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Des clés de Favorit, un moteur de Tatra 613 et des phares de BMW 850i : voici quelques pièces de ce puzzle appelé MTX Tatra V8. Cette voiture de sport thécoslovaque unique n’a été produite qu’à quatre exemplaires et nous avons pu rouler à bord d’un des plus intéressants, celui exposé au musée de Lany.

Le huit cylindres quatre litres démarre au quart de tour au risque, en ce matin d’août, de réveiller tout le monde dans la petite ville de Lany près de Kladno, là où se trouve la résidence d’été du Président Tchèque. Le bruit s'approche à quelque chose entre une rafale de mitraillettes et la mise à feu de la navette spatiale. La voiture est basse et noire. Richard Trajbold, fils du co-fondateur du musée et qui en est le gestionnaire actuel, est au volant de cette MTX Tatra V8, qui appartient depuis plus de six ans au musée. Nous passons devant les grilles du château pour prendre la direction de Prague.

La collection du musée compte d’autre pièces aussi rares, mais c’est cette Tatra très spéciale qui a la faveur des visiteurs. Ce n’est pas étonnant. Cela fait déjà 19 ans que cette supercar tchécoslovaque a été fabriquée et ni les Tchèques, ni les Slovaques n’ont jamais fait mieux que ce soit en matière de caractéristiques techniques, en prix de vente (en 1993 les 2,74 millions de couronnes tchécoslovaques demandées vous permettaient d’acheter 14 Skoda Favorit) ou en exclusivité. Les prises de vue effectuées au printemps 1990 près de Notre Dame de Lorette à Prague avaient quasiment entraîné une émeute et nécessité l’intervention des services de sécurité et de la police. Les esprits ayant été calmés, ces derniers demandèrent d’ailleurs la permission de monter à bord ou de prendre des photos.

Oubliez les Ferrari, Lamborghini et Maserati. Cette Supertatra, comme la désignait son créateur Vaclav Kral, est beaucoup plus exotique. A l’époque du réalisme socialiste cette voiture, qui fascinait également à l’Ouest, avait de quoi se damner.

La première vraie supercar tchécoslovaque n'a été produite qu'à quatre exemplaires. Le premier exemplaire rouge se trouverait encore en République Tchèque, le second blanc a fini en Allemagne et le quatrième a été livré en kit, sans moteur, aux USA. Un cinquième exemplaire avec un arrière plus imposant et un moteur de Porsche est entre les mains d'un passionné, mais il est trop différent pour le comptabiliser avec les autres.

Celui qui se trouve à Lany est certainement le plus intéressant puisqu'il dispose du moteur le plus puissant de tous et c'est donc le plus rapide. A ce titre, il a établi le 8 mai 1997 le record de vitesse tchèque sur une piste éphémère d'un kilomètre aménagée sur l'ancien aéroport militaire de Hradcany près de Mimon avec une moyenne mesurée à 210,895 km/h. En bout de piste, la voiture atteignait la vitesse d'environ 260km/h et poussait encore. Cet exemplaire noir est donc le troisième prototype. Il a été construit en 1993 pour un client italien qui a parcouru l'Europe à son volant. Ensuite il est retourné chez Metalex puis a fini à Lany. Aujourd'hui son compteur de cet exemplaire affiche un peu plus de 7400km et il est dans un état quasi neuf.

Avec un poids de 1350kg (avec une répartition de 44/56), le moteur d'origine V8 3,5 litres DOHC refroidi par air de la Tatra 613 lui aurait offert des caractéristiques dynamiques excellentes et suffisantes. Mais chez Metalex on avait un point de vue différent et on a installé dans ce coupé un V8 porté à 4 litres (3,919 cm3 pour être précis). Dans cette version "améliorée" le V8, installé longitudinalement sur l'essieu arrière, dispose d'un taux de compression porté à 11,5 et d'une injection Bosch K-Jetronic à la place des carburateurs. Il développe 225 kW au régime maxi de 7,000 tr/min (contre 160 kW pour la version de base à carburateur). Ainsi équipé, la Supertatra peut dépasser les 265 km/h (quand la version la moins puissante plafonne à 246 km/h). Les 100 km/h sont atteints en 5,6 secondes, soit 0,6 sec de moins que les versions basses.

Au volant, on est enclin à enchaîner les 5 vitesses de la boîte manuelle. La zone rouge débute à 5,200 tr/min. Le passage des rapports est relativement ferme mais il faudra s'habituer à la grille pour ne pas faire de mauvaise manipulation en rétrogradant depuis les cinquième et troisième rapports. Compte tenu du couple du V8 on peut facilement démarrer en troisième.

