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Chaque année, cette organisation livrait plus de 100,000 Trabant, Skoda, Lada et autres modèles des usines automobiles du bloc de l’Est, définissant le paysage urbain de la Hongrie bien après l'ère Kadar. Mais après l'enthousiasme initial, l'entreprise monopolistique de distribution de voitures est également devenue la cible de la colère des citoyens, car l'argent économisé et la longue attente se traduisaient souvent par un véhicule d'une couleur différente de celle attendue ou d'une qualité douteuse.
Des générations entières se souviennent du grand moment où la famille, munie de sandwichs, partait en train ou dans la voiture d'un ami pour aller chercher leur nouveau véhicule à quatre-roues dans un dépôt de l’organisation Merkur. Cela valait la peine d'arriver à l'ouverture, et les heures passées dans la salle d'attente où l'on fumait des cigarettes ne semblaient rien en comparaison des années qui s'étaient écoulées depuis la commande de la voiture et le versement d'un acompte, soit au moins une ou deux années, parfois quatre ou cinq. Certains attendaient patiemment le facteur avec le bon de livraison, tandis que d'autres vérifiaient régulièrement l'état des numéros d'ordre au showroom du square Martinelli ou à Autó-Motor.
Aujourd'hui, à l'ère des configurateurs sur internet et des contrats de leasing, la longueur de la procédure semble incroyable, et même au moment de son heureux dénouement, elle réservait encore des surprises. Dans les halls de livraison de Merkur à Budapest (à Csepel et Gubacsi ut), Győr et Debrecen, les représentants accompagnaient souvent l'acheteur vers une voiture d'une couleur complètement différente de celle qu'il avait commandée, plusieurs années auparavant, si ce n'est d'un exemplaire défectueux. Ainsi, après l'inspection et les formalités administratives, il était parfois possible de repartir avec une Wartburg verte au lieu d'une blanche, ou une Polski-Fiat qui était passée du bordeaux au bleu.
Pour des raisons de sécurité, et évidemment d'économie, il ne restait presque plus de carburant dans le réservoir, il fallait donc s'arrêter à la première station-service, puis venaient les heureux kilomètres du retour, au pas de course bien sûr. Le clou du spectacle était sans aucun doute le stationnement devant la maison, sous les regards évaluateurs ou envieux des voisins, qui pouvaient parfois être méprisants. Bien sûr, la vérité est que tout le monde était dans le même bateau à l'époque : il y avait environ six ou huit marques socialistes à choisir, et l’offre (pour les acheteurs privés) était loin d'être aussi large que dans l'Occident capitaliste.
Pour comprendre pourquoi tout cela était si important, il convient de revenir sur les conditions difficiles sous l'ère Rakosi : il n'était pas possible d'acheter une voiture neuve, les voitures existantes devaient être offertes à l'État, et la conduite n'était un privilège que pour un petit groupe de personnes ayant droit à des bons d'essence. Tirant en partie les leçons de la révolution de 1956, le régime de Kadar s'est efforcé d'améliorer le niveau de vie, notamment en autorisant la possession d'une voiture comme une sorte de « mesure de bien-être » - en d'autres termes, il voulait mettre le peuple sur quatre roues plutôt que sur deux.
Les conditions préalables à cette mobilité individuelle de masse ont été créées en 1957-58 avec la réintroduction de la possibilité d'acheter une voiture, l'ouverture du premier showroom automobile dans la République populaire, l'introduction de nouvelles plaques d'immatriculation à deux lettres et quatre chiffres, le développement du réseau de stations-services Afor et de parkings. Les routes ont commencé à être agrandies (quelques années plus tard, la construction de la première autoroute, la M7, a également commencé). Après cela, il n'a pas fallu attendre longtemps pour voir la renaissance du sport automobile hongrois.
Bien que les premières Wartburg 311, Moskvitch 402 et Skoda 440 Spartak aient été vendues entre 40 et 45,000 forints, seuls quelques privilégiés y avaient accès. Au départ, la Belkereskedelmi Gepkwagenjavito et plus tard la Csepel Kerekpar étaient responsables des ventes (l'importateur était toujours Mogürt), mais les achats, le stockage et la distribution étaient chaotiques. L'introduction de la Trabant P50 à faible prix a suscité beaucoup d'intérêt, si bien qu'en 1962, un système de pré-commande a été mis en place et, au début de l'année 64, l’organisme de vente de voitures particulières Merkur a été créée.
Cinq ans plus tard, une voiture sur trois livrée était une Trabant, et le 15 juin 1971, les journaux annonçaient que le Dr Zsadanyi Ottine avait pris livraison de la première Jigouli du pays. Dès lors, le modèle soviétique, construit sous licence Fiat avec de nombreuses pièces provenant de fournisseurs hongrois, est devenu le préféré des familles, et ceux d’autant plus que les Volga et Tatra, plus grandes, n'étaient pas disponibles pour le grand public, tout comme les petits véhicules commerciaux (tels que les Barkas) et les véhicules tout-terrain (ARO). Au fil du temps, Merkur a livré plus de 100,000 voitures par an, mais n'était pas en mesure de répondre à la demande de la clientèle.
