ 77 ch, mais avec une nouvelle boîte de vitesses à quatre rapports. Et comme ce moteur était trop faible pour un véhicule aussi lourd, le rapport de pont est passé à 4,55 au lieu de 4,125 (comme sur les tout-terrains UAZ).
UAZ s’occupait désormais de la fabrication des prototypes. Mais comme l’usine d’Oulianovsk manquait de spécialistes, des ingénieurs de GAZ ont été impliqués. Les trois fourgons de 1986 étaient trop lourds avec un PTAC de 3,750-3,780 kg. Les modèles suivants - déjà la troisième série - étaient plus étroits et plus légers. Et les fourgons de la quatrième série de 1988 étaient déjà des pré-séries. C'est à ce moment que l'on a pris la décision d’en confier la production à une nouvelle usine.
En 1987 Gaydar Aliev, ancien dirigeant de l’Azerbaïdjan et premier vice-président du Conseil des ministres de l'URSS, a eu l'idée de construire une nouvelle usine à Kirovabad, en Azerbaïdjan. L'argument était qu'il n'y avait pas d'usine de ce type dans la république alors qu’il y avait ErAZ en Arménie et KAZ en Géorgie. Ainsi, le fourgon de base a reçu le nom de KiAZ-3727.
On parlait de 80,000, puis de 60,000 et enfin de 40 000 fourgons par an. Mais avec ce niveau de production, l'équipement automatisé déjà acheté pour l’usine de Kirovabad ne pouvait pas être rentabilisé et il n'y avait pratiquement pas de travailleurs qualifiés. Néanmoins, comme l’usine était presque terminée et UAZ a transféré les prototypes de la quatrième série à Kirovabad.
Mais fin 1987, Gaydar Aliev fut poussé par Mikhail Gorbatchev à la démission du Politburo et de la direction du Parti communiste d'Azerbaïdjan pour « raisons de santé » et des affrontements interethniques sanglants éclatèrent à Soumgait en février 1988. La République avait manifestement d’autres sujets à traiter que la production d’un nouveau véhicule et la direction de l’URSS était préoccupée par d'autres problèmes.
Légende des photos :
- Architecture du fourgon de base avec toit rehaussé et suspension à lames de ressorts.
- La première vision du nouveau fourgon : le prototype NAMI-0255 avec une caisse d’ErAZ rallongée.
- NAMI-0266, plateau-ridelles, 1985.
- NAMI-0267, fourgon rehaussé, 1985.
- KiAZ-3727 de pré-série avec une ouverture latérale plus basse que le plancher.
- KiAZ-3727 fabriqué à Oulianovsk.
Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/932611-povest-o-besprizornike/
Adaptation VG