Durant de nombreuses années, la demande sur les voitures des constructeurs russes a diminué inexorablement à cause de leur retard technologique et leur mauvaise qualité comparé aux voitures étrangères. Mais la crise que connait actuellement le pays fait que les Russes se tournent de nouveau vers les Lada et les UAZ. Za Roulem a essayé d’en comprendre les raisons.
Depuis le boom des voitures étrangères au début des années 2000, les voitures domestiques perdaient régulièrement des parts de marché pour ne plus en représenter que 20%. Pourtant, la faiblesse actuelle du rouble a rendu les produits de l’industrie automobile du pays plus populaires, surtout depuis que de nouveaux modèles sont arrivés sur le marché. Résultat, les constructeurs nationaux ont pour la première fois depuis de nombreuses années commencer à regagner des positions face aux marques étrangères. Ainsi, sur les quatre premiers mois de 2016, la part cumulée d’AvtoVAZ, de GAZ et de UAZ a augmenté de 3,5% pour s’établir à 24,9% (selon les données de l’AEB). Et cette part augmente tous les mois puisqu'en avril, la production de l’industrie automobile russe représentait 27,8% des ventes totales.
Le directeur du développement de la société Rolf, Vladimir Mirochnikov, attribue le succès des marques nationales à l’amélioration de la qualité de leurs produits et le développement d’un solide réseau de concessionnaires. « Quand des concessionnaires forts reçoivent un produit compétitif, le résultat ne se fait pas attendre » indique-t-il. De plus, les constructeurs russes sont moins dépendants des composants étrangers et par conséquent moins sensibles aux variations des taux de change. Grâce à cela, les producteurs russes n’ont pas eu besoin d’augmenter autant les prix que leurs concurrents étrangers, même ceux dont l’assemblage est localisé en Russie. Les marques russes sont aussi devenues les principales bénéficiaires des programmes gouvernementaux : primes à la casse et prêts à taux préférentiels ont eu un impact positif sur les volumes de leurs ventes.
« Les constructeurs automobiles russes ont un avantage décisif – leur prix bas. Par exemple, la Lada Granta ou le UAZ Patriot sont environ 25 à 30% moins cher que leurs concurrentes étrangères. Le prix bas des voitures russes est grande partie due à leur relative simplicité technique. C’est ce qui accroît leur attractivité car elles sont faciles à entretenir et les pièces de rechange ne sont pas chères. C’est d’autant plus vrai dans les régions où le nombre de concessionnaires est moins élevé » commente Dmitri Loukachov, un analyste de IFC Markets.
Les ventes d’AvtoVAZ, qui avaient chuté l’an dernier en dépit des aides de l’Etat, ont connu en avril le premier mois de croissance depuis un an et demi. Les Russes ont acheté 24,6 mille Lada, soit 7,8% de plus qu’un an plus tôt. En conséquence, la part de marché d’AvtoVAZ s’est établie à 20,3%, soit 3,1% de plus que l’année dernière.
La percée d’avril a été rendue possible grâce à des prix compétitifs associés aux programmes de soutien du gouvernement ainsi que par la demande accrue pour les nouveaux modèles de Lada, estime le responsable de la stratégie et du marketing produit de Terra Avto, Artur Iavniï. « Nous nous attendons à ce que la dynamique des ventes de la marque Lada se poursuive avec la montée en cadence de la production des nouvelles Vesta et XRAY. Le bestseller Lada Granta maintient également ses positions. La poursuite de la croissance dépendra bien sûr du maintien du programme de prime à la casse et du soutien du trade-in et de Lada Finance » indique-t-il.
Les statistiques montrent que le principal moteur de la croissance des ventes d’AvtoVAZ sont les Lada Vesta et XRAY. Comparé à mars, les ventes de ces modèles ont augmenté respectivement de 5% et 44%. Et comme la production de ces deux modèles n’a pas encore atteint sa capacité maximale, les délais d’attente s’allongent. Chez AvtoVAZ on explique la pénurie par un contrôle qualité rigoureux de chaque voiture produite. Depuis début mai, l’usine a commencé à augmenter la production de la Vesta et de la XRAY ce qui devrait permettre de satisfaire les commandes passés par les concessionnaires. Par exemple dans le réseau de Terra Avto, le délai moyen d’attente pour une Lada Vesta ou d’une Lada XRAY est d’un mois.
