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La voiture soviétique la plus fabuleuse de tous les temps.

Avant de venir en Islande pour tester le nouveau Land Rover Discovery Sport, je n’avais qu’une seule idée en tête : conduire une Lada. J’ai toujours été fasciné par les voitures de l’ancien bloc soviétique mais je n’en avais jamais vues en vrai. Je savais qu’il y en avait quelque-unes en Islande et grâce à la bonne personne à Geysir Car Rental, mon rêve inepte est devenu une réalité inepte.

Juste quelques lignes pour remercier de tout mon cœur les personnes de Geysir. Sur le formulaire online ils avaient eu ma demande pour la Lada. Ils ont été vraiment très sympa et prêts à m’en confier une pour quelques jours sans rien me demander en échange. Le responsable de l’agence de location m’a lui-même donné les clés et la délirante photocopie d’une page de notes sur la Niva écrites à la main par un client russe. Récupérer ces clés fût pour moi un moment historique.

Merci donc à Geysir. Parlons maintenant de la voiture. Il faut rappeler quelques détails, pour ceux qui ne sont pas familiers avec la Lada Niva. La Niva est probablement la voiture conçue en URSS qui a connu le plus grand succès à l’étranger. Elle a été développée dans les années 70 en Union Soviétique comme quelque chose d’équivalent à la Jeep Cherokee ou la Range Rover, un tout-terrain à la fois confortable à conduire et pratique en ville. Plus spécifiquement, ils voulaient quelque chose que les agriculteurs pourraient utiliser dans les champs (ce que “niva” signifie d’ailleurs en russe) et facile à conduire et économique en ville.

Quand on voit la Niva, comment ne pas penser à la 1ere génération de VW Golf/Rabbit dans une variante un peu gauche avec de grandes roues. C’est exactement ce qu’elle est. Une citadine économique avec un châssis de 4x4. Cette formule basique est une très bonne idée qui explique aussi pourquoi la Niva s’est si bien vendue (relativement) dans le monde entier. Il y a bien sûr eu d’autres voitures de ce type - Suzuki Samourai et Jimny, les versions 4x4 de la Golf, etc... - mais je pense que les Russes devraient tirer un certain crédit d'avoir été les premiers à avoir cette idée et l’avoir concrétisé à grande échelle.

Quand je pense au temps que je viens de passer à bord de cette voiture et de quelle manière je peux vous le restituer, je réalise qu’il y a un détail que j'oublie de vous donner : cette voiture a été fabriquée en 2010 mais elle n’a rien d’une voiture de 2010 ! En ouvrant son capot saurez-vous me dire quand elle a été fabriquée ? Cinq ans ou 25 ans ?

En fait, je pense que cette Niva était ce qui se faisait de mieux en 1981 mais celle-ci a été produite en 2010. Ma théorie est qu’à une époque donnée de l’URSS, une machine à voyager dans le temps a été développée mais que les conflits internes ont empêché son utilisation. Après la chute de l’Union Soviétique, je pense que l’usine Lada a retrouvé cette machine et s’en est servi pour ramener des voitures construites en 1981 et les vendre à notre époque. Cela semble être l’explication la plus rationnelle.

Le design extérieur date vraiment mais le fossé avec les voitures modernes en matière de qualité vous frappera vraiment quand vous prendrez en main cette poignée de portière archaïque et que vous grimperez à bord. Immédiatement vous serez transportés dans un monde de plastiques noirs, durs, cassants avec ce tableau de bord coupé au carré ayant pourtant des afficheurs - deux écrans LCD - comme on en rencontre dans les voitures modernes. Enfin presque puisqu’ils ne font qu’environ 5 cm de large et qu’ils ne peuvent afficher que les chiffres de 0 à 9 grâce à sept segments trapézoïdaux.

Les vitres sont manuelles, bien-sûr, les sièges sont en tissus, les tapis en caoutchouc et il y a des vis visibles partout où vous regardez. J’ai adoré ! J’ai conduit cette voiture après avoir passé deux jours au volant du Land Rover Discovery Sport 2015 et il est absolument stupéfiant combien les intérieurs des voitures modernes sont riches et somptueux. Par comparaison, celui qui est pourtant le bas de gamme Land Rover est comme le domaine d’un sultan, pas un sultan de bas étage, mais un sultan qui possède un harem et un domaine disposant de vastes réserves pétrolières.

