
Le sport automobile est une histoire de passionnés. Il faut toujours quelqu’un pour faire bouger les lignes. Un exemple frappant est le drag-racing russe. Pour ce type de course, il n’est jamais possible de se construire la voiture ultime car au bout de six mois ou un an elle sera déjà dépassée. Plus que la course d’accélération, c’est la course à la perfection technique qui fait rage. Et dans cette course, en règle générale, ce sont les pilotes eux-mêmes qui sont engagés.
Regardons les voitures russes qui peuvent franchir la barre des dix-secondes sur le ¼ de mile. Non, ce ne sont pas ces Lada Vesta laquées fabriquées par l’usine et qui sont engagées dans le championnat du monde des voitures de tourisme, le WTCC. Les dragsters sont la plupart du temps construits par leurs pilotes et une petite équipe de mécaniciens qui mettent en œuvre leurs connaissances et font preuve d’ingéniosité, tâtonnent et apprennent de leurs erreurs. Le drag-racing est l’une des rares disciplines où la créativité technique n’est pas étranglée par un règlement à rallonge.
Voici la VAZ-2108 d’Artem Demikhov, un habitant de la région de Lipetsk. Il la pilote depuis 2007 quand il a participé pour la première fois à une compétition. C’était la Coupe de Tchernozem et à l'époque la liste des modifications se limitait à une seule chose : le pot d’échappement !
Artem Demikhov se souvient : « Bien-entendu, tout le monde m’a battu. Mais cela m’a tellement excité que nous avons commencé à améliorer sérieusement la voiture. Je me suis présenté à la seconde épreuve et j’ai pris la première place dans la catégorie « National ». L’aventure était lancée. Depuis la voiture a subi des dizaines de modifications ».
La carrosserie va avoir 20 ans. La voiture a quitté la chaîne de montage en 1996 et faisait alors 69 ch. Aujourd’hui, les chevaux sont dix fois plus nombreux : les mesures sur banc réalisées au début du mois d’août ont montré que la voiture fait désormais 690 ch ! Lors de la première manche du Championnat de Russie, Artem Demikhov a parcouru le ¼ de mile en 9,8 secondes à la vitesse finale de 213 km/h.
La règlementation du Championnat de Russie de Drag-Racing comporte des exigences techniques dans chaque catégorie. Les tractions avant qui peuvent descendre sous les dix secondes doivent ainsi avoir un parachute de freinage. Artem Demikhov a franchi ce cap emblématique et sa VAZ-2108 a donc dû être équipée de ce nouvel équipement.
« Vous passez la quatrième et c’est déjà fini. Il est temps de tirer sur le câble qui déploie le parachute. Les sensations sont étranges, il faut s’y habituer » explique-t-il.
Chaque année sa VAZ-2108 subit quelques changements et on peut facilement dire que la voiture a été revue de fond en comble. En particulier entre les saisons 2015 et 2017 lorsque la partie arrière a été fortement allégée en remplaçant l’essieu, le système de freinage et les roues et que pratiquement toutes les parties articulées de la carrosserie ont été remplacées par des éléments en plastique !
A l’avant, on trouve maintenant des pneus slicks professionnel M&H Racemaster 10,0/27,0-15 venant des USA. Ils supportent bien la charge (c’est très important car course après course le grip de la piste s’améliore). Il sont tellement bons que parfois c’est le métal qui lâche. Lors de la seconde étape du championnat à Nijni-Novgorod, les pistons se sont arrachés et ils ont percé plusieurs trous dans le carter moteur. Il a fallu trois jours pour réparer car on a dû aller chercher des pièces de rechange à Moscou. On en a profité pour modifier le système d’admission ce qui a rajouté 100 ch supplémentaires !
Artem Demikhov décrit le résultat : « Le taux de compression a légèrement diminué mais en même temps nous avons augmenté la pression de suralimentation. La cylindrée de notre moteur est de 1,6 litre quand nos concurrents font de 1,8 à 2,2 litres. Le moteur fonctionne à sa limite mais il y a peu de VAZ compétitives et je pense que ces voitures sont intéressantes pour le public. Pour gagner en cylindrée, il faudrait travailler encore plus sur le moteur ».
Le carter de boîte provient d’une Mitsubishi Lancer Evo. Il s’agit d’une boîte de vitesses séquentielle et les rapports de pont ne sont pas modifiés entre les courses.
Pour optimiser les démarrages, la répartition du poids a été modifiée avec 70% sur le train avant. On a rapproché tout ce qu’il était possible de rapprocher à l’avant du véhicule. Mais les freins d’origine même les plus puissants ne peuvent pas supporter une charge si élevée. Le parachute est donc également nécessaire pour stabiliser la voiture en alignant le train arrière.
Les pièces sont choisies en discutant avec d’autres pilotes et Artem Demikhov a toujours l’impression de faire figure de pionnier. Au Etats-Unis, il existe un grand nombre de solutions standards pour la Honda Civic par exemple. Là, on a bien une voiture soviétique et il arrive que tel ou tel boulon pose problème. On ne sait jamais s’il résistera ou pas. Il arrive aussi qu’on achète des pièces d’importation mais il faut toujours les retravailler d’une manière ou d’une autre car tout ne s’adapte pas à la « Vosmerka ».
Bien sûr, nous avons essayé de savoir combien Artem Demikhov avait dépensé d’argent sur sa voiture mais comme le cours du rouble a changé une centaine de fois on ne peut qu’estimer son prix. Il est extrêmement difficile de calculer ce qu’ont coûté toutes les pièces et le travail passé. Extérieurement c’est d’ailleurs plus ou moins une VAZ-2108 puisqu’il ne reste plus grand-chose de la voiture d’usine. Mais tout ces changements n’avaient qu’un seul objectif. Et l’on va continuer car maintenant il faut franchir le quart de mile en moins de 9,8 secondes !
Légende des photos :
- Les distances sur les courses d’accélération sont courtes. C’est pour cela que de nombreuses voitures ont une longue carrière en course.
- L’échappement est à sortie directe. Cela permet au moteur suralimenté de mieux respirer.
- Lorsque la « Voskmerka » est passée sous la barre des 10 secondes, il a fallu lui installer un parachute.
- On a mis des pneus basse pression sur les roues motrices. Petit détail : le capuchon en plastique sur le moyeu porte l’emblème Lada !
Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/902657-snaryad-s-boltami/
Adaptation VG