« Aujourd’hui, la demande pour les nouvelles Vesta et XRAY dépasse l’offre en raison du faible volume de production et de l’augmentation du nombre de concessionnaires en Russie. Il faut rappeler que les nouveaux modèles étaient d’abord disponibles dans nombre limité de distributeur, principalement situés dans les grandes villes » explique Artur Iavniï
Mikhaïl Tchapliguine, le directeur général de Auto-Dealer-SPb estime qu'après avoir résolu le problème de pénurie qui peut exister avec la Vesta et la XRAY, AvtoVAZ disposera toujours d’un petit potentiel de croissance dans la mesure où les nouveaux modèles représentent un volume important de ventes. « D’ici la fin de l’année on devrait être capable de vendre 50 mille Vesta et 20 mille XRAY. Pour l’instant nous sommes en ligne avec cette prévision » confirme l’expert.
Par ailleurs, les Lada Vesta et XRAY - modèles les plus modernes mais aussi les plus coûteux d’AvtoVAZ – étaient à l’origine destinées à prendre des parts de marchés dans les mégalopoles, là où les Lada ne se vendaient plus depuis longtemps. A en juger par les premiers résultats de ventes, ces nouveautés sont vraiment capables de supplanter les voitures étrangères dans le cœur des citadins.
A Moscou et à Saint-Pétersbourg, en mars et en avril, la Lada Vesta a représenté plus de 20% des ventes totales de la marque, selon Artur Iavniï. Selon lui, c’est non seulement du à la forte demande, mais aussi par le fait qu’il n’était pas possible d’acheter cette voiture dans certaines autres régions. Les Lada Vesta et XRAY ont depuis fait leur apparition en province où elles suscitent beaucoup d’intérêt et les délais d’attente sont déjà élevés.
En avril, d’après les chiffres transmis par Auto-Dealer-SPb, les Lada Vesta et XRAY ont représenté 40% de toutes les ventes de de la marque à Saint-Pétersbourg. Avec ces deux modèles, AvtoVAZ affiche une croissance de 18% sur les 4 premiers mois de 2016 et Lada est la deuxième marque la plus vendue dans la ville. Mikhaïl Tchapliguine estime que ces deux modèles ont été conçus pour les citadins et que leur avantage concurrentiel par rapport aux voitures étrangères est leur prix. « A Saint-Pétersbourg, c’est en particulier Kia qui souffre. Il n’est pas exclu qu’une partie des acheteurs potentiels de son bestseller, la Rio, ait choisi d’acheter la Lada Vesta » indique-t-il.
Pour la première fois dans l’histoire du marché automobile russe le modèle le plus vendu pourrait être une voiture étrangère. Entre janvier et avril, la première place du podium est occupée par la Hyundai Solaris devant la Lada Granta (29,6 mille exemplaires vendus contre 28,8). Mais au premier trimestre cet écart était beaucoup plus grand et la low-cost de Lada est redevenue en avril la voiture la plus vendue de Russie ce qui lui a permis de réduire l’écart. Selon les experts, dans un avenir proche, la Lada Granta devrait retrouver la palme car l’arrêt de la production de la Solaris hatchback devrait avoir une incidence sur les ventes globales de ce modèle.
« La Granta devrait probablement rester numéro un car les ventes du modèle coréen vont baisser au début du second semestre, les acheteurs attendant le futur modèle. Ce report d’achat ne sera compensé seulement qu’après la commercialisation de la nouvelle Solaris (fin 2016 ou début 2017) » indique Mikhaïl Tchapliguine.
D’ailleurs l’an prochain, la nouvelle Hyundai Solaris devrait se battre pour le titre de voiture la plus vendue de Russie non pas contre la Granta mais contre la Lada Vesta qui sera également disponible en version Cross. Mais selon Dmitri Loukachov, la Vesta beaucoup plus chère ne devrait surpasser la Granta que si la crise économique cesse en Russie et que les salaires augmentent.
« La Vesta ne peut pas encore rivaliser avec la Granta car elle s’adresse à un public différent. La première s’adresse à l’acheteur des grandes mégalopoles, prêt à renoncer une Kia Rio, une Volkswagen Polo ou une Hyundai Solaris, et la seconde est destinée aux habitants des petites villes où le pouvoir d’achat est plus faible que dans les grandes villes. Les seconds sont objectivement plus nombreux que les premiers » explique Mikhaïl Tchapliguine.