Cette Niva constitue un tel retour en arrière dans le temps que c’en est vertigineux. La nostalgie tourbillonne autour de vous à chaque commande que vous touchez. Personne ne se souvient à l’époque des LED de ces interrupteurs qui deviennent chaud à cause des petites ampoules de 12V qui servent à les illuminer et peuvent même faire fondre les plastiques environnants. J’avais moi-même oublié ce genre de chose jusqu’à ce que je n’appuie le bouton de dégivrage de la lunette arrière de la Niva ! Je suis sûr que les services marketing pourraient vendre cela comme des “interrupteurs chauffants”.

Parlons d’ailleurs de chauffage pour une seconde. Il fait plutôt bien son travail et délivre autant d’air chaud qu’on pourrait en attendre de quelque choses né dans les steppes de Russie. Ce qui n’est pas très bien conçu en revanche est que l'air chaud semble sortir de toutes les jonctions et craquelures du tableau de bord. Bien sûr, la plus grande partie provient des buses d’aérations mais on a vraiment l’impression que cela sort de partout...

L’ergonomie ne semble être qu’un concept. Par exemple la commande des feux de détresse se trouve exactement là où vous pensez que la clé de contact doit se trouver ! Et pourquoi le commodo de clignotants est-il plus court et plus difficile à atteindre que celui-ci servant au passage de codes en phares ce qui fait que, à chaque fois que vous tournez, vous faites un appel de phare ! Toutefois, la commande d’ouverture du hayon est peut-être le meilleur exemple ce cette non-ergonomie. Elle se trouve juste derrière le siège conducteur dans le montant mais à moins d’avoir quelqu’un assis sur la banquette arrière, vous devrez descendre pour pouvoir l’utiliser ! Cette commande a clairement été installée là car c’est le passage le plus facile, le plus rectiligne pour tirer un câble jusqu’au hayon.

J’aime imaginer cette scène où, après la chute de l’Union Soviétique, Lada engage des experts occidentaux en ergonomie pour évaluer la Niva. L’un de ces experts approche l’un des stylistes qui a travaillé à la création de la voiture. Il est assis derrière une planche à dessin et fume comme une cheminée. Imaginez :

- Salut Sacha. Nous pensions que cela serait formidable si nous pouvions déplacer ce levier de déverrouillage du hayon à un endroit où le conducteur pourrait y accéder plus facilement depuis son siège. Beaucoup de voiture on cette commande au plancher à gauche du siège conducteur. Qu’en pensez-vous ?
(Sans lever les yeux, le poing de Sacha jaillit en l’air et frappe le visage de l’expert en ergonomie. En une fraction de seconde, le débat est clos. Sacha continue à fumer et à dessiner comme si rien ne s’était passé. Une goutte de sang perle au bout du nez de l’expert. Silence gêné et bruit de déglutition...)
- Hum, d’accord, Merci pour vos commentaire
s...

Je suis sûr que c’est ce genre d’interaction qui fait que le Niva est resté le même depuis près de 30 ans. Il est archaïque. Lamentablement, merveilleusement, irrémédiablement, douloureusement archaïque. C’est probablement pour cela que je l’aime tellement. J’aime son design sans fioriture. J’aime son absence de moquette éminemment pratique et son plancher en plastique dans le coffre, robuste et flexible, j’aime l’expression perpétuelle de surprise de sa calandre, ses grands yeux ronds sous les sourcils soulevés en permanence des feux de position et des clignotants et j'aime surtout sa qualité glorieusement foireuse.

Regardez ce détail. De ce que je peux en dire, c’est une tentative de pulvérisation de peinture noire de soubassement au niveau du passage de roue arrière. Est-ce que cela a été fait en usine ? Est-ce que cela sert à masquer quelques traces de rouilles ? Est-ce que cet endroit est censé ressembler à cela ? Je n’en ai pas la moindre idée !

