
Le nom de Vladimir Iartsev est connu de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’industrie automobile soviétique et russe. En 1980 pour obtenir son diplôme à l’Institut Polytechnique de Togliatti (TPI), Vladimir Iartsev a fait un stage chez VAZ et, presque immédiatement après, il a commencé à travailler dans le tout nouveau département design du Centre de Style d’AvtoVAZ. En d’autres termes, c’est lui et un autre diplômé du TPI, Alexander Patrouchev, qui ont été chargés de créer le style des futurs modèles Lada.
Parmi leurs tous premiers développements on trouve les projets de véhicules monocorps X-1 et X-2. Jusqu’alors rien de tel n’avait jamais été réalisé chez VAZ. Ces designers talentueux ont été remarqués au plus haut niveau et Vladimir Iartsev, Alexander Patrouchev et Andreï Rouzanov se sont vu confier le style de la VAZ-2110, la fameuse « Deciatka ». Leur travail n’a pas été facile : pour avoir l’accord des techniciens, des ingénieurs et des économistes il fallait simplifier et unifier avec les autres modèles, et bien-sûr, cela ne leur plaisait pas ! Ils n'ont toutefois pas baissé les bras.
Mais donnons la parole à Vladimir Iartsev : « En janvier 1986 le premier prototype de la « Deciatka » a été réalisé. On l’a photographié et ceux qui ont participé à sa création ont signé au dos d'une photo qu'on a offerte à Marc Demidovstev (le chef du département conception automobile de VAZ, on dirait aujourd’hui le chef du design) ».
Ce qu’il y a d’incroyable c’est ce qu’il y a d’écrit derrière cette photo ! Si vous lisez ce que les jeunes designers y ont écrit, vous verrez qu’il est évident qu’au plus haut niveau, les dirigeants de VAZ étaient parfaitement au courant qu’ils avaient fait non pas ce qu’ils avaient voulu faire mais ce qu’on leur avait demandé de faire. A savoir, une voiture qui serait déjà dépassée au moment où elle serait lancée… Voilà ce qu'on peut lire :
« Les (stylistes) japonais ont anéanti l’Europe. Il ne reste rien du talent des Italiens, des Allemands, des Français qui ont définitivement fait faillite, ils sont morts (devant les Japonais). Notre département avait pour tâche de faire une vieille voiture - la voilà ! Chez VAZ, chez AZLK, chez GAZ, chez ZAZ nous n’avons même pas besoin de suivre ce chemin pathétique. C’est humiliant et peu concluant ! Il faut faire preuve de force et de patience pour mettre fin à la destruction consciente du temps et des bonnes solutions que nous avons aujourd’hui et dans lesquelles il faut croire !
La famille 2110 est un programme complet qui doit absolument survivre, mais dans notre département on ne veut plus rien faire de tel , il n’y a que des gens primitifs qui peuvent faire cela, et s'ils font encore des choses comme cela, ils laisseront leur place dans une certaine proportion ».
Ce n’était ni plus ni point qu’un ultimatum pour qu’on les laisse travailler sinon ils démissionneraient. Vladimir Iartsev explique : « La vraie signification de ce qui est écrit ne peut qu’être supposée. La seule chose que je peux dire est que le développement de cette voiture n’a été guidé que par les maigres possibilités de notre industrie. C'est pourquoi nous avons essayé de faire quelque chose de mieux et de plus prometteur avec les propositions suivantes. Au final, et malheureusement, presque toutes les innovations que nous avons proposées dans la dernière proposition pour la « Deciatka » ne sont restées que dans les prototypes et la documentation technique ».
Quelles étaient ces innovations ? Vladimir Iartsev les énumère : « Vitres latérales sphériques pour améliorer l'aérodynamique, essuie-glace mono-bras, augmentation de l’empattement et de la largeur, augmentation de la taille des roues et des freins, etc… Mais l'industrie n'était pas prête pour cela. Et c’est pourquoi nous n’avons gardé que ce qu’elle pouvait faire ».
Est-ce que cela veut dire qu'ils ne pouvaient rien faire ? Vladimir Iartsev n’est pas d’accord pour dire cela. « L’opinion selon laquelle rien ne pouvait être fait à cette époque est une tromperie. Des propositions intéressantes émanaient même de la direction de l’usine mais elles étaient trop sérieuses et ne pouvaient se faire qu’à long terme. Cela ne convenait pas aux autorités supérieures ».
C’est pourquoi ce qui devait arriver est arrivé. La production en série de la « Deciatka » n’a débuté qu’en 1995 et sa version - profondément - restylée est produite jusqu’à ce jour sous le nom de Priora.
Vous vous demanderez probablement ce que fait aujourd’hui Vladimir Iartsev. Au début des années 1990, il a déménagé en Europe où il a fondé le studio Jartsev Design qui s’occupe de design industriel dans tous les domaines, des jouets aux cabines de massage en passant par l’automobile, les voitures électriques et le tuning. Il travaille avec pratiquement toutes les sociétés de tuning européennes (Larte Design, Lorinser, etc…) et il a aussi des sociétés russes parmi ses clients.
Légende des photos :
- Vladimir Iartsev, Alexander Kostenkov, Oleg Semenov, Sergueï Taranov, Andreï Mitine, Andreï Rouzanov, Nikita Matioukhine, Evgueniï Lobanov, Iouri Morozov, Vladimir Chouvalov.
- VAZ X-1
- Cette photo faite par Iartsev est bien connue. Mais très peu de gens savent ce qui était écrit à son dos...
- La maquette de la Deciatka à l’échelle 1:4 retravaillée par Porsche.
- La maquette finale à l’échelle 1:1 dans l’antichambre de la soufflerie Porsche en 1987.
- Une maquette de la VAZ-2112 à l’échelle 1:1 aec des jantes 14 pouces RW.
- La même maquette à côté de la VAZ-2108 RSI développée en Belgique par Scaldia Volga avec la participation des spécialistes de VAZ.
Lu sur : https://www.drive2.ru/b/489906098527010878/
Adaptation VG