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Aux origines du projet « Cortège ».

Utiliser une plateforme d’origine étrangère pour les voitures du projet « Cortège » se justifie, même historiquement parlant. C’est déjà ce qui avait été fait dans les années 1920 et, si on regarde toute l’histoire du « Garage des personnalités », il n’y a qu’une brève période où les membres du gouvernement ont utilisé exclusivement des limousines fabriquées dans le pays.

Si l’Empereur Alexandre III est contemporain de l’avènement de l’automobile à moteur à combustion interne, il n’en a jamais utilisé. Les tsars russes ont commencé à rouler en voiture sous Nicolas II. Il ne conduisait d’ailleurs pas au tout début de son règne. Au début c’est son frère cadet, le grand-duc Mikhaïl Alexandrovitch de Russie, puis le prince Vladimir Orlov qui était au volant. C’est ce dernier qui a donné le goût des voyages au tsar et en 1907 il fut ordonnée la mise en place du « Garage de Sa Majesté Impériale ».

Au début Nicolas II roulait en Mercedes, puis les Delaunay-Belleville ont commencé à dominer à l'intérieur du garage. Le chauffeur personnel du tsar était d’ailleurs un Français puisque, jusqu’à la Révolution, c’est le célèbre ingénieur Adolphe Kegress qui tenait le volant.

On trouvait dans le « Garage de Sa Majesté Impériale » diverses catégories de véhicules : « Impérial » - utilisés par les membres de la famille du tsar, « de Suite » ou « de Cavalerie » - pour la cour, « de Cargaison » - pour le transport des affaires du tsar, « de Service » - pour le transport des responsables du garage, des cuisiniers ou pour les deux commandants du palais du tsar. Dans ce parc automobile, les voitures d’origine russe (une limousine Lessner et deux Russo-Balt - un landaulet et une limousine) appartenait à la catégorie « de Suite ». Les Russo-Balt étaient utilisées uniquement par des proches du tsar, la grande-duchesse Maria Pavlovna et le grand-duc Constantin Konstantinovich.

En 1917, le garage impérial comptait quatre Delaunay-Belleville, deux limousines Rolls-Royce, un landaulet Peugeot, un landaulet Renault et une petite Bébé Peugeot, cadeau d’anniversaire du tsarévitch en 1914. Après la Révolution de Février, une grande partie du parc automobile a été utilisé par le Gouvernement provisoire. Après la Révolution d’Octobre, elles sont revenues aux Bolcheviks.

Lorsque Moscou est devenue la capitale du pays, le garage a officiellement été rebaptisé « Base des véhicules militaires du Conseil des commissaires au peuple » et s'est installé dans plusieurs bâtiments situés sur la Petrovka. Le « Garage des personnalités » se trouve encore là aujourd’hui et il est facilement reconnaissable par son parking avec une rampe semi-circulaire. En 1919, parmi la cinquantaine de voitures utilisées on ne comptait qu’un landaulet Russo-Balt ! C’est le commissaire au peuple pour l’assurance et la lutte contre l’incendie, Mark Elizarov, le mari de la sœur aînée de Lénine, qui l’utilisait. Les véhicules restant étaient d’origine étrangère, allant des anciennes Delaunay-Belleville et Rolls-Royce du tsar à des voitures plus exotiques comme des landaulets FL français ou des limousines Scat italiennes. Tout cela, bien entendu, compliquait le travail d’entretien et de réparations des mécaniciens.

Le nouveau responsable de la base automobile, Alexandre Medvedev, nommé en décembre 1919, va changer tout cela. Il réduit le nombre de marques, préférant les Rolls-Royce et Napier britanniques, les Delaunay-Belleville françaises et les Fiat italiennes. Puisque lorsqu'il faut commencer à renouveler les véhicules du parc Alexandre Medvedev décide de faire des économies : connaissant la fiabilité des Rolls-Royce et des Napier, il conseille d’acheter des exemplaires d’occasion, voire même uniquement leurs châssis ! Il applique lui-même le schéma qui viendra à l’esprit des auteurs du projet « Cortège » près de 90 ans plus tard : une plateforme étrangère habillée dans le pays ! Les châssis Rolls-Royce et Napier seront donc carrossés par l’Usine Automobile d’Etat N°4. L’un de ces « hybrides » exposé dans le Musée-domaine des « Monts Lénine » est une Rolls-Royce semi-chenillée avec une carrosserie typique de l’usine N°4.

Le nouveau dirigeant soviétique, Staline, a tout d’abord utilisé les voitures héritées de Lénine, des Rolls-Royce. Mais à la tournure des années 1920-1930, il se met à aimer les voitures américaines : Packard, Cadillac, Buick et Lincoln. Avec son puissant moteur 12 cylindres, la Lincoln KB constitue la première expérience de blindage pour une véhicule du gouvernement. La limousine de Staline et de ses proches reçoit des plaques de blindage vissées à la structure en bois ordinaire. Ces voitures blindées ont été utilisées par Staline jusqu’en 1935. Ensuite on lui a envoyé des USA une Packard Twelve entièrement blindée (protection de la totalité de l’habitacle et vitres pare-balles). Depuis lors, Staline donnera sa préférence à la marque américaine, et ce même après la Guerre.