Tout cela n’est que l’essence fondamentale de cette voiture. D’une certaine manière, Lada a réussi à faire quelque chose qui est à la fois robuste et de mauvaise qualité, tout en même temps. Je ne comprends vraiment pas comment cela est encore possible, d’autant plus que ces deux caractéristiques devraient s’annuler mutuellement. Pourtant ce n’est pas le cas. Cette voiture vous donne l’impression que simultanément vous pourriez la déchiqueter entre vos mains nues et qu’elle peut aussi surmonter les pires conditions routières ou un terrain accidenté. Comment est-ce possible ? La Niva est une grande énigme emballée dans une boîte carrée et blanche.

J’ai conduit cette Niva pendant deux jours sur une assez large variété de terrains, dans le centre-ville de Reykjavik, sur la grande et unique autoroute menant à Keflavik et en revenant sur des routes si verglacées qu’il était préférable de passer par des routes secondaires avec des parties en terre beaucoup plus praticables.

La Niva a réussi à surmonter tout cela de manière grossière, de façon bruyante, mais sans réelles difficultés. Prenez par exemple ces routes verglacées. Je roulais dans un quartier industriel de Reykjavik cherchant l’endroit idéal pour faire des photos de la voiture quand je me suis arrêté sur un parking. En descendant je suis tombé directement sur mes fesses parce que le macadam était recouvert d’une belle et épaisse couche de glace. Je n’avais même pas remarqué à quel point c’était glissant puisque la Niva était capable de rouler sur cette glace sans aucun problème. Le pire c’est que je ne comprends toujours pas comment. Si j’ai roulé sur de la glace aussi lisse avec le Discovery Sport, je sais que c’est en grande partie grâce aux pneus cloutés. Cette Niva ne me semblait même pas avoir de bons pneus mais de façon improbable elle a transformé la glace en une surface plus accueillante. C''est comme d’autre choses au sujet de la Niva : plus vous les analysez et moins cela a de sens !

Hors de la route la Niva s'accroche et grimpe tout ce qu’il y a sur son chemin. Elle n’a pratiquement aucun porte à faux avant ou arrière, ce qui est très pratique pour faire du vrai tout-terrain. Je n’étais pas trop sûr lequel des deux leviers sans aucun marquage permet de passer sur la gamme courte ou de bloquer le différentiel. De toute manière, je ne me suis jamais retrouvé dans une situation où j’ai commencé à m’inquiéter en perdant un peu de traction.

La Niva n’avait pas de radio, ce qui était probablement tout aussi bien puisque je ne suis pas sûr que l’on aurait même pu l’entendre. La Niva est peut-être la voiture la plus bruyante, la plus cacophonique dans laquelle je suis jamais montée. Ce n’est pas que le 4 cylindres 1800 cm3 soit particulièrement bruyant, c’est plutôt l’accumulation de toutes les pièces de la voiture qui semblent avoir été conçues pour faire le plus de bruit possible. Même au ralenti, de l’extérieur ou de l’intérieur, la voiture fait un bruit pas possible. Les courroies grincent et crissent occasionnellement, les poulies craquent périodiquement, les vannes claquent, les pignons vibrent, les durites tambourinent... Tout ceci ressemble à un chaos vertigineux bien occupé et fait le même bruit que si, imaginez, vous fourriez un microphone dans la bouche de mon grand-père pendant qu’il mange un minestrone !

A environ 100 km/h sur autoroute vous avez le droit à toute la gamme des basses, plus un concert d’engrenages tout au long de la colonne vertébrale de la voiture, plus le bourdonnement persistant du vent luttant contre l’aérodynamisme de cabane de jardin de la Niva. C’est tellement terrible qu’au début j’étais persuadé d’avoir laissé le hayon ouvert ou quelque chose comme ça. Mais non, finalement, c’est comme cela qu’elle sonne.

Conduire la Niva en ville n’est pas mal du tout. Les dimensions relativement compactes et la position de conduite élevée sont ce qui se fait de mieux pour les rues étroites. En tout-terrain, ça bouge beaucoup mais on sent que la voiture a des capacités. C'est sur le billard d’une autoroute à deux voies que son caractère rustique commence à se faire vraiment sentir... C’est comme si vous essayiez de faire lire de la poésie à un singe !

