Disponibilité, qualité acceptable, tenue de route décente : il y a exactement 60 ans, le 1er octobre 1960, débutait la production en série de la légendaire Zaporojets. A partir de là, la voiture personnelle a cessé d’être un luxe pour les citoyens de l’URSS - les « Zazikis » étaient relativement peu coûteuses, faciles à exploiter et à réparer. Reconnaissable entre toutes, la Gorbaty (la « Bossue » en russe) est devenue la voiture favorite de centaines de milliers d’automobilistes et le symbole de l’industrie automobile soviétique.
Au milieu des années 1950, l’URSS avait décidé de donner à la population l’accès à la voiture personnelle. La Moskvitch-402, bien que considérée comme peu coûteuse, dépassait les moyens de la plupart des Soviétiques. Il fallait donc un modèle encore moins cher. Les petites voitures étaient alors très populaires en Europe : Fiat 600, Citroën 2CV, VW Coccinelle. On voulait faire quelque chose de similaire en Union Soviétique mais on ne pouvait pas la créer en partant de zéro. L’Institut NAMI a étudié plusieurs options, mais elles se sont avérées inconfortables, peu fiables et peu maniables. Il fallut donc encore copier une voiture étrangère - une Fiat en l’occurrence.
Ils ne l’ont toutefois pas copié totalement : ils lui ont emprunté l’architecture générale, son dessin, certaines pièces de suspension et la disposition arrière du moteur. Les Soviétiques ont travaillé très rapidement. Le prototype Moskvitch-444 a été réalisé par l’Usine Moscovite des Voitures de Petite Cylindrée (MZMA) en 1957. Mais comme l’usine était déjà bien occupée par la production d’autres modèles, la production a été mise en place en Ukraine dans une ancienne usine de fabrication de moissonneuses-batteuses à Zaporojié. D’où le nom officiel du modèle : ZAZ-965 ou Zaporojets.
Le moteur était une réalisation maison : un quatre cylindres en V de 746 cm3 avec refroidissement par air. Puissance 23 chevaux. Soit dit en passant, c’était deux fois plus que celui des concurrentes étrangères et c’était bien suffisant pour faire rouler cette voiture de 600 kg à 80 km/h. Ce moteur était un peu plus gros que celui de la Fiat et c’est pourquoi la Zaporojets avait ce décrochement caractéristique de la partie arrière. C’est la raison pour laquelle elle a été surnommée « Gorbaty », la bossue !
La ZAZ-965 n’était en rien inférieure aux voitures étrangères et les surpassait même à certains égards. Par exemple elle avait une suspension indépendante : arrière à ressorts et avant à barre de torsion. La Fiat avait des ressorts rigides à l’avant.
Avec ses deux portes et une longueur d’un peu plus de trois mètres, la Zaporojets pouvait accueillir quatre adultes. Malgré le minimalisme de l’intérieur, les sièges avant étaient séparés et réglables, on trouvait des pare-soleils, un chauffage et une radio. Et les portières disposaient de déflecteurs d’air.
La Zaporojets coûtait 1,800 roubles. C’était la voiture la plus abordable de l’URSS. La Moskvitch valait 2,500 roubles et il fallait débourser plus de 5,000 roubles pour une Volga. Ce prix relativement bas a permis à de nombreuses familles soviétiques d’acheter leur propre voiture et pour certains, la « Gorbaty » était leur première voiture.
Cependant, les économies avaient affecté la qualité de la voiture. Ainsi la place du conducteur ne brillait pas par son ergonomie : le passage de roue gênait la jambe gauche, le siège était inconfortable, il n’y avait pratiquement pas d’isolation phonique et le cliquetis caractéristique du moteur refroidi par air pénétrait obsessionnellement dans l’habitacle. De plus ce moteur chauffait. La moitié du coffre à bagages, déjà modeste, était occupé par la roue de secours et le réservoir d’essence. Pour compenser cet inconvénient, les propriétaires de Zaporojets installait une galerie de toit.
Dans de telles conditions, les voyages sur longues distances n’étaient, pour le moins, pas très confortables. Un trajet de plusieurs centaines de kilomètres était considéré comme un test sérieux autant pour le conducteur et ses passagers que pour la voiture elle-même. Néanmoins, elle était assez pratique pour rouler en ville ou se rendre à la datcha le week-end. Sans surprise la « Gorbaty » faisait montre de bonnes capacités en dehors des routes carrossables : grâce au moteur arrière, il n’y avait pas besoin de cardans, ce qui augmentait la garde au sol. De plus, si la voiture restait coincée sur une route de campagne, elle pourrait facilement être poussée par deux personnes.
L’Usine Automobile de Zaporojié a produit plus de 320,000 « Gorbaty ». Elles étaient vendues immédiatement. Bien sûr, on se moquait d'elle : « Une demi-heure de honte et vous êtes au travail ». Mais la Zaporojets a fermement pris sa place parmi les voitures de tourisme soviétiques et nombreux sont ceux qui l’ont adoré.
La voiture a subi plusieurs modernisations. Ainsi en 1963, la puissance du moteur de la ZAZ-965A modernisée est passé à 27 chevaux et trois ans plus tard elle a reçu un moteur de 30 chevaux. La « Gorbaty » a été produite jusqu’en 1969. Sur sa base, plusieurs variantes ont été développées : une fourgonnette postale à conduite à droite, un pick-up, une version handicapée avec des commandes manuelles à la place du pédalier. Un modèle avec une meilleure garniture intérieure, une isolation phonique améliorée et quelques petites choses en plus a été exportées sous le nom de Jalta.
La seconde génération de Zaporojets n’a pas été moins demandée. La ZAZ-966 « avec des oreilles » (c’est ainsi qu’on la surnommait en raison de la forme caractéristique de ses prises d’air latérales) a été lancée en 1966. Comme la « Gorbaty », elle avait un moteur à l’arrière et deux portes. Mais c’était déjà une berline à part entière pesant environ une tonne, avec un moteur 1,2 litre de 40 chevaux. La suspension avait été entièrement repensée, une nouvelle boîte de vitesses créée. La voiture pouvait atteindre les 100 km/h en 30 secondes et sa vitesse maximale était de 120 km/h.
Et bien qu’elle coûtât déjà 3,000 roubles, elle était encore une fois et demie moins chère que la Jigouli. Les ingénieurs soviétiques avaient de grands projets pour la ZAZ-966. Plusieurs variantes ont été développées sur sa base : un minibus, une fourgonnette à carrosserie entièrement métallique et un pick-up. Ces modèles n’ont toutefois pas connu le stade de la série en raison de la charge de travail de l’usine de Zaporojié avec la production de voitures particulières. Néanmoins, la Zaporojets fut l’une des voitures le plus longtemps produites de l’industrie automobile soviétique. Les derniers exemplaires de ZAZ-968M sont tombés de la chaîne de montage en 1994.
Lu sur : https://ria.ru/20201001/zaporozhets-1578015507.html
Adaptation VG