Comment fabrique-t-on les Chevrolet russes ? Peut-on en Russie fabriquer des voitures de qualité ?
Si on parle de celles qui sortent d’usines construites à partir de zéro, on peut répondre par l’affirmative. Il y a de nombreux exemples. Mais qu'en est-il si on parle de la société mixte construite par General Motors et Avtovaz, celle qui produit les Chevrolet Niva et Viva ? Nombreux sont ceux qui réfléchiront et se souviendront des fréquents rappels de la Niva, peu flatteurs pour sa réputation, les premières années de production. Quant à la Viva peu de gens la connaissent. Il faut toutefois être objectif et remarquer que ces derniers temps on a pratiquement pas entendu de reproches à l’encontre de ces voitures. Est-ce que les gens se sont résignés, ou est-ce que quelque chose a changé ? Pour en avoir le cœur net et répondre à la question, nous avons décidé d’aller à Togliatti pour voir comment ces voitures sont fabriquées.
Sur le chemin de l’usine, en empruntant une des larges avenues de Togliatti, nous avons longé la tour bleutée de la direction d’Avtovaz, et la chaîne de 3 kilomètres de long où sont assemblées les Lada, ainsi que le nouvel atelier d’assemblage des Kalina... L’usine GM-Avtovaz paraît modeste sur son petit terrain. A la différence d’Avtovaz avec ses vieux murs en ruine, elle semble très moderne avec ses murs sympathiquement recouverts de peinture bleue et les terrains qui l'entourent sont d’une propreté remarquable.
La première voiture a été assemblée ici en septembre 2002. Il s’agissait de la Chevrolet Niva. Ensuite est venue la Viva, en fait une Opel Astra tricorps de la première génération, légèrement modifiée. La construction de l’usine et la préparation de la chaîne de production ont demandé seulement 11 mois, ce qui constitue presque un record. Tout le mérite en revient à John Milonas, un homme qui a déjà construit et lancé huit usines.
La tâche la plus difficile pour John Milonas n’était pas la construction de l’usine en elle-même, mais d’inculper au personnel une culture de production à l’occidentale et garantir le niveau de qualité nécessaire. Tous les employés de l’usine ont suivi des cours dans d’autres usines de General Motors et dès le début un sévère système de contrôle de la qualité a été introduit.
A vrai dire, au début tout n’a pas été facile. Selon les statistiques de retours sous garantie, il y a effectivement eu des problèmes avec la qualité. Ce sont les composants assemblés qui posaient le plus de difficultés : tous les fournisseurs n’étaient pas capables d’assurer le niveau de qualité demandé par l’usine. Mais aujourd’hui selon les représentants de l’usine la situation évolue. Toujours selon les statistiques, durant la première année d’utilisation des modèles actuellement produits, les pannes sont trois fois moins fréquentes.
Toutes les opérations problématiques étaient contrôlées par Milonas, qui parfois les effectuaient lui-même pour « donner l’exemple » à l’ouvrier. Il photographiait les différentes étapes de la fabrication et les affichait aux murs de son bureau ... que l’on avait fini par surnommer le « mur des lamentations ». Une photo figurait au mur jusqu’à ce que le problème de qualité soit résolu.
L’usine compte beaucoup de jeunes ouvriers : comme les habitants de la ville nous l’ont confirmé, les jeunes essaient de se faire embaucher chez GM-Avtovaz. Ici les perspectives, tout comme les conditions de travail sont meilleures. Et puis les pratiques sont « jeunes » ici. Par exemple, le casque des ouvriers est caché par une casquette : nous ne l’avions pas remarqué au départ.
A l’intérieur, c’est tout d’abord la propreté et l’ordre qui sautent aux yeux, comme dans les autres usines occidentales. A noter que la société mixte ne fabrique pas les carrosseries de la Niva. Elles arrivent directement à l’atelier de peinture en provenance de Avtovaz sur un convoyeur par un « trou » dans le mur. Les caisses de Viva arrivent aussi par la même porte, mais elles sont soudées sur place par le personnel de GM-Avtovaz. Dans l’atelier de peinture équipé de machine de la société Eisenmann - fournisseur des nombreux constructeurs, la carrosserie passe dans 12 bains (lavage, dégraissage et protection, le process est entièrement automatisé). Après cela la caisse est séchée, polie, mastiquée et reçoit la couche d’apprêt sur lequel sera appliqué directement la peinture. Il est mis à la main, et seuls les ouvriers les plus qualifiés et expérimentés sont admis à ce poste, car plus la couche est régulière et plus il est facile de peindre la carrosserie.
La peinture est apposée par des robots en deux étapes : tout d’abord par un processus électrostatique, et ensuite à air comprimé. Cela va permettre de « retrouver » plus facilement la couleur en cas de réparation d’un élément de carrosserie, car si toute la peinture était apposée de manière électrostatique, elle serait bien entendu un peu meilleure et régulière, mais il serait pratiquement impossible d’obtenir ensuite la même qualité et la même teinte hors de l’usine.
Après peinture la caisse passe dans l’atelier de montage. Il est assez compact et est éclaté en différents postes entre lesquels ont trouve ce qu’on appelle des « zones tampon », où s’accumulent les voitures sorties du poste précédent. Cette solution permet en cas de problème de n’arrêter qu’une partie du convoyeur sans interrompre le travail de toute la chaîne. Dans le même bâtiment on trouve les stocks. Toutes les pièces sont à proximité directe de la chaîne, près du poste qui va les utiliser.