Durant notre galop d'essai, nous nous remettons en mémoire ce que nous connaissons déjà sur ce projet. L'ancien pilote Cyril Svoboda, créateur des voitures de sécurité Narex, était à la recherche d'une base approprié pour opérer sur les circuits. Mais il ne voulait pas prendre de Porsche 911 ou d'autres modèles occidentaux. En 1986, Svoboda s'adresse à Vaclav Kral pour concevoir une voiture de sport à deux places reposant sur la technologie nationale et qui pourrait servir de safety-car. Pour réaliser deux exemplaires de cette voiture, ils font appel à la firme Metalex, spécialisée dans la construction de voitures de course.

Après la chute du régime communiste, le projet est revu dans son ensemble et adapté pour en faire un véhicule destiné à un usage routier normal et une clientèle exigeante. Cette Supertatra devient une véritable star lorsqu'elle est dévoilée à l'occasion du Salon de l'automobile de Prague en 1991. Les documents promotionnels distribués sur le stand indiquent que la compagnie MTX à l'intention de la produire en série. Pourtant cette voiture ne sera en tout et pour tout produite qu'à quatre exemplaires. Beaucoup de candidats à l'achat auront peut être été découragés par son prix de base : 2,740,000 couronnes tchécoslovaques. A titre de comparaison, une Ferrari Mondial plus aboutie et à l'image de marque nettement meilleure ne valait à l'époque pas plus de 400,000 couronnes.

Richard Trajbold estime aujourd'hui le prix de la Supertatra à 7 millions de couronnes tchèques (soit environ 282,000 euros). Cela peut sembler beaucoup mais ce prix est vraiment difficile à estimer. La valeur d'une telle "rareté" est toujours difficile à déterminer et il dépend aussi de ce que serait prêt à aligner l'acheteur potentiel.

Les personnes mesurant moins de 180cm pourront s'installer naturellement et confortablement au volant ou à la place passager, même si la montée à bord (ou pour être précis la descente) s'apparente un peu à la performance d'un casse-cou ou d'un acrobate. Pour un maximum de rigidité de son châssis tubulaire, les seuils de portières sont très hauts et larges. Pour s'installer à bord il est donc préférable de s'assoir sur le rebord et de plonger en même temps les deux pieds à l'intérieur.

Si vous réussissez à passer votre pied gauche, vous aurez quasiment gagné. C'est peut-être comme cela que le voyait Vaclav Kral car la planche de bord semble découpée pour laisser passer la pointe de la chaussure ! Si le tableau de bord peut paraître trop simpliste, il est néanmoins bien agencé. La clé de Skoda Favorit, les boutons ou d'autres éléments intérieurs de même origine peuvent sembler incongrus mais devaient correspondre aux possibilités financières du début du projet. Si on trouve deux haut-parleurs près de la lunette arrière, on remarque que l'autoradio est absent. Mais est-ce important quand on sait que de l'autre côté de la cloison le moteur V8 à l'intonation riche et attrayante lui fait concurrence ?

A l'intérieur on reconnaît les commandes de climatisation ou l'allume cigare de la légendaire 613, mais ses concepteurs ont oublié que la fumée dans l'habitacle devrait être dissipée. Il n'y a pas de ventilation et on ne peut même pas ouvrir les vitres latérales. L'air ne circule donc pas et en été l'habitacle devient un véritable sauna. C'est peut-être la raison pour laquelle, l'Italien qui possédait cet exemplaire a finalement décidé de le laisser en permanence au garage. Le pare-brise en verre feuilleté a été réalisé spécialement par la société Thorax, le même fournisseur que Skoda.

Il n'était par contre pas question de faire des économies sur l'éclairage. C'est ainsi la BMW 850i qui fournit les projecteurs et leurs moteurs électriques. Et ce fut un bon choix ! La rapidité avec laquelle ils s'ouvrent et se referment fascine encore aujourd'hui. Sans eux, la Supertatra ne serait peut être pas aussi spectaculaire. Près de vingt ans après, la qualité de la peinture est surprenante. Malgré quelques éclats, elle ne montre aucun signe d'usure. La carrosserie en fibre de verre est correctement assemblée, mais quand on sait que la production en série prévoyait des panneaux de carrosserie en kevlar, un matériau beaucoup plus léger et plus solide...