Contrairement à AvtoVAZ dont les ventes baissaient jusqu’à récemment, la production de l’Usine Automobile d’Oulianovsk a ces dernières années bénéficié d’une demande stable. Au cours des quatre premiers mois de 2016, les ventes de UAZ ont augmenté de 18% (soit 13,5 mille exemplaires). Selon Ekaterina Kalinska, responsable des relations publiques de UAZ, la croissance des ventes a été permise par la reprise de la production du UAZ Hunter et le renouvellement des modèles utilitaires classiques. En outre, depuis le début de l’année, le constructeur a entamé une promotion active du modèle UAZ Cargo et ses ventes ont plus que doublé sur les quatre premiers mois. Les programmes gouvernementaux soutiennent également les ventes de UAZ. Par exemple près de 70% des exemplaires vendus l'ont été avec la prime de mise à la casse. Une contribution importante à la croissance des ventes de UAZ est également à mettre au crédit de l’expansion du réseau de concessionnaires tirée par des groupes comme Rolf et Major Group. Vladimir Mirochnikov rappelle que Rolf a obtenu la franchise UAZ à la fin de l’année dernière et ces ventes augmentent tous les mois.
Le moteur de UAZ reste le Patriot dont les ventes ont augmenté de 20% au premier quadrimestre (6,200 exemplaires). Cette forte demande devrait se poursuivre avec le lancement prévu d'un nouveau modèle à l’automne. Selon Vladimir Mirochnikov, un prix abordable permet au UAZ Patriot d’occuper une niche de marché dans lequel il ne rencontre pratiquement aucune concurrence. De plus, cette voiture est très populaire auprès des entreprises.
Pendant ce temps, GAZ renforce son leadership dans le segment des véhicules utilitaires légers. Durant les quatre premiers mois de 2016, 14,6 mille GAZelle et Sobol ont été commercialisées, soit 10% de plus que l’an passé sur la même période. Ainsi la part de GAZ sur le segment des utilitaires légers a dépassé les 50%, une première depuis plusieurs années.
Group GAZ prévoit de maintenir ses positions avec le lancement de son nouveau fourgon GAZelle Next qui offre un volume utile de 13,5 m3 et dont les premières ventes ont été effectuées en décembre dernier chez sept concessionnaires et qui depuis avril est disponible dans toute la Russie. Le service de presse de GAZ indique que les premières ventes montrent la grande popularité de ce modèle auprès des consommateurs. Cette nouveauté devrait permettre d’augmenter de manière significative la part de marché de la marque dans le segment des véhicules utilitaires à carrosserie entièrement métallique. En juin devrait apparaître une version à empattement moyen et au troisième trimestre on devrait commercialiser des véhicules spéciaux (frigorifiques, magasins mobiles, etc...). Les ventes du minibus GAZelle Next de 19 places devraient continuer à croître à mesure de l’augmentation des capacités de production. En outre, une nouvelle version avec un moteur essence Evotech 2,7 pouvant être converti au GPL, devrait booster les ventes. Plus économique que le diesel ce modèle devrait rapidement gagner en popularité, remarque-t-on chez GAZ.
La société reste toutefois prudente sur ses perspectives pour 2016 et prévoit de maintenirs ses volumes au même niveau que ceux de l’an dernier. « Le volume de ventes de 2016 devrait principalement dépendre de la situation du transport qui, à son tour, dépend de la situation économique générale du pays » indique le service de presse de Group GAZ.
Dans son ensemble, l’augmentation des parts de marché des constructeurs russes pourrait bien continuer car la demande s’oriente sur les voitures les moins chères. Mais avec le retour à la solvabilité des acheteurs et l'accès au crédit, les marques étrangères pourraient reprendre du poil de la bête, avec une stabilisation de leur positions voire même une amélioration.
« L’augmentation de la part de marché des voitures russes est principalement due à l’apparition de nouveaux modèles. Les consommateurs n’ont pas encore eu le temps de les évaluer correctement. Les voitures étrangères pourraient très rapidement restaurer leurs positions voire même les augmenter » résume Dmitri Loukachov.
Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/901075-lada-snova-v-mode-kak-krizis/
Adaptation VG