La « machine à remonter le temps » cubaine est immortelle. Depuis notre enfance nous vivions avec le sentiment que Fidel Castro lui-même était éternel, comme le bruissement des vagues sur le front de mer du Malecon. Il vient de nous quitter dans sa 91ème année et laisse un riche héritage, bien que largement monotone. Il est clair que Cuba ne sera plus ce qu’elle était depuis 1959. Un jour, les archives s’ouvriront, les historiens étudieront les documents et pourront enfin déterminer lesquelles des 638 tentatives d’attentat contre Fidel Castro étaient réelles et lesquelles étaient fictives...
Le parc automobile de Cuba changera également. Ceux qui veulent voir la machine à voyager dans le temps de leurs propres yeux doivent acheter de toute urgence un billet d’avion pour La Havane. Ayant isolé son pays depuis de nombreuses décennies, Fidel Castro avait laissé aux Cubains un choix extrêmement limité : soit user les vieilles voitures américaines, soit acheter des voitures soviétiques. Les autres voitures étrangères étaient l’exception et arrivaient par voie diplomatique comme c'était le cas en URSS. Les conditions météorologiques favorables, un kilométrage relativement faible (où aller sur l’île ?) et des mécaniciens aux mains d’or permettent de conserver roulantes ces « épaves ». Pour se convaincre que les conditions sont exceptionnelles, il suffit aussi de savoir que les deux magnifiques coupés Lincoln Continental Mark II commandés par Marta Batista, l’épouse du dictateur Fulgencio Batista renversé lors de la Révolution cubaine le 1er janvier 1959, roulent encore !
Cuba était avant la Révolution cubaine une aire de jeu séduisante pour les touristes américains attirés par les plages, le rhum et les femmes abordables. Mais Fulgencio Batista s’est rendu compte qu’il attirerait encore plus de riches grâce à la course automobile. En 1957, un Grand-Prix de Formule 1 de Cuba a donc été organisé, il est vrai hors championnat. Il a été remporté par le légendaire Juan Manuel Fangio sur Maserati 300S. Un second Grand-Prix a eu lieu un an plus tard. Le calcul de Fulgencio Batista était justifié : il y avait beaucoup d’invités et la course a été remportée par Stirling Moss dans une Ferrari 335 S.
Mais le monde du sport automobile se souvient de cette course pour une autre raison : avant la course, Juan Manuel Fangio avait été kidnappé, comme vous pouvez le deviner, par les rebelles du Mouvement du 26 Juillet, la guérilla menée par Fidel Castro qui entendaient attirer l'attention des médias sur leur lutte contre la dictature de Fulgencio Batista. Juan Manuel Fangio a été libéré le lendemain et plus tard, Fidel Castro s’est même excusé auprès du peuple d’Argentine. Pendant des années le pilote argentin a été en contact avec le leader cubain et est même retourné dans son pays.
En 1960, la Formule 1 est revenue de nouveau sur l’ïle de la liberté juste avant que Fidel Castro n’annonce soudainement qu’il construirait le socialisme : la course eut lieu autour de l’aérodrome militaire de Ciudad Libertad. Depuis lors, à Cuba le sport automobile était voué à l’oubli en tant que manifestation de la culture bourgeoise.
Fidel Castro ne s’intéressait pas vraiment à l’automobile même s’il suivait de près l’évolution de l’industrie automobile mondiale. Par exemple, il considérait comme blasphématoire l’idée d’utiliser du biocarburant à la place de l’essence car il n'imaginais pas que les bourgeois puissent convertir le maïs et la canne à sucre en alcool à un moment où des millions de personnes dans le monde meurent de faim.
Le leader cubain utilisait des voitures qui, pour la plupart, n’étaient pas de première jeunesse. On ne pouvait pas dire qu'il aimait les voitures de luxe. Pour les trajets locaux, il préférait des voitures plutôt classiques comme des Oldsmobile bien usées de l’ère Batista ou un simple GAZ-69. Il utilisait les luxueuses limousines, souvent offertes par les dirigeants soviétiques, pour aller à la rencontre de personnalités à l’aéroport.
D'ailleurs, on offrait souvent des voitures à Fidel Castro. Par exemple fin 1984, alors qu’aucune VAZ-2108 de série n’était encore tombée des chaînes de montage d’AvtoVAz, l’usine lui avait préparé ce cadeau : une VAZ-2108 de série ! Pas une d’ailleurs, mais deux ! Il est difficile de dire combien de fois le leader cubain a utilisé ces Lada Samara et même s’il les a vraiment utilisées. Il n’y a aucune preuve de cela. Peut-être que les historiens pourront nous le dire...
Lu sur :
https://www.zr.ru/content/articles/904407-vaz-2108-fidelya-kastro-i-drugi/
Adaptation VG