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Avec la désignation de son partenaire stratégique, le géant automobile de Togliatti est obligé de s’adapter et travailler selon les lois économiques occidentales. Y compris en matière de communication et de relations avec la presse. Un correspondant de Za Roulem s’est joint à la première délégation de journalistes occidentaux à visiter Togliatti.
« Je l’ai vu ! Je l’ai photographié ! - s’est écrié une journaliste française – J’ai vu un ouvrier taper la portière avec son marteau ! ». Tout en faisant preuve de l’indépendance propre à mon métier, mais aussi pour protéger mon producteur national, j’ai questionné ma consœur pour savoir où elle avait pu voir un tel comportement effrayant dans l’atelier de fabrication super moderne de la Kalina. Elle m’a remmené sur la chaîne à la recherche du marteau « barbare ». Ouf... Il s’avéra que l’ouvrier respectait son process en insérant un joint de caoutchouc avec l’outil adapté. J’ai donc expliqué à cette dame qu’en Corée, en Roumanie ou en Slovaquie les ouvriers travaillent exactement de la même manière, et qu’il est tout à fait possible qu’il en soit de même en France. La journaliste était déconcertée...
Le jour historique où il fut annoncé la première fois l'éventualité d’un partenariat stratégique, technologique et financier entre AvtoVAZ et le groupe Renault-Nissan, les représentants de ce dernier ont déclaré qu’une coopération ne serait possible qu’en respectant les règles occidentales. L’essentiel étant la transparence absolue, en ce qui concerne la production elle-même, mais aussi les relations d’affaire entre les deux parties. Et dans cette liste figurait aussi les relations avec les médias.
La délégation des journalistes étrangers qui a visité l’usine de Togliatti était très importante. Elle comptait des représentants des plus importants journaux économiques – Wall-Street Journal, Financial Times, les éditorialistes des plus grands hebdomadaires généralistes français, des journalistes allemands et des représentants des agences russes d’analyses économiques et financières. Pendant deux jours, ils ont tenté de comprendre ce qu’est AvtoVAZ. A noter que les journalistes russes, à la différence de leurs collègues occidentaux, étaient plus préparés et mieux informées des problématiques de la production automobile. Ils ne se sont d’ailleurs pas formalisés de l’ouvrier tapant le joint en caoutchouc avec son marteau ... en caoutchouc.
« Je vous l’avoue franchement, en me rendant à Togliatti je m’attendais à voir un tableau de la décadence industrielle » m’a déclaré, Andrew Osborn, le correspondant en Russie du Wall-Street Journal. « Je vis à Moscou depuis de nombreuses années et je connais un grand nombre de blagues russes à propos de la qualité des Lada. Pour être sincère, en Europe ces blagues sont aussi très populaires, de sorte que la réputation des Lada est là-bas très mauvaise. Même les prix bas de vos voitures ne constituent plus un argument suffisant pour l’acheteur européen. Vous pouvez donc vous imaginer ce que je m’attendais à découvrir à Togliatti ! ».
Mais Andrew Osborn a été agréablement surpris par ce qu’il a vu : « Je ne suis pas un grand connaisseur du secteur de automobile, mais il me semble que l’usine de Togliatti est tout à fait moderne. En particulier l’atelier de fabrication de la nouvelle Kalina. Je ne suis pas sûr qu’elle se distingue en quoi que ce soit d’une ligne de fabrication de chez Renault ».
Le correspondant du journal français « La Tribune », Emmanuel Grynszpan, se joint à notre conversation : « En deux jours, nous en avons vu plus sur l’industrie russe, qu’en lisant les nombreux rapports, dossiers et exposés sur le sujet. La chaîne de la Kalina utilise une technologie occidentale. La seule différence, essentielle, c’est à mon avis le trop grand nombre d’ouvriers qui travaillent sur cette chaîne. La part de travail manuel est bien évidemment plus élevée chez AvtoVAZ que dans les usines occidentales, mais je dois l’avouer, je m’étonne que l’on nous ait tout montré. Le vieux convoyeur sur lequel on fabrique les Lada traditionnelles à propulsion, contraste tristement avec l’atelier où l’on fabrique la Kalina. Mais au moins on ne nous l’a pas caché ! ».
Emmanuel Grynszpan pense que les spécialistes de Renault ont parfaitementcompris à quels problèmes ils se heurteront chez AvtoVAZ. Que le partenaire russe ne cherche pas à cacher ou de « taire » les endroits les moins accueillants de son usine, est selon le Français, largement positif.
L’envoyée spéciale du Financial Times, Catherine Belton, a été particulièrement impressionnée par la fonderie. Mais le métal en fusion ferait impression sur n’importe qui : « Bien entendu l’aspect du métal brulant n’a aucun intérêt pour mon travail d’analyste économique. Mais cela impressionne et permet à se rendre compte de manière plus profonde de la problématique à laquelle se heurte aujourd’hui AvtoVAZ. J’ai réussi à parler longuement aux nouveaux dirigeants d’AvtoVAZ. Ils m’ont raconté de manière assez sincère les raisons de la crise qui secoue l’usine actuellement, en particulier comment elle lutte avec ses fournisseurs. J’espère que par la suite, on va nous fournir des informations économiques concrètes sur ce qu’AvtoVAZ va devoir faire avec l’aide de Renault. Bref, c’est bien beau de nous emmener en excursion, mais il faut aussi passer à un sérieux travail d’analytique, avec nous, les journalistes... ».
Curieusement, à la fin de ce voyage de deux jours, après la visite de l’usine et du centre technique, après un tour de la piste d’essai en tant que passager d'une Kalina de rallye, une soirée spéciale attendait les journalistes : un match de hockey entre l’équipe « Lada » de Togliatti et les « Severstal » de Cherepovets. Le hockey, c’est une religion à Togliatti. Et bien qu’aucun des journalistes français, anglais ou allemand n’était un grand fan de ce sport très populaire en Russie, à la fin du match cette équipe de presse internationale se faisait du mauvais sang pour Lada.
Les relations avec la presse ne débutent pas de la plus mauvaise des manières, n’est-ce pas ?
Lu sur : https://www.zr.ru/content/articles/15759-novaja_politika_avtovaza_kurs_na_prozrachnost/
Adaptation VG