La direction assistée est très bonne en tout-terrain et donne une vraiment très bonne idée de la surface sur laquelle vous êtes, mais sur route normale, elle est vraiment décousue. En plus le parallélisme ne devait pas être parfait car pour rouler droit il fallait tourner le volant de 20°. Même en 5ème, le moteur d’environ 80 ch travaille assez dur pour rouler à plus de 100 km/h, mais il le fait, bruyamment.

Ahh, et sur l’autoroute, les essuie-glaces sont tombés en panne jusqu’à l'averse suivante conséquente. Comme si ce regain soudain de pluie sur le pare-brise avait agi comme un nouveau lubrifiant, capable de redonner de la vigueur au moteur d’essuie-glace. Une sorte de capteur de pluie ? Sur l’autoroute j’étais également un peu inquiet parce que sur les fameuses instructions écrite à la main, le gars mentionne que le réservoir ne fait qu’environ 40 litres. Il précise : « Ne JAMAIS faire confiance à la jauge ». Quand je me suis rappelé de cela j’étais à mi-route de Keflavik et au beau milieu de nulle part. Et je m'en suis rappelé alors que je me demandais pourquoi l’aiguille de la jauge semblait remonter. Hmmm.

La Niva est grossière, certes, mais elle n’est pas exactement inconfortable. Pas du tout, même. Enfin pour une voiture de 1981 c’est pardonnable. Et pour une voiture de 2010, un tel niveau de sauvagerie est glorieux et étonnant. En dépit de, ou plus précisément à cause de toutes ces bizarreries et étrangetés ou de ces problèmes de conceptions, j’ai vraiment aimé la Niva. Elle est comme cet ami qui dit toujours du mal de vous derrière votre dos, mais qui a vraiment un cœur d’or et sur qui vous pouvez compter quand vous êtes vraiment dans la merde.

Et je ne suis pas le seul à le penser. Quand je prenais des photos de la Niva à Reykjavik, plusieurs personnes se sont arrêtées pour me demander si je ne vendais pas la voiture. Un vieil homme s’est approché et m’a demandé de quelle année elle est. Je lui ai répondu « 2010, mais vous savez c’est une Lada » et il m’a renvoyé un regard entendu et un rire chaleureux de compréhension.

Je me suis senti bien au volant de cette voiture. J’étais heureux qu’on me voit à son volant et la combinaison de cet habitacle lumineux, de ses capacités étrangement étendues et de ce sentiment que la moindre chose a été fait à la va-vite donne cette enivrante envie de se dire : « Merde ! Amusons-nous ! ». Le Discovery Sport de 2015, malgré sa technologie de pointe, sa qualité de construction irréprochable et ses capacités tout-terrain sans reproche, ne m’a jamais donné ce sentiment. Pas une seule fois. Et j’aime ce sentiment.

Conduire quelque chose de minimaliste est peut-être finalement une délivrance. Si lors d’un bivouac une ours surgit de nulle part et salope tout l’intérieur de votre Range Rover, cela sera une tragédie. Si lors d’un bivouac, un ours surgit de nulle part et salope l’intérieur de votre Niva, il ne vous faudra que 5 minutes au jet pour tout nettoyer et vous aurez une histoire à raconter autour d’un verre pour le restant de vos jours.

Je suis vraiment heureux que Matt m’ait proposé de faire cet essai de la Niva. La Niva est une relique absolue. Ce qu'il y a d'incroyable est que vous pouvez encore acheter une voiture comme ça aujourd’hui. C’est encore possible pour environ seulement $9,500.Toute tentative de vraiment moderniser ou mettre à jour la Niva, au-delà du lifting que Lada vient d’introduire, la ruinerait tout simplement.

La Niva est ce qu’elle est. Elle est terrible et merveilleuse, archaïque et adéquate, de mauvaise qualité et robuste. Elle est aussi déroutante et ridicule que pratique et fantastique. Pour sûr je pourrais en acheter une !

Lu sur : http://jalopnik.com/what-its-like-to-drive-the-greatest-soviet-car-of-all-t-1683276332
Adaptation VG

Tag(s) : #Lada, #Niva, #Témoignage, #Essai, #Rigolo