Le mois de novembre a toujours a été un bon mois pour l’usine FSO de Varsovie. C’est en effet à l’automne que la première Polski-Fiat 125p a été produite sous licence et 16 ans auparavant, c'est le 16 novembre 1951 qu’avait débuté l’histoire de la Fabryka Samochodow Osobowych avec la fabrication dans la Pologne de l’après-guerre de la première voiture particulière après seulement deux ans de préparation : la Warszawa M-20. Il s’agit d’une voiture unique dans l’histoire de l’industrie automobile polonaise. Peu économe en carburant, techniquement dépassée, sa fabrication nécessitait beaucoup de main-d’œuvre mais avait permis de faire tourner l’usine de Zeran.
Pourtant, en juillet 1948 des pourparlers s’étaient achevés avec les Italiens avec lesquels les Polonais avaient déjà faits des affaires avant la guerre. Dans l'usine de Varsovie on prévoyait de produire sous licence la Fiat 1100 (également sous le nom de 508C). On avait même commencé la construction de bâtiments neufs à Zeran, sur la rive droite de la Vistule. Malheureusement les arrangements existants et les contrats signés avec Fiat ont rapidement été remis en cause par Staline qui n’avait guère apprécié que les Polonais fasse affaire avec un Etat dans la sphère d’influence des Etats-Unis. C’est alors que fut faite une proposition que l’on ne pouvait pas rejeter : offrir à la Pologne une licence gratuite et toute la documentation technique nécessaire à la production en série de la GAZ Pobieda.
La propagande officielle avait toutefois passé sous silence le fait que les Russes ont demandé aux Polonais de payer très cher l’outillage pour la fabrication de cette voiture ! Il faut aussi noter que la Warszawa M-20 était aussi un élément de la doctrine militaire du Bloc de l’Est qui était en train d’émerger : produire des voitures identiques dans différents pays afin de résoudre le problème de la continuité de l’approvisionnement de pièces détachées en cas de guerre.
Les premières voitures qui sont sorties de l’usine avaient été assemblées plus tôt en Union Soviétique. A Varsovie on apposait sur ces voitures le sigle FSO. Jusqu’à la fin de l’année 1951, l’atelier n°1 n’en a assemblé que 75 exemplaires. La production dans le vrai sens du terme avec des pièces de carrosserie réalisées sur place n’a commencé qu’en 1954 (à l’automne 1953, le premier moteur polonais avait été également fabriqué avec des pièces polonaises). Dès le début, les ingénieurs polonais avaient dû faire preuve d’une grande habileté diplomatique pour apporter des modifications à la voiture et à sa manière de la produire sans offenser les camarades soviétiques.
A l’époque dire seulement que cette voiture, qui était un cadeau du peuple soviétique à la nation polonaise, avait des défauts de conception ou qu’une de ses pièces aurait pu être plus simple et moins coûteuse, valait au mieux de nombreuses années de prison ! Ce n’est donc pas sans raison que le premier essai, pas très flatteur, de Warszawa n’a été publié qu’en 1957 après la définition de la soi-disant période d’erreurs et de distorsions (lire ici la déstalinisation).
Toutes les modifications apportées à la voiture devaient permettre de l’adopter aux conditions polonaises. Et certaines d’entre elles se justifiaient. A partir du moment où les pièces de carrosseries ont commencé à être embouties chez FSO, on a réussi à réduire le poids de la voiture de 114 kg ce qui a eu un impact très positif sur les performances de la voiture compte tenu de la puissance de son moteur.
La Warszawa M-20 est une voiture d’avant-guerre dans le plein sens du mot. Il n’est pas seulement en terme de qualités de sa tenue de route (ou plutôt l’absence de celles-ci) ou de ses performances mais aussi en terme d’entretien. Il s’agissait d’une voiture qui dans des conditions d’utilisation normale et quotidienne (cohérente avec les hypothèses et les recommandations du fabricant) exigeait à son conducteur de sacrifier quelques heures par jour et d'avoir de belles compétences techniques.
L’usine recommandait une vidange tous les 3,000 km avec le remplacement du filtre à huile. De plus, à la même fréquence il fallait prévoir de lubrifier les roulements de l’alternateur et de la pompe à eau, des joints de l’arbre de transmission et de nombreux autres endroits « moins sensibles » comme les rotules de barres de direction et les biellettes. Il y avait en tout près de 30 points de graissage. De plus, il fallait contrôler l’écartement des mâchoires de tambours de freins (plus facile à faire sur un pont ou dans une fosse). Tous les 6,000 km , il fallait prévoir un nettoyage des bougies d’allumage qu'il était recommandé de remplacer tous les 12,000 km. A ce même kilométrage il fallait changer l’huile du pont arrière et prévoir un réglage des soupapes.
Le manuel d’entretien original de la Warszawa contenait également une liste de mesures qui devaient être prise avant chaque démarrage de la voiture (vérifier les pneus, nettoyer les vitres, etc...). Aujourd’hui ces conseils peuvent prêter à sourire mais il ne faut pas oublier que dans les années 50 le Polonais moyen n’avait pas accès à des huiles et des graisses de grande qualité et ne savait pas à quoi pouvait ressembler une station-service. Si vous prenez tout cela en compte, vous comprendrez que ces mesures permettaient tout simplement à la Warszawa de rouler dans la poussière de l’après-guerre.
