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J'ai vu plus d'une fois cette fourgonnette rouge un peu minable mais bien réelle. J'aurais du la photographier, mais je remettais toujours cela à la prochaine fois et lorsque je me suis décidé, on m'a dit chez UAZ qu'elle avait été mise à la casse. Ce camion rouge avait été victime d'une nouvelle restructuration de l'usine. Elle était le symbole d'un ambitieux projet que les bouleversements politiques et économiques avait fini par balayer.
L'URSS était fier des énormes volumes produits par ses usines de camions. Mais elle ne produisait quasiment pas de fourgons de 1,5t pourtant pratiques et très populaires en Europe. Les directives du XXVIè Congrès du PCUS mentionnaient la nécessité pour le pays de se doter de véhicules utilitaires légers de ce type. Chez NAMI on a donc commencé en 1984 à travailler sur celui-ci. Chaque semaine une réunion de suivi de projet avait même lieu au Ministère de l'Industrie automobile. Gueïdar Aliev, membre du Politburo et vice-premier ministre, supervisait lui-même le travail. Il ne s'y intéressait pas par hasard : il voulait que l'Azerbaïdjan ait sa propre industrie automobile, comme la Géorgie (KAZ) ou l'Arménie (ErAZ).
En 1985, les spécialistes de UAZ se sont joints au projet. Andrian Makarov en est devenu le responsable. Divers véhicules occidentaux ont été achetés : Renault Master, Iveco Daily, Mercedes-Benz 307 et Ford Transit. La construction du fourgon soviétique était simple mais tout à fait moderne. La carrosserie était autoporteuse, la suspension rigide à ressorts, les roues en 15 pouces et les freins à tambours (ils laisseront plus tard la place à des disques à l'avant). Le moteur devait être le 2,45 litres UMZ, proche parent du GAZ-21 et GAZ-24. En parallèle, on avait demandé à l'usine UMZ qui faisait à l'époque partie de UAZ de concevoir et industrialiser dans les meilleurs délais un moteur entièrement nouveau. C'est le moteur Iveco qui devait servir d'exemple pour ce diesel atmosphérique de 70ch. Ce moteur selon les essayeurs était un vraie révélation. Il était prévu de fabriquer des fourgonnettes rallongées et surélevées. Mais le Ministère était clair sur un point : le fourgon soviétique devrait être le plus vaste et avec les portes les plus grandes. Pourtant il réussit à surpasser tous ces concurrents sauf l'Iveco.
Les premiers prototypes roulants ont été fabriqués par NAMI. Quand au ministère une présentation a été organisée, GAZ a également amené sa proposition... sous forme de simples maquettes. Les prototypes de la deuxième et de la troisième série ont été fait à Oulianovsk. En 1986, les UAZ-3727 subissaient les tests des essayeurs de l'usine et l'on envisageait déjà de monter le moteur diesel étudié par UMZ. Il faut imaginer qu'on voulait dans les 4 années qui suivent lancer la production d'un fourgon 1,5 tonne ! De plus ses concepteurs avaient prévu une large gamme : fourgon rallongé ou surélevé, plateau, minibus.
Pourtant, c'est la direction de UAZ qui a mis fin au projet, en s'opposant même l'idéologie du "développement du socialisme" : les volumes de production de l'usine étaint stables, ses modèles très demandés (l'un de ses principaux clients est l'Armée) et comme toujours le gouvernement ne donnerait pas un kopeck pour l'industrialisation du nouveau modèle alors qu'il y aurait beaucoup de difficultés à résoudre. Voilà pourquoi l'idée d'Aliev de produire des véhicules utilitaires en Azerbaïdjan semblait bonne. En 1987 à Kirovabad (aujourd'hui Ganja) on a commencé à construire une usine d'une capacité de 40,000 véhicules par an. Par manque de main d'œuvre qualifiée pour la fabrication de la carrosserie et du pont arrière, il fut décidé de la robotiser au maximum. Les moteurs et les transmission devaient venir d'Oulianovsk (l'usine de Kirovabad avait conclu un accord avec UAZ). Les ouvriers de la nouvelle usine avaient aussi été formés chez VAZ. D'ailleurs de nombreuses usines participaient à ce projet, dont GAZ et VAZ. Togliatti était responsable des matériaux plastiques. Selon les plans, la nouvelle usine KiAZ devait démarrer sa production en 1989.
