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Un peu de Porsche chez les Russes.

La firme Porsche a de nombreuses fois fourni ses services à l’industrie automobile soviétique. L’exemple le plus connu est l’amélioration de la Lada Samara. Mais il en existe d’autres dont les acheteurs n’ont pas vraiment eu l’occasion de profiter. Za Roulem revient sur l’histoire de cette collaboration avec les archives exclusives du constructeur allemand.

Dans les années 1970, le constructeur moscovite AZLK vit un tournant de son histoire. Son bureau d’études a créé de nombreux prototypes de modèles destinés à remplacer la Moskvitch-412 mais les fabriquer nécessiterait de profondes transformation dans l’entreprise, y compris la construction de nouveaux bâtiments. De plus, il est décidé d’annuler la commande des nouvelles machines passée à l’étranger car le pays a besoin de faire des économies de devises. Mais le temps passe et la demande sur le modèle 412, devenu vieillissant, baisse rapidement. Le Ministère de l’Industrie Automobile trouve un plan B et propose d'offrir à ce modèle un profond restylage afin de le moderniser un peu. C’est ainsi qu’est conçu le modèle Moskvitch-2140 mais peu de gens savent que Porsche
a également été consulté pour travailler sur ce modèle.

En 1973, dans une lettre qui accompagne le rapport sur le travail effectué sur la Moskvitch-412 et adressée au vice-président du Comité d’Etat pour la technologie et la science, le directeur de Porsche, Ernst Fuhrmann écrit : « Les modifications proposées n’auront pas une grande incidence sur le prix de la voiture, mais elles amélioreront grandement sa qualité et stimuleront les exportations. Fondamentalement, et comme leurs homologues de Moskvitch, les ingénieurs Ouest-Allemands n’ont pas changé la forme de la voiture. Ils ont amenés quelques petites modifications esthétiques (grille de calandre peinte en noir, nouveau logo sur le panneau de coffre) mais les principaux panneaux de carrosserie ne sont pas modifiés. Cela ne fait pas beaucoup mais il possible que la faiblesse du budget n’a pas permis aux Allemands de proposer un traitement plus sérieux !

A l’intérieur, les propositions étaient toutefois plus concrètes et plus originales, comme par exemple les poignées de portes intégrées dans les accoudoirs. Le traitement de la planche de bord était également plus de le temps que celui proposé plus tard en série sur le modèle 2140. Les spécialistes de Porsche ont travaillé sur les éléments existants, sans essayer de les changer. Cela se voit clairement sur le tableau de bord : l’instrumentation fait preuve de plus de raffinement, mais tout reste à la même place. La sécurité passive est améliorée : on a essayé d’intégrer tout ce qui dépasse.

Les designers allemands ont rajouté aux sièges d’origine de la Moskvitch ce qui leur faisait cruellement défaut : maintien latéral (pas beaucoup certes) et appuie-têtes. La future 2140 en disposera aussi mais dans une forme un peu différente. Enfin, Porsche a proposé d’augmenter la capacité du coffre en installant la roue de secours à la verticale et en la dissimulant dans un boîtier.

Par la suite, Porsche est également consulté pour la future Moskvitch. Le bureau d’étude allemand estimait que ce futur modèle ne devrait pas être trop grand : ses principales dimensions sont donc inférieures à celles AZLK-2141 apparue plus tard. Le projet est de faire une propulsion alors que le monde entier passe déjà à la traction avant. Mais pour l’URSS conservatrice, les Allemands ont décidé de rester dans le classique.

Il était clair que la 412 ne pourrait pas vivre éternellement et c’est pourquoi en 1974, au mépris des ingénieurs d’AZLK, le Ministère de l’Industrie Automobile commande à Porsche le développement de toute une gamme de modèles. A l’époque, on n’avait pas encore réellement décidé à quoi devait ressembler cette nouvelle voiture. La célèbre consigne (pour ne pas dire l’ordre) de copier la Simca française, qui a tué tous les développements précédents, est tombée beaucoup plus tard. Le plus intéressant est tout de même de voir comment les spécialistes allemands voyaient la future Moskvitch.

Avant tout, il fallait une voiture fiable et pouvant rouler longtemps ce qui impliquait une faible usure mécanique et une carrosserie résistant à la corrosion. Il faut rappeler que c’est justement à cette époque que Porsche a travaillé sur le concept de la « voiture éternelle » et qu'il a été le premier à produire en série des voitures en acier galvanisé. Dans le rapport présenté figure la phrase : « Une grande longévité entraîne des économies ». On parle d'économie de matières premières, d'énergie et de main d'oeuvre. Autre phase : « Un accès facile au moteur et à la mécanique facilite les réparations et réduit considérablement le temps des interventions de maintenance ».

Les Allemands proposent donc une gamme de 8 modèles. Certains étaient de toute évidence inutiles comme par exemple la berline et le break deux portes ou le coupé. Il y avait par contre dans cette gamme un utilitaire tout-terrain avec de grandes roues, un différentiel autobloquant et des rapports de boîte différents mais sans transmission intégrale afin de maintenir un prix raisonnable. Les Allemands étaient semble-t-il conscients de l’état des routes en URSS puisqu’ils ont toutefois écrit : « Prévoir la possibilité de créer un véhicule tout-terrain à part entière ».

