L’AZLK-2335 est un pick-up deux places qui, comme la plupart des voitures soviétiques, a été engendré dans la douleur. Lorsqu'on a enfin envisagé d’en lancer la production, il s’est avéré que c’était déjà trop tard.
En URSS, on a commencé à voir apparaître des pickups dans les années 60. C’était souvent des « samodelka » basées sur des berlines ou des breaks. Ils étaient fabriqués à base de voitures accidentées ou n’ayant pas passé les contrôles en fin de chaîne et utilisés principalement à l’intérieur des usines. Utiliser un camion tout neuf pour transporter des pièces détachées entre les différents ateliers, par exemple chez ZiL, coûtait cher alors qu’un pick-up fait maison était offrait les mêmes services.
Les premiers vrais pickups ne sont apparus que dans les années 70. Le premier du genre fut le IZH-2715. Il était basé sur la fourgonnette qui, en un tour de main, avait été transformée en pick-up classique. Chez AZLK à Moscou, on s’était vite demandé pourquoi on ne pourrait pas faire aussi bien que chez IZH et c'est pourquoi les travaux sur un pick-up ont rapidement commencé.
Ils étaient menés bon train mais vers le milieu des années 70, l’usine moscovite a connu de profonds changements au sein de sa direction. C’est une équipe « soit-disant » venue de chez ZiL qui a pris les manettes. On a fait une croix immédiatement sur le pick-up comme d’ailleurs sur de nombreux autres projets assez prometteurs et on s’est aussi débarrassé de toute la gamme de Moskvitch « commerciales » c'est à dire le break 2137 et la fourgonnette 2734. L’usine ne produisait plus que des berlines !
Toutes les forces ont alors été jetées sur la création d’un tout nouveau modèle à traction avant, la nouvelle direction souhaitant construire une gamme complète de nouveaux modèles basés sur la Simca 1308 française.
On a commencé à reparler de pickups dans les années 1980 quand est apparu le minivan AZLK-2139 Arbat. C’est précisément sur sa base que le constructeur avait décidé de créer un pick-up car il semblait que ce modèle conviendrait mieux que la AZLK-2141 à cinq portes.
Mais les problèmes se sont enchaînés les uns après les autres. On a catégoriquement refusé de transformer le fameux minivan en pick-up car il fallait attendre encore au moins cinq ans pour voir l’Arbat apparaître sur la chaîne… Et l’usine ne pouvait pas attendre si longtemps. La Perestroïka alors à l’œuvre dans le pays avait fixé de nouvelles règles. Les gens avaient besoin en toute urgence d’un véhicule de faible tonnage. La concurrence s’activait déjà, comme GAZ qui avait déjà commencé à travailler sur la GAZelle. Les ingénieurs n’avaient donc plus de choix que de se rabattre sur la 2141.
Mais il ne suffisait pas de découper et retirer ce qui était inutile. La carrosserie n’était pas été assez rigide, sa résistance mécanique trop faible et la suspension arrière devenait franchement le « maillon faible » pour faire de cette AZLK-2141 un véhicule utilitaire.
Il fallait engager des changements plus importants. Les ingénieurs ont trouvé un moyen. Ils ont pris la partie avant de la voiture habituelle et pour l’arrière ils ont conçu une plateforme de chargement ne reprenant en rien les traits de la berline. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait Volkswagen en réalisant le pick-up Caddy sur la base de la Golf. Chez AZLK on a soigneusement étudié le « cas allemand » et on a été convaincu de la justesse des solutions adoptées. Il n’est toutefois nullement question de copie. La VW Caddy avait seulement prouvé aux Russes qu’un tel modèle avait droit de cité et rien de plus.
On ne s’est toutefois occupé de ce pick-up qu’à partir de 1987. Une fois que celle que l’on appelait Aleko en Occident a commencé à être fabriquée en grande série... Comme sans son toit la Moskvitch était instantanément privée de rigidité, les ingénieurs ont apporté un soin tout particulier aux différents renforts.
Les premiers essais ont montré que les travaux allaient dans la bonne direction. Il est intéressant de noter que la version utilitaire de la Moskvitch était plus lourde que la version passager. Son poids à vide était d’environ une tonne.
Les modifications portaient aussi sur la suspension. A la place des ressorts hélicoïdaux, il a été décidé d’utiliser les ressorts à lames des anciennes Moskvitch. Bien-sûr ils avaient été modifiés car l’essieu arrière allait être soumis à de grandes variations de charge. Ainsi, à vide, il devait supporter environ 350 kg, mais en charge il fallait soutenir trois fois plus (le pick-up pouvait transporter jusqu’à 640 kg). On a pu gérer la situation par l’emploi de ressorts progressifs. Au « repos » seules les lames les plus « molles » étaient sollicitées. En charge ce sont des lames prévues pour les chargements importants qui apportaient leur soutien.
En outre, les ingénieurs avaient rallongé l’empattement de 120 mm pour le porter à 2,700 mm. Grâce à cela la longueur de chargement était impressionnante - un peu moins de 1,900 m. Au final, le pick-up d’AZLK surpassait à tous les égards celui fabriqué à Ijevsk.
Soit dit en passant, l’usine avait également conçu une remorque pour accompagner le pick-up AZLK-2335. L’ensemble avait une capacité en charge de plus de 1,200 kg et a été présentée à l’exposition « Avtodesign-88 » où il a particulièrement intéressé le public car jusqu’à présent l’URSS n’avait jamais rien produit de pareil. Cet ensemble routier a également fait la couverture du magazine Za Roulem en février 1991 !
Malheureusement l’URSS a disparu un peu plus tard. Cet évènement a durement touché l’usine et ses projets. Très vite, il est devenu clair que dans la nouvelle réalité le pick-up AZLK-2335 n’avait tout simplement pas de place. Cependant l’usine a été en mesure d’en fabriquer environ 500 exemplaires.
La production en petite série s’est prolongée jusqu’en 1996. Ensuite, quand la direction de l’usine a changé, la production du pick-up a totalement cessé si ce n’est quelques exemplaires fabriqués pour les besoins de l’usine. Pendant quelques années on a eu l’espoir de revoir ce modèle sur une chaîne de montage, la rumeur disant que le pick-up AZLK-2235 pourrait être mis en production à Omsk ou à Saratov. Mais le miracle n’a pas eu lieu. En 2001, l’usine a été mise en faillite et toute la documentation technique a été rapidement « perdue »...
Comme beaucoup de modèle Moskvitch, l’AZLK-2335 est donc entrée dans l’histoire sans avoir été en mesure de révéler tout son potentiel.
Lu sur : http://svpressa.ru/auto/article/168982/
Adaptation VG