Pour renforcer les relations fraternelles et industrielles, il fut décidé d'organiser en Pologne la production du fourgon soviétique dans sa version de base. Il faut rappeler qu'à partir de 1951, l'usine de Lublin avait copié le camion GAZ-51 avant de lancer son Zuk. Outre la politique, cette collaboration avait une raison purement technique. Les Polonais avait une licence pour produire un moteur diesel d'origine anglaise (sous le nom d'Andoria) et la production du moteur UMZ ne démarrerait clairement pas dans les délais prévus. Mais ce projet a été abandonné à la chute du bloc soviétique. Résultat, l'usine polonaise a conservé son moteur Andoria et fabriqué de son côté le fourgon Lublin élaboré en URSS (il fut même équipé d'un moteur Peugeot). Par la suite, l'assemblage sous licence du Lublin 3 a débuté en Biélorussie, près de Minsk, dans l'ancienne usine Ford d'Obtchak.
Pendant ce temps là, l'histoire du fourgon UAZ-3727 prenait de nouveau un virage serré. A l'automne 1987, le Ministère chargeait la firme britannique IAD (International Automotive Design) de terminer l'étude du fourgon. Les anglais modifièrent son dessin et étudièrent un suspension avant indépendante, bien entendu plus complexe et plus coûteuse. Un prototype fut testé en Angleterre et les catalogues de la camionnette "Multi-2500" ou... BAZ-3778 furent même édités !
Pourquoi BAZ ? Car à partir de 1989 les conflits ethniques ont commencé à faire rage dans le Caucase et l'on a décidé de lancer la production de cette camionnette à Briansk, dans l'usine qui produisait les camions géants multi-essieux destinés avant tout à l'Armée. Andrian Makarov est même débauché de chez UAZ et devient responsable du bureau d'études de BAZ. Pourtant, l'usine de Briansk n'obtient pas les crédits escomptés de l'Etat. Le Ministère, dirigé par l'ancien directeur général de GAZ Nikolaï Pouguine, croyait plus en l'usine de Nijni-Novgorod qui menait à l'époque son propre projet d'utilitaire... Et bizarrement chez BAZ on n'était pas enthousiasme pour cet utilitaire léger, car plus habitué à fabriquer des camions de plusieurs tonnes. La production artisanale a duré plusieurs années. Peu de véhicules ont été fabriqués, essentiellement pour les besoins de l'usine.
Parallèlement à Kirovabad, la construction de l'usine était achevée à 90% en 1991 et les équipements mis en place à 70%. L'Azerbaïdjan indépendante a essayé en collaboration avec la Turquie de lancer la production de Land-Rover pour ensuite jeter son dévolu sur... des vélos, des machines à coudre et des tondeuses à gazon. C'est sur cette note triste que s'achève l'histoire du UAZ-3737. Le travail effectué sur ce projet n'a pas été vain : les ingénieurs ont acquis une certaine expérience et Makarov a pu transmettre de la documentation à GAZ... ce lui qui aura permis de lancer en 1994 la fameuse GAZelle, extrêmement populaire aujourd'hui et très proche techniquement parlant.
Quant au camion rouge évoqué en début d'article, il a été utilisé pendant de nombreuses années chez UAZ. Il aurait eu sa place dans un musée, mais le pays a changé et n'a visiblement pas encore envie d'apprécier le passé, y compris récent...
Lu sur : http://www.uazbuka.ru/models/uaz-3727.htm
Adaptation VG