La structure tubulaire est très rigide et la voiture ne prend pratiquement pas de roulis. Cette Supertatra tient bien la route mais à des vitesses très élevées il convient d'avoir quelques notions de pilotage. L'aérodynamique a été étudiée de façon empirique et la voiture n'est jamais passée en soufflerie. La vision vers l'avant est très bonne mais elle est catastrophique vers l'arrière. Il faut mettre en cause les rétroviseurs très étroits et mal placés dans lesquels le conducteur ne voit que les ailes arrière et pratiquement rien de ce qui se passe derrière la voiture.

Le système de freinage à double circuit avec servofrein à dépression provient des modèles de Koprivnice comme de nombreuses autres pièces. Il commande quatre freins à disque, mais seuls ceux situés à l'avant sont ventilés. On remarque que sur l'exemplaire noir l'espace entre les pneus (245/40 ZR 17 à l'avant et 335/35 ZR 17 à l'arrière) et les passages de roues est très important. C'est parce que son propriétaire italien avait souhaité augmenter la garde au sol. Il avait également fait installer un autre "gadget" intéressant : un régulateur de vitesse. Les spectaculaires jantes en alliages 17 pouces OZ Racing Futura était un très bon choix et vont comme un gant à la Supertatra. On les trouvait également sur la première maquette et c'est un slovaque vivant en Suisse, Karol Galuska, qui les avait choisies. La société italienne OZ a été tellement fascinée par le projet tchécoslovaque qu'elle les aurait fournies gratuitement et proposé des prix réduits par la suite.

La MTX Tatra V8 reste la première et dernière supercar tchèque jamais produite. Après avoir coupé le contact, elle a repris sa place au musée de Lany où elle servira encore de référence aux générations futures. Elle prouve qu'avec des moyens très limités, mais beaucoup d'enthousiasme et d'efforts ont peut créer quelque chose d'extraordinaire. Vaclav Kral, avec son fils Jiri, a développé dans les années 1992-1993 une autre voiture de sport, l'Inno Tech Mysterro. Ils ont obtenu pour celle-ci le Prix National de Design en 1993. Mais ce véhicule extravagant, resté exemplaire unique, n'avait pas de moteur. Mais ça, c'est une autre histoire...

 

Historique de son développement : Le premier dessin de Vaclav Kral d'un coupé compact de 4,25m de long sur un empattement de 2,65m et mesurant seulement 1,16m de haut date de septembre 1986. Ses formes extérieures extravagantes se distinguaient par un aileron dorsal à l'arrière avec deux rangées de lames, rappelant la légendaire Tatra 87. Entre 1987 et 1988 il dessine d'autres versions avec un empattement de 2,70m pour une longueur totale de 4,5 à 4,6 mètres et des formes aérodynamiques significativement plus arrondies. Pour la première fois, Vaclav Kral emploie le nom de Supertatra. Une maquette en bois à l'échelle 1 du futur véhicule est réalisée dans l'espace confiné d'un petit garage privé à Kralupy nad Vltavou de mars 1989 au printemps 1990. La même année, en septembre, les ateliers Metalex de Plzen débute la construction du premier châssis. Il s'agit d'une armature en tube d'acier de section circulaire sur lequel est installée une suspension renforcée avec triangles et jambes de force McPherson à l'avant et poutre inclinée et ressorts hélicoïdaux à l'arrière provenant de la Tatra 613. Parmi les concepteurs de la voiture on trouve Antonin Filipek et Vladimir Friml. Au printemps 1991, la carrosserie en fibre de verre est terminée et l'assemblage final commence. En juin de la même année, les premiers essais ont lieu sur l'autodrome de Most avec à son volant, le pilote de course et directeur de MTX, Petr Bold. C'est également la seule fois où son créateur, Vaclav Kral, aura l'occasion de rouler avec, mais seulement en tant que passager. En octobre 1991, elle fait sa première apparition publique au Salon de l'Automobile de Prague.

 

Caractéristiques techniques :

  • Moteur : V8i
  • Disposition / Carburant : moteur longitudinal arrière / essence
  • Transmission / nb de rapports : Manuelle / 5
  • Cylindrée cm3 : 3919
  • Puissance maximale kW/ch : 225/305 à 6,500 tr/mn
  • Couple : 365Nm à 5,200 tr/mn
  • Longueur x largeur x hauteur (mm) : 4600 x 1980 x 1170
  • Empattement (mm) : 2700
  • Poids à vide (kg) : 1350
  • Vitesse maximale (km/ h) : environ 265
  • Accélération 0 à 100 km/h : 5,6 sec

Lu sur : http://autoviny.zoznam.sk/cl/100201/1000275/MTX-Tatra-V8i
Adaptation VG

Tag(s) : #Tatra, #Metalex, #MTX V8, #Histoire, #Essai, #Kral, #Supercar