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On a coutume de dire que toutes les voitures soviétiques étaient des copies des « réalisations avancées de l’industrie automobile mondiale », même déjà âgées de 5 à 10 ans. C’est en partie vrai mais quand on y regarde de plus près... la vérité est tout autre. Voici 4 exemples :
1) AMO F-15 : ce petit camion est officiellement la première voiture de l’URSS. Il a été montré pour la première fois au public lors du défilé organisé en novembre 1924 pour fêter la Révolution Russe. Son origine remonte au Fiat 15 Ter italien modèle 1913. Les détracteurs diront qu’il aura donc fallu attendre 11 ans pour le copier mais à l’époque le « retard technique » était une notion plus que relative puisque jusqu’aux années 40, l’industrie automobile mondiale était constamment à la recherche des solutions techniques les plus optimales. Le Fiat 15 Ter de 1913 était très moderne et même au début des années 30 il n’avait rien perdu de sa pertinence technique.
« L’Italien » avait été choisi avant la Révolution alors même que la construction de l’usine AMO (qui deviendra plus tard ZiL) n’était encore qu’un projet. L’histoire ne dit pas si la copie soviétique était une copie « officielle » ou « sous licence ». D’ailleurs, cela n’était pas vraiment une copie puisque de nombreuses modifications avaient été apportées par les ingénieurs soviétiques, en faisant presque un tout nouveau camion. Et il n’y a pas que les différences extérieures qui permettent de s’en rendre compte. Par exemple, l’augmentation de la garde au sol permise par la réduction du diamètre du volant moteur avait entraîné un grand nombre de modifications à la fois dans le moteur mais aussi tout autour.
2) GAZ-M1 : on sait que l’Usine Automobile de Gorki (GAZ) est née de la coopération entre l’URSS et la Ford Motor Company. Les premiers modèles de GAZ (la voiture particulière GAZ-A et le camion de 1,5 tonne GAZ-AA) étaient plus ou moins des copies des Ford correspondantes. Mais la GAZ-M1, sortie ensuite, n’était plus une copie. Certes, la Ford B 40A Fordor Sedan lui avait servi de modèle mais les modifications apportées étaient encore plus nombreuses que dans le cas de l’AMO F-15.
Tout d’abord, la suspension était entièrement nouvelle. Sur le prototype, les suspension avant et arrière étaient à ressorts à lames transversaux, une solution traditionnelle sur les Ford d’alors. Mais cela ne pouvait pas convenir pour les conditions d’exploitation beaucoup plus sévères de l’URSS. Les ressorts sont donc devenus longitudinaux et le nombre de lames a été multiplié par deux. En conséquence, le châssis et la direction ont été complètement redessinés et les archaïques amortisseurs à friction ont été remplacés par des amortisseurs hydrauliques à levier plus modernes.
Sur la Ford, le moteur était vissé directement sur le châssis ce qui augmentait les vibrations et le bruit. Cela détériorait le confort et l’arbre de transmission transférait au châssis et à la carrosserie tous les chocs et les bosses. Les ingénieurs soviétiques ont également tout repensé et modifié. Extérieurement, la « Emka » changeait également. Les ailes avant avaient été redessinées avec une forme plus attrayante et elles protégeaient mieux le châssis et la carrosserie des projections et de la saleté.
Le nombre de modifications était en fait si élevé que la GAZ-M1 peut, à juste titre, être considérée comme un modèle original même si elle a été conçue en gardant un œil sur son prototype. Mais elle le dépassait à presque tous les égards. Presque car sur un ou deux points elle était encore loin de la Ford : la méticulosité dans l’élaboration des pièces de l’habitacle et ce « sentiment général de qualité » si cher à l’Ouest. Avec la GAZ, c’était plus brut. Mais en réalité, la « Emka » était plus solide, plus confortable, plus simple et plus facile à entretenir.
Cette approche du « copier en améliorant » est devenue pour les décennies suivant, le principal (mais pas encore dominant) trait de l’industrie automobile soviétique.
3) « Jigouli » : avec l’apparition de l’usine de Togliatti, l’histoire de GAZ s’est pratiquement répétée. Mais ce sont cette fois des considérations politiques qui ont mené à la collaboration avec la Fiat italienne.
Le prototype des Jigouli est la voiture détentrice du titre de « Voiture de l’Année 1967 », la Fiat 124. Laissons de côté la controverse sur le choix curieux à l’époque d’avoir choisi une voiture à propulsion arrière alors que l’industrie automobile mondiale se tournait activement vers la traction avant... A l’époque, produire en masse des joints homocinétiques de haute technologie, indispensables pour une traction avant, était encore impossible donc le choix fut vite fait !
Quand on regarde les changements apportés dans la VAZ-2101 comparé à la Fiat 124, on peut sans mal affirmer que la copie dépasse le maître. Il n’y a qu’un seul point où la Fiat est meilleure : les freins arrière de la Jigouli sont désormais à tambours car plus simple et offrant une meilleure longévité que des disques. Le moteur a été profondément modernisé avec un vrai arbre à came en tête. Le nombre total de modifications et innovations dépasse les 800 !
La coopération avec les ingénieurs soviétiques a même eu un impact positif sur les futurs modèles Fiat qui se sont inspirés de certaines modifications apportées dans la VAZ-2101.
4) Moskvitch 2141 : l’histoire de cette voiture est loin d’avoir été simple. En principe, dès le milieu des années 70, l’usine moscovite de AZLK était moralement et technologiquement prête à introduire, après la Moskvitch 412, un nouveau modèle. Mais quand il a vu le prototype Moskvitch C-3 développé entièrement chez AZLK, le Ministre de l’Industrie Automobile d’alors, Victor Poliakov, a laché : « Personne ne construit des voitures comme ça ». Et c’était loin d’être un compliment ! De plus, ce nouveau modèle était une propulsion, un type de transmission qui était déjà jugé comme « indécent » et « archaïque » dans cette catégorie.
AZLK a dû mettre un terme à tous ses développements en cours en promettant de lancer un nouveau projet. Mais il était impossible de repartir de zéro et pour ne pas heurter la susceptibilité de ses propres ingénieurs et stylistes, AZLK a trouvé un compromis en choisissant comme modèle la « Voiture de l’Année 1976 », la Simca 1308 franco-américaine, qui extérieurement rappelait le prototype Moskvitch C-3.
Si rien n’était structurellement modifié par rapport à la Simca, les panneaux extérieurs de carrosserie étaient complètement redessinés. Le changement le plus important étant le compartiment moteur absolument nouveau pour recevoir un moteur longitudinal (alors que dans la Simca il était implanté transversalement). Plus tard, AZLK reçut les équipements pour lancer la production d’une toute nouvelle famille de moteurs mais la perestroïka mettra un terme à l’aventure...
Il existe un soupçon que les Russes, seraient ethniquement et psychologiquement incapables de produire en masse des produits complexes et de haute technologie. Lancer le premier satellite, envoyer Gagarine dans l’espace sont des choses faciles. Mais fabriquer des millions de voitures ou de smartphones, extérieurement et intérieurement identiques et parfaitement fiables, voilà quelque chose qui semble bien ennuyeux pour eux...
Lu sur : http://svpressa.ru/auto/article/109254/
Adaptation VG