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Au cours des années 80, la Roumanie a été le lieu de production improbable de la toute dernière vraie Citroën. Mais cette Oltcit – ou Citroën Axel en Europe de l’Ouest – s’est avérée être le mauvais produit au mauvais moment pour les deux partenaires. L’histoire de cette curiosité franco-roumaine est pourtant fascinante.
Jusqu’à l’arrivée de la petite AX en 1987, la gamme de petites voitures Citroën était un peu chaotique. En fait, cette gamme avait été constituée tout au long de la récession des années 70 mais n’avait jamais connu les succès des Renault 5, Fiat 127 ou Ford Fiesta. Ces différents modèles positionnés sous la GS n’avaient jamais vraiment capté l’attention. Ce n’était pourtant pas par manque d’efforts. La 2CV avait duré beaucoup plus longtemps que ne l’auraient osé ses créateurs dans les années 30 et dans les années 60 on avait essayé de créer de nouveaux modèles pour combler le fossé béant existant entre ce phénomène et la DS en lançant la Dyane et l’Ami. En parallèle, un ambition programme d’expansion avait conduit à la création de la GS et la sublime SM, toutes deux lancées en 1970. Le développement de ces deux voitures, puis de la CX, avait rendu Citroën euphorique.
Enhardi par le succès de la DS et de l’afflux de trésorerie provenant de Michelin, son plus vieil actionnaire, Citroën devient de plus en plus ambitieux multipliant fusions et acquisitions dans l’industrie automobile. Elle rachète Panhard en 1965, Berliet en 1967, Maserati en 1968. Elle forme en 1967 avec NSU la société Comotor pour produire des moteurs Wankel et plus étonnant, Michelin vend 49% de sa participation dans Citroën à Fiat pour créer la holding PARDEVI (Participation et Développement Industriels).
Cette intense activité vont dans le sens de l’expansion et du développement de solutions de haute technologie qui mèneront à la GS Birotor à moteur Wankel, la SM à moteur Maserati et les fourgons Fiat 242/Citroën C35. Mais on espérait aussi que le rachat de Panhard se traduirait par la création d’une nouvelle Citroën de taille moyenne et que la collaboration avec Fiat engendrerait une citadine capable de contrer le succès de la Renault 5.
En 1968 on commence à travailler sur le projet Y-2. Contrairement aux précédentes tentatives de Citroën sur le marché des voitures de moins de 1000 cm3, cette citadine est en rupture complète et totale du concept de la 2CV. C'est une berline 2 volumes hatchback, et chose inhabituelle pour l’époque, elle est conçue avec cinq portes dès le départ. Plus étonnant encore, elle est développée sur une plateforme de Fiat 127 rallongée avec un ensemble moteur 4 cylindres et boîte transversal, une architecture typique des Autobianchi Primula et A112 ou des Fiat 127/128. Pour l’époque c’était ce qui se faisait de mieux.
Mais en 1973/74 Citroën est frappé par des difficultés financières. Les coûts de développement énormes des GS, SM et CX et les ventes décevantes ne lui permettent pas de sortir de l’impasse. Fiat se retire de la holding PARDEVI en rendant ses 49% à Michelin. Quelques mois plus tard elle est déclaré en faillite, le gouvernement français encourage Michelin et Peugeot à engager des pourparlers en vue d’une fusion. En 1974, Peugeot prend une participation de 38,2% dans Citroën, avant d’en prendre 90% en 1976 pour former PSA.
Malgré tout, Citroën n’a pas renoncé à ses ambitions de citadine et sans la plateforme Fiat et la participation de ce dernier, le projet Y-2 se transforme en projet TA en 1974. Le 4 cylindres transversal est remplacé par une combinaison de bicylindre à plat de 2CV et de 4 cylindres à plat de GS, deux moteurs refroidis par air. Citroën s’engage dans une stratégie bien moins évidente pour sa petite voiture.
C'est à ce moment là que le style est gelé. La voiture est attrayante et combine le côté utilitaire de la Renault 4 avec la flamboyance d’une CX, en particulier dans sa partie avant et le lien entre le capot et le pare-brise. Mais en 1975, le programme Citroën est sur la sellette. Peugeot décide de mettre un terme à l’aventure SM (elle ne se vend pas et en cédant Maserati on perd le fournisseur de moteurs) et tous les projets sont réévalués en vue de partager le maximum de composants avec la maison mère.