On prévoyait pour cette gamme des moteurs quatre et six cylindres, non seulement à carburateur, mais aussi injectés. La puissance du 4 cylindres s’échelonnait de 60 à 120 ch. Certains moteurs diesel ont également été proposés et les versions six cylindres supposaient le montage d’une boîte automatique et de la direction assistée. Finalement tout ceci est resté sans suite.

Dans les années 70, on a aussi demandé à Porsche de travailler sur un projet de restyling de la VAZ-2103, le modèle le plus avancé du moment à Togliatti. Le client était la compagnie nationale « Vnechtechnika ». Elle a collaboré avec le bureau d’étude allemand dans le cadre d’un accord portant sur la conception et sur des travaux expérimentaux. Les modifications apportées à l’extérieur et à l’intérieur ont été rendues nécessaires par le durcissement des exigences européennes en matière de sécurité. En parallèle, on a identifié des améliorations portant sur l’aérodynamique et sur la réduction des bruits intérieurs et extérieurs. Porsche améliore également avec succès les réglages de suspension, la protection anti-corrosion et modifie le moteur dans le respects des normes européennes. Si cela ne restera qu'un excitant prototype, il faut noter que certaines de ces propositions vont être mises en œuvres sur les futures VAZ-2105 et VAZ-2107.

La collaboration la plus visible est celle qui a amené Porsche à améliorer la VAZ-2108. Il est bon de lister ce qu’ont fait les ingénieurs allemands sur la Samara :

1. Sur le moteur :
* A faire : optimiser le taux de compression, améliorer la puissance, travailler sur les démarrages à froid et à chaud améliorés, accroître l’efficacité du système de refroidissement afin de satisfaire aux exigences en matières d’émissions polluantes et de bruit.
* Ce qui a été fait : accroissement de la rigidité du carter, méthode plus moderne dans le traitement de surfaces des pièces moteurs, montage d’un carburateur Solex pour réduire les émissions polluantes et la consommation de carburant, augmentation de la durée de vie du système d’échappement, modification de la pompe à eau.
2. Sur la transmission :
* A faire : améliorer la longévité des synchros de boîte et de l’embrayage, travailler sur le mauvais toucher de la pédale d’embrayage, réduire la difficulté du passage des vitesses (surtout à basse température), travailler sur le bruit et les fuites au niveau des joints.
* Ce qui a été fait : synchros (réétudiés en partant de zéro), embrayage, différentiel, cardans, tringlerie de passage des vitesses (réétudiée en partant de zéro).
3. Sur la suspension :
* A faire : confort, stabilité et maniabilité médiocres, direction floue et peu fiable, problèmes d’ergonomie et vibrations dans le volant.
* Ce qui a été fait : travail sur la suspension avant et arrière, sur la direction (réétudiée en partant de zéro), volant (amélioré), pédalier (cinématique), freins (optimisation).
4. Sur la carrosserie :
* A faire : non-respect des exigences en matière de sécurité passive (choc frontal et latéral), manque de rigidité de la carrosserie, fuites, aérodynamique médiocre, problèmes de ventilation et de chauffage.
* Ce qui a été fait : amélioration de la face avant jusqu’aux montants de toit, renforts dans le plancher et dans les fixations des sièges et des ceintures de sécurité, renforcement du toit, des portières, du capot, des pare-chocs, des points de fixation du réservoir, tableau de bord, garniture des portières et du plafond, sièges, chauffage et ventilation (en partant de zéro).
5. Sur l’électricité :
* A faire : amélioration de l’allumage pour qu’il fonctionne sur des moteurs avec différents taux de compression, remarques diverses sur les composants électriques, défauts dans l’installation, montage des composants, défauts de câblages.
* Ce qui a été amélioré : système d’allumage, alternateur, starter, éclairage, ventilateur du radiateur, ventilateur du chauffage, instruments de bord, essuie-glace arrière, radio, majorité des témoins de contrôle.

En juillet 1979, se sont tenues à Togliatti des négociations préliminaires durant lesquelles les premiers prototypes de VAZ-2108 sont montrés aux Allemands. Six mois plus tard, l’accord est signé à Stuttgart et trois prototypes roulants sont envoyés au centre d’essais de Weissach. Après deux mois et demi de travail, 467 observations sont notifiées à AvtoVAZ. Elles portent sur la construction (moteur, transmission, suspension, carrosserie). Ces défauts vont être éliminés au fur et à mesure. Des recommandations sont faites par les ingénieurs allemands pour corriger d’autres défauts.

Dans ses rapports, Porsche fait part des retards causés par la partie soviétique. Le processus d’amélioration de la Samara aura été freiné par une coordination longue et difficile à trouver. La version finale du système d’allumage n’a ainsi été adoptée que deux ans et trois mois après le début des travaux d’amélioration et les propositions portant sur l’aérodynamique n’ont été approuvées qu'à la fin de la collaboration, c'est à dire après 32 mois ! Les différents composants et pièces destinés aux essais arrivaient avec beaucoup de retard et était souvent défectueux. Le protocole marquant la fin de la collaboration entre Porsche et Lada a été signé le 31 mai 1984.

Lu sur : http://www.zr.ru/content/articles/523870-chastica_porshe_v_nas/
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #VAZ, #Lada, #Moskvitch, #Porsche