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« 0001 » : le cabriolet ZiL-41041 AMG.

Le cabriolet rutilant roulait au pas du défilé avant de freiner doucement peut-être un peu plus que son statut ne lui permet. Tout est de ma faute. J’ai demandé au chauffeur expérimenté qui se tient à son volant de freiner plus fort. Par pure curiosité. Je m’y étais préparé mais je suis presque tombé à la renverse. Debout dans une voiture décapotable il est très difficile de garder son équilibre. Si je ne suis pas tombé c’est seulement grâce à la poignée de maintien qui se trouve au centre de l’habitacle. Comme quoi, tout dépend de la capacité du conducteur à conduire sans à-coups ! Surtout quand le Ministère de la Défense passe ses troupes en revue la main droite vissée à sa casquette et la main gauche élégamment posée sur cette poignée !

Est-il difficile conduire une ZiL de défilé ? C’est à moi d’essayer ! Levier de la boîte automatique en position « Drive », je lève le pied du frein et la ZiL-41041 AMG qui s'ébranle lentement, comme un train. Le moteur est parfaitement adapté pour évoluer lentement le long des murs du Kremlin. Il permet d’accélérer de manière régulière et sans secousses et le passage de la première à la seconde est presque imperceptible. Ce rare cabriolet semble un peu mou. Ce n’est pas étonnant : la pression des pneus et la suspension avant et arrière sont réglés spécialement pour offrir un confort maximal sur les pavés de la Place Rouge, le tout avec un chargement bien spécifique : le conducteur, son passager et un coffre à bagages remplis du matériel assurant le bon fonctionnement de trois microphones sans fil.

Juste avant le virage je ralentis légèrement, je tourne le volant et je ressens un roulis vraiment peu significatif. Si pour moi il est à peine perceptible, le passager debout derrière moi aurait sans doute attrapé la main courante pour ne pas tomber. Mon court essai se termine par une décélération confortable, les informations remontées dans la pédale de frein sont assez élevées et la ZiL s’immobilise en piquant à peine du nez.

Le chauffeur de la ZiL de parade du Ministre de la Défense, immatriculée « 0001 MO 77 », a déjà participé à cinq défilés sur la Place Rouge. Il connait parfaitement cette voiture et les deux autres. Celle portant le numéro « 0002 » est destinée au Commandant de forces terrestres. Elle ne diffère en rien extérieurement de la première mais comme le chemin qu’elle doit suivre sur la Place Rouge n’est pas le même, les réglages sont un peu différents. Son rayon de braquage est plus court et la deuxième vitesse s’enclenche à une vitesse inférieure. La troisième ZiL est la voiture de réserve (durant le défilé elle stationne près de la porte de la Tour du Sauveur) avec des réglages intermédiaires. Il n’a jamais été nécessaire de faire appel à elle : les deux premières voitures sont fiables et ne sont jamais tombées en panne.

Les cabriolets se rendent par leurs propres moyens aux répétitions et aux défilés, La capote et les vitres latérales sont alors relevées pour garder l’intérieur propre. Défiler sur la Place Rouge est une mission particulière. Pas de freinages inutiles sauf aux endroits strictement prévus par le scénario ! Par exemple, le passage par la porte de la Tour du Sauveur et le virage à gauche se font sans ralentir tout en veillant au confort du passager.

La vitesse du défilé avec les troupes militaires est d’environ 17 km/h. Quand les cabriolets du Ministre de la Défense et du Commandant de la parade roulent de concert, il faut garder une distance d’un demi-mètre pour donner l’impression qu’elles se déplacent toujours à la même vitesse. Pourtant parfois elles accélèrent, parfois elles ralentissent, car il faut tenir compte du relief des pavés (qui forment des sortes de vagues). Parfois il est même nécessaire de jouer des deux pédales à la fois : simultanément le frein et l’accélérateur pour éviter que la boîte ne passe de la première à la seconde et vice-versa.

Quand vous verrez à la télévision le défilé du 09 mai soyez attentifs : les phares de ces cabriolets sont éteints et lors des freinages les feux stop ne s’allument pas. Sous l’accoudoir il y a un interrupteur qui permet au conducteur de désactiver toutes les lumières extérieures, les essuie-glaces et la climatisation et ce afin d’éviter toutes interférences dans les microphones.

En fait, ce qui qui est le plus difficile pour le chauffeur n’est pas de conduire en douceur la voiture mais de respecter le timing du défilé à la seconde près. Il ne peut y avoir aucun retard : les avions et les hélicoptères qui participent au défilé ont déjà décollé. Impossible de demander à leurs pilotes de faire des ronds dans le ciel pour compenser un retard. Y’a-t-il d’ailleurs une pendule ? Il y en a bien une au tableau de la Zil mais elle n’a pas de trotteuse. Le conducteur n’a de toute manière pas le temps de la regarder, il est guidé par la musique militaire de la garnison de Moscou. Le chauffeur a donc comme un sixième sens, une sorte de minuterie interne.