Le moteur à arbre à came latéral pouvait accepter des carburants de mauvaise qualité (indice d’octane minimum 75). Si le conducteur de la Warszawa M-20 avait quelques compétences techniques ou savait utiliser et entretenir sa voiture comme il faut, il pouvait compter sur un fonctionnement fiable. Le gros moteur, peu puissant (50 ch) et à au faible taux de compression ne brillait pas par sa frugalité (selon le manuel d’utilisation il consommait en moyenne 13-14 litres), mais il était capable de parcourir jusqu’à 600 mille kilomètres (l’une des premières voitures ayant appartenu au maréchal Rokossowski aurait parcouru plus de 1,6 million de km). Mais si on n'en prenait pas soin, le moteur tenait moins longtemps, mais les réparations n’étaient pas trop compliquées. Elles ne le sont d’ailleurs pas plus aujourd’hui.
Le fait que la Warszawa M-20 était déjà obsolète au moment de son entrée en production est indiscutable. Mais après la remise en cause de la licence italienne, les Polonais n’avaient pas d’autre choix que d’accepter une proposition soviétique, sous quelque forme que ce soit. C’était sa seule chance de commencer la production de voitures particulières. Le plus grand défaut de la Warszawa - le grand nombre d’opérations manuelles dans sa production - était malgré tout l’un de ses plus grands avantages. L’industrie polonaise n’était alors pas capable de produire un véhicule technologiquement plus avancé. Et même si par miracle elle avait été en mesure de faire un saut technologique et de produire une voiture plus compliquée, elle aurait été impossible à exploiter car elle aurait nécessité des lubrifiants et carburants de meilleure qualité et le pays ravagé par la guerre n’aurait tout simplement pas eu le personnel qualifié pour la réparer et l’entretenir.
En 1967, le lancement de la production de la Polski-Fiat 125p (un hybride entre la Fiat 125 moderne et son prédécesseur, le modèle 1300/1500) a suscité un débat similaire. Bien sûr la Pologne était alors déjà à un autre niveau mais son industrie mécanique était loin de pouvoir rivaliser avec l’Occident. Aussi bien la Warszawa M-20 en 1951 que la PF 125p 16 ans plus tard étaient le mieux de ce que pouvait se permettre le pays à ce moment-là.
Dans les années 90, la Warszawa M-20 est sans doute l’une des premières voitures avec laquelle les Polonais se sont éveillés à l’automobile de collection. Aujourd’hui, après un essor un peu artificiel, les prix des voitures de ce type restent élevés. La conduite d’une Warszawa, hier comme aujourd’hui, exige de son conducteur de belles connaissances en mécanique. Bien sûr, la qualité des pièces et lubrifiants font qu’il y a moins de problèmes qu’autrefois, mais la voiture nécessite toujours une surveillance et des soins constants. Le réglage des freins ou les 30 points de graissage prennent du temps et du cœur.
Dans les années 90 alors qu’on pensait les stocks de pièces déjà bien taris, on découvrait de temps en temps dans des dépôts de l’armée ou dans de vieux entrepôts de véritables raretés. Aujourd’hui, il y a beaucoup de spécialistes en pièces de Warszawa et les prix atteignent les mêmes niveaux que ceux des pièces de voitures européennes de la même période. Malheureusement la qualité ne suit pas toujours et certains pièces de tôlerie vendues sur le marché de la pièce de rechange sont des pièces qui n’ont pas pu être montées pour des raisons diverses quand la voiture était encore fabriquée ! Dans la pratique cela signifie que lors de la restauration de la carrosserie, les différentes pièces ne vont pas ensemble et nécessitent de longues heures de soudure à l’étain, augmentant ainsi considérablement le coût estimé initialement. En terme de pièces mécaniques, le tableau n’est pas beaucoup meilleur et l’on déchante souvent très vite après avoir trouvé la pièce rare...
De nombreuses Warszawa M-20 - connues également sous le nom de Garbus - ont été restaurées il y a 20 ans et les problèmes commencent à arriver parce que ces restaurations ont été effectuées – pour employer un euphémisme – par des non-professionnels. Il faut faire attention et il est déconseiller d’acheter ces voitures restaurées à la va-vite. Il y a sur le marché également beaucoup de Pobieda qui ont été massivement importées d’Ukraine. Les experts les reconnaissent facilement à leurs tôles nervurées. La restauration professionnelle d’une Garbus peut coûter plus de 100,000 zlotys.
Sans aucun doute, et indépendamment de son état, vous pouvez acheter un modèle de la première année de production (elle a été produite à seulement 75 exemplaires, rappelons-le), pourvu que vous ayez les papiers originaux. Ces voitures (qui ne sont parfois guère qu’un châssis) peuvent valoir dans un piteux état de 20 à 30 mille zlotys ! Voir aussi les pick-ups qui sont également de vraies raretés.
Lu sur : http://klasyki.auto-swiat.pl/fso-warszawa-m-20-garbaty-dar-przyjazni/5y50p
Adaptation VG