Les portières sont détachées de la caisse et sont expédiées sur une ligne particulière : une fois terminées, elles rejoindront « leur » carrosserie pratiquement à la fin de la ligne d’assemblage. Toutes les opérations effectuées par un ouvrier sur la chaîne est contrôlée. Par exemple, les visseuses disposent de têtes interchangeables pour chaque type de boulons, mais l’opérateur ne pourra pas visser un boulon avec la mauvaise tête, ou visser le mauvais boulon au mauvais endroit. Si tel était le cas, la voiture avec un boulon vissé avec le mauvais outil, ou avec un boulon mis au mauvais endroit s’arrêterait automatiquement sur la chaîne.
En cas de problème, l’ouvrier dispose d’un dispositif spécial : une corde tendue tout au long de la chaîne. En tirant sur celle-ci, l’opérateur peut avertir son chef d’équipe de l’apparition d’un problème. S’il ne peut pas être résolu sur place, le poste concerné peut s’arrêter, ou la voiture peut être retirée de ce poste.
A la fin de la chaîne de montage la voiture passe le contrôle qualité final. C’est à ce moment là que la voiture passe un test d’étanchéité : pendant quelques minutes elle reçoit littéralement des tonnes d’ea. Ensuite elle passe sur un banc à rouleaux, puis un contrôle subjectif est opéré par des collaborateurs de l’usine.
Outre la Chevrolet Niva, GM-Avtovaz produit une autre voiture, la berline Viva. Mais en proportion la première l’emporte largement. Ce n’est donc pas étonnant que sur la chaîne nous n’ayons pas vu une seule Viva. Même à Moscou cette voiture est très rare et peu de gens en ont entendu parler. La voiture est pourtant bien produite, mais en très faible quantité.
Initialement on voulait faire de la Viva une « voiture populaire », un peu comme la Ford Focus. On prévoyait même de transférer à Togliatti l’emboutissage de la carrosserie et la production de moteurs Opel. Mais ces plans n’ont pas été réalisés. Comme nous a expliqué Richard Swando, l’actuel directeur général de GM-Avtovaz, divers éléments empêchent le développement de la Viva. Par exemple, la voiture ne dispose que d’une carrosserie, que d’un moteur 1,8l et que de la boîte mécanique. Et on ne prévoit pour l’instant pas de moteurs plus ou moins puissants, pas de boîte automatique, ou d’autres types de carrosserie. Ensuite, les Russes n’ont pas trop envie d’acheter une voiture qui a déjà été enlevée de la production en Europe. Ils considèrent qu’elle est vieillissante, même si elle surclasse encore nombre de ses concurrentes actuelles.
La situation n’a pas été plus facile avec la Chevrolet Niva. Alors que l’usine était encore en construction, Avtovaz a présenté aux ingénieurs de GM-Avtovaz le projet de cette nouvelle Niva. La voiture n’était pas mauvaise, mais il n’en était pas de même pour la qualité des composants. Il a fallu d’urgence faire des changements profonds : lors du lancement de la voiture, plus de mille problèmes ont été détectés : ainsi on a fait une croix sur la direction assistée électriquement pour une solution hydraulique ZF plus classique, la boîte de vitesse a connu des changements profonds ... A ce propos, le moteur et la boîte de vitesse sont fabriqués chez Avtovaz, mais sur une ligne spécifique « surveillée » par des spécialistes de GM-Avtovaz.
Lors de notre visite, nous avons fait connaissance d’une version spéciale, la Chevrolet Niva Trophy. Ce modèle est équipé de trois blocages de différentiel, de pneus à crampons, d’un nouveau rapport de pont, d’amortisseurs à gaz étudiés pour le tout-terrain, d’un treuil, d’un snorkel, d’une galerie sur le toit. Selon Vadim Klassen, responsables des concepts et des futurs modèles, cette Niva Trophy est idéale pour les chasseurs et les pécheurs. D’ailleurs la majorité des modifications ne portent pas tant sur l’augmentation des qualités de tout-terrain de cette voiture (la Niva avait déjà tout pour elle sur ce point), mais sur l’augmentation de son « indépendance ». Désormais à son volant on peut s’aventurer dans des endroits reculés et difficiles d’accès sans avoir peur d’y rester.
Que doit-on attendre de la société mixte GM-Avtovaz dans le futur proche ? Rien de mauvais. La Niva jouit d’une demande soutenue, et dans quelques temps elle devrait connaître un restyling, avec en plus le très attendu Opel 1,8l FAM1. Cette voiture sera un peu meilleure que l’actuelle Niva au point de vue de la sécurité : sa carrosserie sera renforcée avec de nouvelles zones de déformation programmée, deux airbags, des ceintures de sécurité à prétensionneurs et l’ABS. Elle devrait coûter 538 mille roubles, soit environ 20 mille dollars. Ces évolutions devraient aussi faire leur apparition sur les versions recevant la motorisation habituelle.
La Viva ne devrait pas non plus disparaître avant longtemps : les « rares » voitures qui arrivent dans les concessions ne s’y attardent pas. Selon Richard Swando, la gamme pourrait même s’élargir. Pour l’instant on ne sait pas clairement quel modèle pourrait faire son apparition sur la chaîne : la direction de General Motors n’a pas encore pris cette décision.
Lu sur : http://www.drive.ru/kunst/2006/12/12/121699/po_vsem_standartam.html
Adaptation VG