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Quand nous étions jeunes : ZAZ-966V.

Comme beaucoup de conducteurs en URSS, ma première voiture était une Zaporojets. Et bien-sûr, sans être bien original, j’ai rapidement essayé de la remplacer par quelque chose de plus digne. Je ne sais pas ce que cette voiture est devenue, mais j’ai pu, des années plus tard, en réessayer une !

Il y a plus à voir en elle que la voiture avec un moteur à refroidissement par air : la Zaporojets est le signe de la grande confiance que le Parti et le gouvernement ont accordé à leur peuple. Oui, rappelez-vous comment c’était en URSS. Tout type de liberté était considéré comme indésirable et même dangereux. Et, curieusement, la voiture offrait au citoyen soviétique une des libertés fondamentales : la liberté de mouvement. C'est-à-dire, le pouvoir de s’affranchir des transports en commun, de ses collègues de travail, de ses amis, et en fin des compte des autres, au moins le temps d'un trajet !

Les chères Volga et les Moskvitch, produites à peu d’exemplaires à la fin des années 50, n’étaient accessibles qu’à l’élite et ne constituaient pas une menace de conscience sociale. La Zaporojets, accessible, aurait pu donner cette euphorie de liberté inutile dans les catégories les plus basses de la population. Nous étions au début des années 60 et le Parti et le gouvernement ont pourtant décidé de les « Laisser s’occuper avec quelque chose » et à offert au peuple une voiture de petite cylindrée abordable, la ZAZ-965, appelée communément « Gorbaty ».

La deuxième génération de Zaporojets étaient plus spacieuse : l’habitacle de la ZAZ-966 (1967-1971) était même comparable aux Moskvitch de l’époque et aux VAZ de première génération. Extérieurement elle était dans le coup. On peut même dire qu’elle était vraiment à la mode.

Cette carrosserie divisée en deux par une puissante baguette chromée faisant le tour de la voiture et se prolongeant comme des sourcils au-dessus des phares avait été vue pour la première fois sur la Chevrolet Corvair de 1960, un an seulement avant les premières maquettes de ZAZ-966. Ce n’est qu’après que sont apparues les NSU Prinz IV de 1961 et l’Hillman Imp de 1963 dessinées dans le même esprit. Ces voitures étaient tellement identiques qu’on aurait dit des copies à différentes échelles. En plus, elles étaient toutes des propulsions avec un moteur en porte à faux arrière et à refroidissement par air.

Par rapport à la ZAZ-965, la nouvelle ZAZ-966 était plus grande et avait un moteur plus conséquent. Il s’agissait toujours d’un quatre cylindres en V mais de 1,200 cm3 et 40 ch. Malheureusement, l’Usine de moteurs de Melitopol a qui ont avait été commandé ce nouveau bloc, avait des problèmes avec ses fournisseurs et jusqu’en 1971 il a fallu produire un modèle transitoire équipé d’un moteur modifié de « Gorbaty » de 900 cm3 et 30 ch.

Lorsque j’étais étudiant, j’ai eu la même. Elle était de 1968. Celle de cet article date de 1969 et il est pour moi vraiment très intéressant de pouvoir reconduire la voiture de ma jeunesse, moi qui a testé depuis pour mon travail plusieurs dizaines de voitures de différentes marques !

Il s’agit d’une voiture extrêmement basse. Aujourd’hui, dans le segment B, on n’accepterait plus de fabriquer des voitures dans lesquelles il est aussi difficile de monter. Je me tords, me contorsionne et finis par atterrir sur ce siège qui craque doucement. A l’intérieur, on n’est pas trop serré. La main droite dispose encore de suffisamment d’espace avant de toucher la poignée de porte. De la main gauche je jauge la dureté du frein à main. Mes pieds ne touchent même pas les pédales qui semblent être situées excessivement loin. Je tire le siège vers l’avant (une manipulation qui n’est pas des plus pratiques) en me souviens qu’en effet il y avait beaucoup de place pour les jambes dans cette voiture.

J’ai vraiment l’impression d’être assis dans une voiture de sport. Très bas. Malgré ma taille moyenne, je dois lever la tête au-dessus du volant pour apercevoir le bout du capot. D’ailleurs ce n’est pas le capot moteur mais le coffre ! Il y a un autre compartiment à bagage, à l’intérieur derrière la banquette arrière, bien pratique pour les choses qui pourraient être nécessaires pendant le voyage. A l’époque avec ma jeune femme, nous avions l’habitude d’y ranger nos vestes pliées pour les récupérer plus tard, par exemple lors d’un arrêt à une station-service, et ne pas avoir à sortir dans le froid avec des vêtements légers.

