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La Trabant 601 avec sa technologie et son design des années cinquante est le symbole de l’Etat disparu qui l’a produite. Anodine, dépassée et toujours trop lente et dont l’entretien ne tenait que l’improvisation de ses citoyens malheureusement éprouvés. Elle était pourtant aussi leur fierté.

Aucun produit de l’économie de pénurie de l’Allemagne de l’Est n’est devenu aussi symbolique que la Trabi, vaillamment fabriquée jusqu'à la fin. Le 30 avril 1991, une cérémonie grotesque était organisée à Zwickau pour la production de la dernière Trabant. Qu’allaient devenir les employés de la Sachsenring ?

La Trabant P610, avec son moteur quatre temps, est ce que les ouvriers de la Sachsenring auraient pu produire. Une vraie voiture et pas cette plaisanterie malodorante en Duroplast. La production en série de la Trabant P 610 devait débuter en1984. Avec elle, le bruit dans les rues de la RDA (et au-delà) aurait changé. Oubliées les pétarades des moteurs deux temps, oubliés les panaches bleutés sortant des tuyaux d’échappement. Avec son moteur 1,1 litre, la nouvelle Trabant aurait roulé à 125 km/h et fait passer tout un peuple à la vitesse supérieure. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

La Trabant P610 n’est jamais entrée en production en série. Le conseil des ministres de la RDA a stoppé son développement en 1979. Seuls 20 prototypes ont été construits. La plupart ont été mis au rebut et quelques-uns ont été sauvés. Un exemplaire appartient aujourd’hui à l’Internationalen Trabant-Register, le musée Trabant de Manfred Schürer à Zwickau. Agé de 66 ans, il a débuté en 1972 sa carrière à la Sachsenring comme ouvrier au montage et l'a terminée comme responsable du Comité d’Entreprise. C’est à ce poste qu’iI a vécu les deux faillites des sociétés qui produisaient la Trabi. Il est aujourd’hui retraité.

Manfred Schürer ferme doucement le capot ouvert de son précieux prototype bleu. « Ça aurait pu être comme ça » explique l'homme raide aux cheveux courts et gris. Comment cela s'est-il passé ?

« La Trabant n'avait aucune chance sur le marché, c'était clair pour la plupart des gens d'ici » raconte-t-il. Un des indicateurs de la vitesse avec laquelle la RDA a été démantelée pendant les mois de transition de 1989/90 sont les numéros de commande des Trabant et de Wartburg publiés dans les journaux du Parti et prêts à être collectés. Le temps d'attente est tombé rapidement de 15 ans à zéro. Qui voulait encore une Trabi quand les drapeaux des concessionnaires de voitures d'occasion ouest-allemands flottaient partout ?

Mais la Sachsenring n'était pas seulement une usine automobile. C'était un monde à part avec 11 000 personnes qui érigeaient les ateliers, fabriquaient des outils, inventaient des robots pulvérisateur, qui étaient soignés « depuis une naissance sans douleur jusqu’à la crémation » comme l’explique Wolfgang Neef, 77 ans, dans l'entreprise publique depuis 1953 et son directeur au moment de la chute du Mur. Il est assis au August Horch Museum devant les limousines de luxe de la période d'avant-guerre. L'ancien directeur et l'ancien responsable du comité d'entreprise ne pouvaient pas participer à cette rencontre conjointe. Ils se trouvent à dix minutes d'intervalle dans deux musées automobiles différents et jusqu'à aujourd'hui ont parfois des points de vue très différents sur la fin de la Trabi et sur la période qui a suivi.

Cependant Wolfgang Neef et Manfred Schürer s’accordent sur leurs souvenirs de la cérémonie pour la dernière Trabant le 30 avril 1991. La voiture portant le numéro de série 3,096,099 a été peinte en rose « Peggy la cochonne » et n’a pas parcouru un seul kilomètre. Elle est passée directement de l’atelier au musée. Après la chute du Mur de Berlin, les ouvriers de la Sachsenring ont encore fabriqué des Trabant, 37,000 au total. Une voiture dont personne ne voulait plus !

Ils l’ont construite pour ne pas être mis à la rue. Ils devaient avoir l’impression de travailler dans les décombres d’un passé révolu. Dans la nouvelle usine à l’extérieur de la ville, 3,000 de leurs collègues fabriquaient déjà des carrosseries pour la Polo et la Golf. Aujourd’hui, Volkswagen emploie 6,500 personnes là-bas.