Ces voitures, qui sont utilisées seulement quelques jours par an, sont conservées de manière spécifique et suivent un entretien particulier. Toutes les trois sont garées dans un garage climatisé où une certaine température et un certain taux d’humidité sont maintenus. Les batteries sont débranchées pour éviter tout risque d’incendie. Les balais d’essuie-glaces sont démontés pour ralentir leur vieillissement et leur déformation.

Extérieurement ces ZiL sont toujours impeccables. Le contraire eut été étonnant avec des voitures qui roulent si peu. Promenade et freinage en douceur, voilà le rythme de vie auquel elles sont soumises. A tel point qu’il faut nettoyer le moteur des dépôts de carbone ou surcharger les freins, la suspension ou la boîte de vitesse. C'est pourquoi après la répétition générale du défilé militaire, le 7 mai, les voitures partent escortées par la police pour un parcours à rythme plus soutenu sur une autoroutes suburbaines. A leur volant, les chauffeurs réguliers sont accompagnés par un spécialiste du constructeur. Sous leur contrôle elles effectuent un cycle de conduite particulier, y compris un test de freinage et un parcours à la vitesse maximale. Ensuite les cabriolets sont lavés, séchés et on vérifie leur état technique. La touche finale consiste au polissage de la carrosserie.

A noter que le chauffeur de cette ZiL de parade n’est pas juste un soldat qui prend place derrière le volant. Après chaque sortie, il est chargé de laver lui-même la voiture. Les caractéristiques de la carrosserie et la qualité de la peinture exigent un doigté particulier et c’est pourquoi les lavages automatiques ou les simples trouffions enrôlé pour cette mission ne sont pas autorisés. Kärcher, éponges, produits spéciaux et travail manuel précis. Voilà ce qu’il faut.

Encore une chose intéressante. Avant les répétitions et avant le défilé, les chauffeurs parcourent souvent à pieds l’itinéraire complet sur la Place Rouge. Bien-sûr les pavés de la célèbre place ont droit à des soins tous particuliers, mais une vérification supplémentaire ne fait pas de mal. Aussi résistants que sont les pneus, il faut supprimer tout risque de contact avec un objet tranchant.

Durant la retransmission à la télévision du défilé du 09 mai, une voix-off raconte aux téléspectateurs qui a pris la tête de la colonne de char ou de l’escadrille d’avions de chasse. Il serait plus juste de citer également le chauffeur du cabriolet numéro « 0001 » ! Comme cela n’est pas fait je vais vous le présenter. La voiture du Ministre de la Défense est conduite par le Major Georguiï Gorchounov. C’est lui que vous verrez samedi prochain en ouverture du défilé sur la Place Rouge pour le 70ème anniversaire de la Victoire dans la Grande Guerre Patriotique.

En complément :
Ces trois cabriolets ZiL-41041 AMG noirs ont été fabriqués en 2009 pour remplacer les phaétons de défilés gris ZiL-41044. Le fabriquant est la société « Atlant-Delta » appartenant au Groupe GAZ. Ces voitures sont basées sur la berline 4 porte ZiL-41041 avec un empattement de 3300 mm. Les principales différences, outre la carrosserie raccourcie à deux portes, sont l’intérieur et les parties roulantes avec des pièces provenant de GM, le moteur Vortec 6.0, la boîte cinq rapports Hydra-Matic 6L90E, les pneus Yokohama Mirada 245/70 R 16. Le style extérieur de la voiture donneuse est conservé même si de nombreux panneaux de carrosserie ont été refaits. Ces cabriolets deux portes sont équipés de matériel de communication, d’un toit escamotable en tissu et d’une poignée de maintien réglable pour se tenir debout. Elles sont utilisées une fois par an, lors du défilé de la Victoire.

Légende des photos :

  • Une image rare : un cabriolet de parade avec la capote relevée.
  • Le détail le plus notable à l’intérieur : le support pour les micros.
  • Le tableau de bord dispose de cadrans classiques. Il n’y a pas de moniteurs couleur à la mode.
  • Sur la console, le panneau des commandes des vitres électriques, de la climatisation et des rétroviseurs. Le bouton isolé à droite commande le pliage du capote. « 0001 »
  • Voici le Major Georguiï Gorchounov. C’est lui qui conduit la ZiL numéro « 0001 » sur la place Rouge. Cette année, cela sera la cinquième fois.
  • Le toit en tissu se replie automatiquement. Il faut juste le déverrouiller manuellement de l’encadrement de pare-brise.
  • La poignée de maintien pour se tenir debout durant la marche est réglable en hauteur. Elle est vérifiée à plusieurs reprise pour être sûr qu’elle est bien fixée.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/781081-bort-0001-kabriolet-zil-41041-amg/
Adaptation VG

Tag(s) : #ZiL, #4104, #Cabriolet, #Essai