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Après que le vent de liberté, porté par les ballades romantiques du groupe Scorpion, ait déferlé sur la grande et puissante Union Soviétique, l’industrie automobile du pays connait une profonde mutation. Si elle se développait auparavant au rythme des exigences du plan quinquennal, ces nouvelles conditions lui ouvrent des perspectives jusqu’alors inaccessibles. Il n’est, par exemple, plus interdit de coopérer avec des organisations étrangères ou avec des personnes privées.
C’est ainsi que mi-1992, NAMI, la plus ancienne université automobile du pays, reçoit un certain Alberto Strazzari le directeur de la société italienne Engines Engineering. Cet homme d’affaire entreprenant, comme de nombreux autres étrangers, s’est précipité en Russie pour profiter des opportunités offertes par l’ouverture de l’URSS; avec l’espoir d’en tirer de juteux profits. Ce n’est pas un secret, mais au début des années 90, l'Institut NAMI forme aux techniques de pointe des ingénieurs de niveau mondial. Rappelez-vous par exemple de la navette spatiale Buran. Strazzari a compris qu’il pourra tirer parti des ingénieurs soviétiques pour quelques kopecks.
Il propose tout d’abord à NAMI la création d’une joint-venture portant le nom de Eco Engines destinée à la production de divers équipements et des moteurs. Il a ensuite une idée encore plus intéressante. Il suggère la création d’un petit roadster sportif, qui pourrait être commercialisé à la fois en Russie et à l’étranger. Selon lui, une voiture de ce type pourrait se faire une place dans la niche de marché encore peu exploitée des petits roadster à prix abordables. Ce serait le cas notamment sur le marché russe, qui souffre encore d’un déficit chronique en matière d’offre, et sur lequel un cabriolet deux portes sportif, pas cher et stylé pourrait se vendre littéralement comme des petits pains. Strazzari fait part de son optimisme à ses partenaires de NAMI et les travaux sont lancés.
On s’inspire des roadsters anglais classiques et de la Mazda MX-5, créée à l’époque comme un clin d’œil aux voitures britanniques. Alberto Strazzari n’est pas encore pleinement conscient des difficultés que va rencontre son projet, mais il sait au moins quel type de voiture il veut : un cabriolet dont le prix n’excédera pas $15,000. Pour un bon retour sur investissement, on choisit une voiture donneuse des plus courantes : la berline VAZ-2106. Il s’agit d’une propulsion, très bon marché et qui ne nécessitera pas de modifications coûteuses. Mais Strazzari doit aussi rapidement faire face à la sombre réalité de la Russie de l’après-perestroïka. Mais il est déjà trop tard...
Dans un délai très court, les ingénieurs et les designers de NAMI développent une nouvelle voiture baptisée « Oda ». Le dessin est signé de Guennadi Korsakovitch. A son grand dam car convaincu qu’il est pire que sa première proposition, c'est celui que choisit Strazzari. Alexandre Mironov, qui a aussi conçu lui-même le toit rigide escamotable - d’ailleurs breveté - est le principal concepteur de cette voiture. Il utilise largement des pièces provenant des Lada, principalement parce qu’il n’y a tout simplement rien d’autre à portée de main. Le mécanisme de direction vient de l’Oka, la suspension de la VAZ-2101, le pare-brise de la VAZ-2108, les sièges de la « Semerka », le moteur de la Niva, etc...
Une maquette statique à l’échelle 1 de l’Oda est réalisée. En décembre 1992, elle est présentée au Salon de l’Automobile de Bologne, en Italie. Alberto Strazzari avait hâte de voir la réaction des acheteurs potentiels. De manière générale, il ne s’est pas trompé et si elle ne fait pas fureur, elle provoque un certain intérêt. Plus tard, cette maquette est également exposée sur d’autres salons où elle attire également l’attention des visiteurs ordinaires et des professionnels. Il faut dire que personne ne s’attendait que la nouvelle Russie démocratique, où tout s’écroule au point que l’on y frise la guerre civile, puisse créer une voiture de ce type. D’autant plus cette Oda se présente bien et est tout à fait originale...
Satisfait de la réaction du public, Strazzari attend la fin de la construction du premier prototype et s’attèle à la partie la plus difficile du projet : trouver un partenaire pour sa production en série. Comme on s’y attendait la voiture est réellement bon marché. Son coût de production ne devrait pas dépasser les $6,000 ! Le projet est donc très prometteur mais si le développement n’a pas coûté un kopeck, il faut toutefois de l’argent pour continuer l’aventure.
Strazzari aurait pu s’affranchir de ce problème s’il ne s’était pas heurté à la bureaucratie russe, l’indifférence, l’inertie et une multitude de petits problèmes. Visiblement il ne s’y était pas préparé et il a même envisagé de produire l’Oda en Turquie ou en Inde où la Fiat 124 a été fabriqué et où, par conséquent, il n’y avait pas de difficulté pour se procurer des pièces détachées. Il a fini par perdre son enthousiasme, la recherche d’un partenaire étant dans l’impasse, pour tout simplement tourner la page de ce beau projet.
L’Oda, la première voiture de sport russe n’a donc été fabriquée qu’à un seul exemplaire et qui sait quel aurait été son destin si Alberto Strazzari avait eu plus de patience et fait preuve de plus persévérance. On prévoyait de commercialiser l’Oda en Russie pour environ $10,000. Même à l’époque, ce n’était pas si cher et il n’y avait ni en Russie, ni ailleurs dans le monde, de roadster aussi accessible.
Strazzari avait raison. En Europe et en Russie cette voiture aurait certainement trouvé son public. Mais si l’Oda était en avance sur son temps, elle n’avait aucune chance d’entrer en production compte tenu des réalités des années quatre-vingt-dix en Russie et elle n’a fait qu’involontairement poser l’équation qu’ont connues après elle les autres voitures de sport russe, Russo-Baltique ou Revolt par exemple, tombées rapidement dans l’oubli. A l’exception peut-être de la Marussia, aucune voiture de sport russe n’a pu briller sur les routes du pays. Il ne faut toutefois pas oublier que la Russie a vu naître des projets intéressants dont la seule faute est d’être apparus au mauvais moment et au mauvais endroit.
Caractéristiques techniques du roadster Oda (1993) :
- nombre de places : 2
- poids à vide : 850 kg
- Lxlxh : 3,98x1,68x1,25 (hauteur toit en place)
- garde au sol : 124mm
- moteur : VAZ-2121 1600 cm3, 80ch et 122 Nm
- boîte de vitesses à cinq rapports
- pneus : 195/55 R15
- accélération de 0 à 100 km/h : 12,7 sec
- vitesse maxi : 172 km/h
- consommation en cycle urbain : 10,3 litres
- prix estimé : $10,000 (Russie) , $15,000 (Europe)
Légende des photos :
- A la première étape du projet, VAZ a signé un accord formel pour la fourniture de différents composants pour le roadster Oda : moteur, transmission, direction, suspension, sièges, éléments de la structure. On envisageait d’en lancer la production dès le début des années 90 dans l’usine de Chouïa (région d’Ivanovo) : les équipements avaient même été achetés et des ouvriers avaient suivi une formation chez différents constructeurs ! La fabrication, le soudage et la peinture devaient être effectués dans un même atelier. Mais en 1994, l’usine de Chouïa a subi une OPA hostile, ce qui est l’une des causes principales de l’abandon du projet Oda.
Lu sur : http://auto.mail.ru/article.html?id=40113
Voir aussi : http://autos.dir.groups.yahoo.com/group/Sovietauto/message/6438 (lien temporaire)
Adaptation VG