En avril 1991, personne n’imaginait que les choses se passeraient si bien. Lorsque la Trabi « Miss Piggy » - la dernière 1.1 - est tombée de la chaine de montage, l’ambiance a basculé entre dépression et agressivité. Deux ouvriers ont brandi une affiche de deuil portant l’inscription « Un dernier salut ! ». Il était écrit au-dessous « Pourtant, je vous aimais tous ! », référence détournée de la citation d’Erich Mielke - ministre de la Sécurité d’État de la RDA de 1957 à 1989 - « et pourtant, j’aime tous les hommes » (« ich liebe doch alle Menschen »). Les habitants de Zwickau tenaient toujours l'ancien système comme responsable du déclin, et ne protestaient ni contre les responsables de la RDA disparue depuis longtemps, ni contre le Treuhand - l'organisme ouest-allemand chargé de la privatisation des biens de l'ex- RDA après la réunification du pays - ou le nouveau gouvernement.

Le Ministre-président du Land de Saxe, Kurt Biedenkopf, a été photographié tout sourire avec « Miss Piggy » et les employés de la Sachsenring. La veille, une société de sauvetage avait été fondée et deux jours plus tard, le patron de VW Carl Hahn et le ministre fédéral de l'Économie Jürgen Möllemann allaient signer la promesse d’un investissement de 4,6 milliards de Deutsche Marks dans la nouvelle usine.

Dans son cabinet de conseil en management à Hanovre, Horst Meyer se souvient avec fierté de son rôle à la Sachsenring. Le champion olympique d'aviron de 1968 était venu de l’Ouest pour devenir directeur général. « Cela s'est bien passé à l'époque » raconte-t-il. « Nous avons trouvé quelque chose pour presque tous les ouvriers, nous n'avons dû opérer que 600 licenciements pour des raisons opérationnelle ». Horst Meyer a acheté le dernier cabriolet Trabi produit et l'a utilisé de nombreux étés. Il ajoute : « C'était des gens excellents là-bas. Lorsque nous avons produit des carrosseries pour VW, elles étaient meilleures que celles de Wolfsburg ».

Au premier janvier 1993, la Sachsenring comptait encore 1,500 employés. Les frères Rittinghaus ont transformé l'entreprise en équipementier automobile mais tout cela s’est terminée en faillite retentissante. Aujourd'hui, il reste une micro-entreprise de 35 employés sous le nom de Sachsenring. L'ancien patron Wolfgang Neef déclare toutefois : « Tout le monde a profité de la restructuration. Certains peut-être un peu moins, et cela a pris beaucoup de temps, mais quand même ». L’ancien responsable du comité d'entreprise Manfred Schürer le contredit sur un ton amer : « Il y en a toujours qui restent au bord du chemin ».

Lorsque la Trabi « Miss Piggy » est tombée de la chaine, Fritz Warth , le prédécesseur de Manfred Schürer s'est plaint de l'héritage catastrophique de la RDA et a parlé de « l’abrutissement du peuple » par le SED. Aujourd'hui, cette expression irrite encore les deux vétérans de la Sachsenring.

Lors de la cérémonie d’adieu du 30 avril 1991 la Trabant rose avait un goût amer. Tous s'en rappellent encore aujourd’hui.

De nombreuses blagues ont été faites sur la Trabi. Petite sélection croustillante :

  • Pourquoi la Trabant est limitée à 100 km/h ? Parce que sinon, son conducteur remarquerait à quel point la RDA est petite.
  • Combien d'ouvriers faut-il pour construire un Trabi ? Deux. Un pour plier, l’autre pour coller.
  • Si vous avez pinces, des ciseaux et du fil, vous pourrez aller à Leningrad.
  • Qu’est que cinq Trabis à une intersection ? Une réunion Tupperware.
  • Un vendeur à son client « Votre Trabant vous sera livrée dans 15 ans ». Le client : « Le matin ou l’après-midi ? ». Le vendeur « Est-ce que c’est important ? ». Le client : « Oui, le plombier viendra le matin ».
  • Quel est le nom de la Trabant en français ? « Carton de blâmage » (NDT : après recherche , le terme blâmage et un faux gallicisme créé au XVIIIe à partir du français blâmer avec le suffixe -age, mais ce nom pour désigner la Trabant est intéressant !)
  • Comment doubler la valeur de la Trabant ? En faisant le plein.
  • Quelle est la différence entre une Trabi et une Trabi Sport ? Le conducteur de la Trabi Sport porte des baskets.
  • Où peut-on encore acheter des Trabis originales aujourd'hui ? Dans un magasin de loisirs créatifs !
  • Que signifie la désignation 601 sur le Trabi ? 600 l'ont commandée et un l'a reçue.

Lu sur : https://www.haz.de/Nachrichten/Panorama/Uebersicht/Trabi-vor-25-Jahren-das-letzte-Mal-vom-Band-gelaufen
Adaptation VG

 

Tag(s) : #Histoire, #Trabant, #RDA, #Dernière, #Blagues