Car oui, il faisait chaud et même très chaud dans cette voiture ! La Zaporojets avait un chauffage inhabituel, autonome et fonctionnant à l’essence. Il nécessitait une certaine dextérité pour le mettre en route et un entretien annuel, mais par n’importe quelle température extérieure, il pouvait réchauffer l’habitacle à un point tel que je me souviens encore de l’odeur des semelles de mes chaussures en train de fondre ! L’autre caractéristique extraordinaire de ce chauffage est qu’il pouvait fonctionner indépendamment du moteur et c’est pour cela que l’hiver mes amis aimaient qu’on parte à la pêche à bord de la Zaporojets. Il suffisait de sortir une partie des sièges pour transformer la petite berline en agréable salon chauffé pour prendre un bon repas, et vous imaginez quoi d'autre, au bord du lac...

Pourtant, la plupart des gens n’aimait pas ce « poêle ». Pour la majorité des conducteurs c’était une source de problèmes. Il n’est donc pas étonnant que le manuel d’utilisation de la ZAZ-966/966V consacrait 20 pages à ce « système de chauffage » !

Je me souviens aussi que j’aimais la banquette arrière de ma Zaporojets. Les flancs rembourrés en vinyle et les vitres plates en faisait un confortable canapé avec en plus un compartiment à bagages derrière le dossier. Lorsque notre bébé est né, nous n’avions pas peur de le laisser là, même sans surveillance. Il ne pouvait pas s’échapper, il n’y avait pas de portières.

La conduite de cette ZAZ est très spécifique. Je ne dirais pas que c’est une mauvaise voiture mais elle est vraiment unique. D’ailleurs, certains traits de son caractère sont renforcés dans cette version 966V moins puissante. Par exemple, premièrement, le moteur 900cm3 n’est audible qu’à basse vitesse. Plus on augmente le rythme et moins on l’entend. Habituellement c’est plutôt l’inverse ! Deuxièmement, les accélérations ne sont décentes que jusqu’à 60 km/h. Ensuite, c’est le néant... Je me souviens que très souvent la chasse aux 100 km/h est restée infructueuse !

Troisièmement, les pédales offrent des sensations très intéressantes. L’accélérateur ne semble pas être relié au moteur. Il est situé tellement loin de celui-ci ! Au début de cet essai, des années plus tard, je n’avais pas l'impression de conduire une voiture mais de jouer à un jeu vidéo, tellement il semble déconnecté de la réalité. Les autres pédales aussi sont difficiles. L’embrayage dispose d’un câble très long, très peu tendu et monté sur ressort. Le manipuler a vraiment une saveur spéciale. La pédale de frein n’est pas suspendue mais collée à la verticale depuis le plancher. C'est vraiment insolite et au début le moindre ralentissement prend des tournures inquiétantes.

20 ans plus tard, la pédale d’accélérateur fut pour moi une véritable source d’excitation tant son fonctionnement est inhabituel. Vous connaissez l’expression « enfoncer l’accélérateur » ? C’est littéralement ce qu’il faut faire à bord d’une Zaporojets. La pédale des gaz est longue et pratiquement parallèle au plancher avec un axe situé très en avant. Il faut appuyer à son extrémité et l’enfoncer le plus possible. Je reprends donc mes vieilles habitudes : je mets les gaz et la voiture, dans un bruit de ventilateur, prend rapidement de la vitesse. Je dois rapidement sauter sur les freins. Les parties roulantes me ramènent vite à la réalité : la direction est légère et peu directe (ce qui est typique d’une voiture soviétique des années 60) et la suspension est élastique à l’avant, faisant pomper la voiture dans les virages, et souple à l’arrière avec des bras obliques et de longs ressorts. Souvent, les ZAZ un peu âgées avaient d'ailleurs un arrière plus haut que l’avant.

Ces Zaporojets, peu importe le modèle d’ailleurs, n’avaient toutefois pas de chance avec leur moteur. Malgré une conception intéressante, le quatre cylindres en V refroidi par air avait une qualité incertaine. Son principal problème était la surchauffe. Il fallait lever le pied pour le maintenir à une température acceptable. Et il ne fallait pas chercher bien loin pour lui trouver d’autres défauts : panne d’allumage, carburateur, admission d’air ou radiateur d’huile encrassés. La moindre défaillance pouvait être fatale au moteur.

Au siècle dernier, du haut de mes vingt ans, j’ai fini par me fatiguer des problèmes récurrents de la Zaporojets avec laquelle on conduisait comme Dieu le veut, c'est-à-dire en fonction des surchauffes, entre nuages de fumée et arrêts pour faire refroidir le moteur. Pourtant elle roulait bien et en trois ans elle ne m’a jamais lâchée sur la route. Justement peut-être parce que Dieu savait comment ces Zaporojets étaient fabriquées ?

Lu sur : http://www.kolesa.ru/test-drive/kogda-my-byli-molodymi-testdrajv-zaz966v-2016-02-27
Adaptation VG

Tag(s) : #ZAZ, #966, #Rencontre