Au milieu des années 30 est créée la première limousine soviétique de série, la ZIS-101. Elle s’inspire de la Cadillac, de la Packard et de la Buick mais cette première limousine d’URSS ne brille ni par sa beauté de Cadillac, ni sa fiabilité de Packard ou sa qualité de Buick... Même si elle est réalisée avec des pièces fabriquées en URSS et même si elle se trouve dans le parc gouvernemental, Staline et son entourage continuent à préférer les voitures de marques étrangères !

La première voiture entièrement nationale est la ZIS-115 blindée sur laquelle on commence à travailler en 1942 et ce jusqu’en 1945. Elle devient le principal véhicule de Staline, cependant elle est supplantée parfois par la vieille Packard.

Avec Khrouchtchev les véhicules blindés appartiennent au passé : Nikita Sergueïevitch aimait les apparitions publiques à bord d’un phaéton ZIS-110B. Le désir de rattraper et de dépasser l’Amérique conduit ensuiet à la création en 1959 de la limousine ZiL-111. Malgré le fait qu’elle copie par son design et par sa construction ses homologues américaines, l’Usine Likhatchev de Moscou (ZiL) n’utilise aucun composant d’origine étrangère pour produire la nouvelle voiture des principaux dirigeants du pays. Ce n’est qu’en 1967 que vont apparaître sur la ZiL-114 des freins à disques Girling. En 1978 sa remplaçante, la ZiL-4104, est équipée de vitres en triplex venant de Belgique, et sept ans plus tard la ZiL-41047 reçoit des phares rectangulaires Bosch avec essuies-laves phares. A l’époque de la pérestroïka est créé le prototype ZiL-4102 avec des phares de Volvo 780 Coupe Bertone et des sièges de Renault 25, mais avec la chute de l’Union Soviétique, il s'avère que personne n’a besoin de cette limousine... D’ailleurs, Raïssa Gorbatchev n’aimait pas les ZiL et avait dit à son mari : « Les ministres roulent dans de belles Tchaïka et nous dans de quelconques cercueils ! ».

Initialement Boris Eltsine utilisera la ZiL mais en 1994 il prend place à bord d’une Mercedes. La ZiL-41047 peut être qualifiée de dernière limousine soviétique. Elle n’a jamais été fabriquée sur commande individuelle. En 2002, un dernier exemplaire a été construit pour le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev. Dix ans plus tard, une 41047 servira de base à la ZiL-4112R construite pour Vladimir Poutine. Mais cette voiture archaïque ne plait pas à son passager éventuel et dans les journaux on annonce que la ZiL-4112R a « encore besoin de quelques travaux ». Aujourd’hui, le président russe roule dans des voitures de marque étrangère. Le projet « Cortège » doit rétablir le statu-quo.

Légende des photos :

  • 1906 : Nicolas II et Alexandra Fedorovna dans une Mercedes. Au volant - le prince Vladimir Orlov.
  • 1913 : la Delaunay-Belleville française avec son capot cylindre caractéristique était la voiture principale du tsar.
  • 1923 : Lénine et Nadezhda Kroupskaïa en promenade en Rolls-Royce.
  • 1922 : la Rolls-Royce 40/50HP avec une carrosserie soviétique, réalisée par l’Usine N°4.
  • 1938 : la Packard Twelve blindée, voilà ce qu’aimait Staline.
  • 1948 : la ZiS-115 et Staline, lors d’une parade aérienne à Touchino.
  • 1952 : la ZiS-115 blindée a été spécialement créée pour Staline et est entièrement fabriquée avec des pièces d’origine soviétique.
  • 1956 : le cabriolet, le véhicule préféré de Nikita Khrouchtchev.
  • 1959 : la ZiL-111 américanisée, à l’époque du dégel de Khrouchtchev et de la course avec l'Amérique.
  • 1963 : la ZiL-111D a été utilisé dans les années 70 pour les parades avec les dirigeants des pays socialistes.
  • 1967 : la ZiL-114 , le fleuron de l'industrie automobile soviétique sous l'ère de Brejnev. Les formes et les proportions de ce modèle se retrouvent aussi dans la ZiL-41047.
  • 1985 : la ZiL-41052 "Bronekapsula" (« capsule blindée »), une version sécurisée de la ZiL-41047. La version de base, la ZiL-4105, avait été créé encore pour Brejnev, mais il n'a pas eu le temps d’en voir la version blindée.
  • 1987 : la ZiL-4102 de l’époque de la perestroïka, la dernière tentative pour créer une voiture pour le gouvernement soviétique.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/640456-retro-svoi-chuzhie/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Limousine, #Projet, #Cortège, #ZiL, #ZiS, #Personnalités