Le programme TA est arrêté et devient VD, conserve le style général de la voiture mais gagne la plateforme et le moteur de la Peugeot 104 (un quatre cylindre partagé avec la Renault 14 et fabriqué à Douvrin). En 1978 la nouvelle Visa est lancée... ainsi que la LN (largement basée sur la 104 au grand dam des Citroënistes de la première heure). Normalement le projet TA aurait dû s’arrêter là.
Mais le 30 décembre 1976, Manea Manescu, le Premier ministre de la Roumanie de Ceausescu, signe un accord avec Citroën pour former une joint-venture. C’est le point culminant de plus de 18 mois de négociations et les Roumains se voient offrir par les Français, une « TA » avec moteur refroidi par air et suspension à barres de torsion, une nouvelle usine et le transfert de technologie.
C’est une bonne affaire. La Roumanie achète une usine à Citroën à un taux favorable et va produire le projet TA, une citadine moderne, dans sa nouvelle usine de 350,000 mètres carrés de Craiova en Olténie (d’où le nom d’Oltcit). Une partie de l’accord mentionne que la Roumanie va devoir rembourser sa dette en voitures. L’accord passé avec Oltcit est considéré comme étant plus favorable que les « implantations » de Fiat dans les pays du Comecon (Lada et FSO) car Citroën interdit aux Roumains de vendre leur voiture dans la CEE et le reste du monde et s’arroge le droit de choisir de la vendre lui-même. L’accord et la future voiture sont annoncés avec élégance par Citroën dans un communiqué de presse : « un nouveau véhicule populaire, une voiture de tourisme spécialement conçue par Citroën, caractérisé par une polyvalence très moderne et une grande économie d’utilisation ».
En adaptant la TA pour la production en Roumanie, la carrosserie cinq portes est redessinée en une 3 portes plus simple à la garde au sol plus élevée. La suspension à barres de torsion et les moteurs refroidis par air sont conservés de même que l’intérieur typiquement Citroën avec les satellites de commandes au tableau de bord. L’usine est inaugurée en 1980 et on espère que les 7,000 ouvriers y produiront jusqu’à 130,000 voitures par an. Mais à cause des retards, de la corruption et de l’inertie bureaucratique typiques des pays de l’Est, la production ne monte réellement en puissance qu’en 1982, près de six ans après la commercialisation de la Visa.
Malgré des débuts prometteurs, le projet Oltcit s’est avéré être une amère déception surtout pour Citroën. La production annuelle a rarement dépassé les 20 mille exemplaires annuels et la qualité de la voiture était loin d’être idéale. Le besoin de localiser la production a 40% a également compromis sa fabrication. Quand Citroën a commencé à importer la voiture en France en 1984 pour la vendre dans toute l’Europe de l’Ouest (et au Canada), elle a eu du mal à trouver sa place dans une gamme constitué des 2CV, LN/LNA et Visa même si elle avait certains avantages concurrentiels. Elle n’était pas chère mais elle semait le doute dans la tête des consommateurs.
Elle n’est pas restée longtemps au catalogue de Citroën. L’AX a remplacé avec succès les trois anciens modèles, laissant Oltcit vendre tout seul son curieux hybride. De plus, sa production a coïncidé avec les moments les plus sombres de l’histoire de la Roumanie et en 1990, suite à l’effondrement du gouvernement de Ceausescu, Citröen n’a pas eu d’autre option que de se désengager de l’affaire laissant Oltcit sans moteur bicylindre et avec un approvisionnement moindre en pièces provenant de France.
En 1994, la société est privatisée. L'Oltcit devient Oltena puis entre rapidement en partenariat avec Daewoo. La société s’appelle brièvement Rodae et continue de produire des dérivés d’Oltcit jusqu’en 1996 avant de les remplacer par des Tico, Cielo et Espero, connaissant donc une fin similaire à celle qu’ont connu les anciens modèles Fiat construits en Pologne par FSO.
Aujourd’hui, cette voiture est peu connue et est loin d’être la plus appréciée de la famille Citröen, mais elle a sa place dans l’histoire de la grande marque française (en tant que dernière Citroën de conception indépendante) autant que dans celle des voitures de l’Est.
Lu sur :
http://www.aronline.co.uk/blogs/facts-and-figures/essays/essay-oltcit-the-last-real-citroen/
Adaptation VG