L’offre a toujours été limitée, seuls quelques modèles offrant le choix entre deux moteurs (les Skoda ou les Lada par exemple) ou deux niveaux d'équipement. La liste des options était pratiquement inexistante. Certains modèles étaient proposés avec une radio montée en usine, et les Wartburg avaient un toit ouvrant pour donner une impression de liberté. Plus grave encore, dans les années 1980, la gamme était devenue désespérément obsolète, tant sur le plan du design que du contenu technique, en particulier les modèles à deux temps de la RDA et les modèles tchécoslovaques à moteur agricole. La raison est que dans l'économie planifiée soumise à des contraintes monétaires, les développements prenaient du temps.
Lorsque la plupart des modèles relativement modernes de « voitures à hayon socialistes », tels que la Lada Samara et la Skoda Favorit, sont arrivés, le changement de régime avait eu lieu et tout le monde voulait rouler dans une voiture occidentale. En 1993, peu après l'ouverture de l’usine Suzuki à Esztergom et d'Opel à Szentgotthard, l’organisation Merkur a fermé ses portes et, encore aujourd’hui, son image reste mitigée.
Beaucoup en sont nostalgiques, d'autres souhaitent l'enfer à cette entreprise monopolistique, favorisée par certains et fortement exposée aux constructeurs du bloc de l’Est. Mais une chose est sûre : au cours de son existence, elle a vendu plus de 2,2 millions de voitures et inondé les routes du pays.
Non seulement Merkur était en conflit permanent avec les constructeurs automobiles du bloc de l’Est, mais il y avait aussi toute une série de problèmes de qualité. Les problèmes de conception, tels que les systèmes de refroidissement délicats des voitures Skoda, ne pouvaient évidemment pas être modifiés, mais de nombreuses réparations devaient être effectuées en interne dans le cadre de l'inspection de révision avant la livraison. Malgré cela, de nombreuses plaintes ont été déposées, en particulier au sujet des fameuses Dacia des années 1980, qui étaient quasi-reconstruites avant d’être distribuées aux clients Hongrois.
A noter qu’en 1968, année de l'expérience de réforme connue sous le nom de Nouveau mécanisme économique, un total de 13,000 Fiat 500 et 850 et VW Coccinelle, ainsi que quelques centaines de Renault 16, sont arrivées chez Merkur. Ces véhicules ont fait l'objet d'une véritable ruée, mais par la suite, la proportion de voitures occidentales a diminué, les envois occasionnels consistant souvent en des échanges contre des produits agricoles ou des bus Ikarus, par exemple. Quiconque voulait une voiture ouest-allemande, italienne, française ou américaine et qui n'était pas un acteur célèbre ou un sportif d'élite, pouvait en obtenir une comme cadeau d'un parent étranger, d'un service étranger ou en dollar auprès de Konsumex.
Pendant des décennies, la vente de voitures neuves, mais aussi de voitures d'occasion, a été un monopole d'État (bien sûr, il y avait aussi des ventes privées, principalement par le biais de petites annonces). Les deux succursales de Merkur à Budapest ont toujours attiré les foules car, malgré des prix élevés, elles permettaient d'éviter des années d'attente. Après l'ouverture des portes, le premier à courir vers une voiture d'occasion était le premier à l'obtenir, et de nombreux acheteurs étaient donc des sportifs accomplis. Plus tard, on a mis en place des tirages au sort.
Légende :
- Une femme venue de la campagne se prépare à recevoir la voiture familiale dans la salle d'attente de l'organisation Merkur, rue Petroleum. La livraison n’était pas rapide en Hongrie, mais en RDA, le délai d'attente pouvait aller jusqu'à 15 ans.
- Peu d'États du bloc de l’Est était aussi dépendant des importations que la Hongrie qui ne disposait pas de sa propre industrie automobile. En de rares occasions (par exemple, pour la ZAZ-965), le KERMI opposait son veto à la commercialisation.
- Mise en scène pour la Foire Internationale de Budapest en 1971, un tracteur Star polonais est présenté avec une cargaison de Polski-Fiat.
- Jusqu’au milieu des années 1960, la plupart des Hongrois ne pouvaient se déplacer qu’à moto.
- Ce sont surtout les privilégiés qui ont eu accès à la très convoitée Skoda Felicia. En 1960, il n'y avait que 30,000 voitures en circulation. En 1980, il y en avait plus d'un million, et ce chiffre avait doublé en 1991.
- Après une inspection minutieuse, les voitures étaient nettoyées ou réparées. En effet les Jigouli très appréciées et livrées par train, subissaient des vols de pièces détachées dans les gares soviétiques.
- En 1980, la 200,000e Trabant est livrée au port franc de Csepel. Bien que la Trabant 601 pour cette célébration ait été un modèle De Luxe, seules les versions de base étaient vendues dans le pays.
- Merkur s'occupait également de la vente de pièces détachées et d'accessoires, et l'un des succès de l'époque était l'appuie-tête en seconde monte. Autoker et Autotechnika entretenaient un réseau national encore plus vaste de revendeurs spécialisés.
- En 1983, une Lada de forme cubique était exposée dans la vitrine du showroom du square Martinelli. Quelques années plus tard, les prix proposés par Merkur ont également été affectés par l'inflation, mais il était encore possible d'économiser de l'argent en achetant des voitures présentant des défauts d’aspect.
- Les voitures neuves devaient passer une inspection et, après des petites ou grandes réparations, être testées. Le manque de pièces détachées et la mauvaise qualité de certains modèles ont constitué un défi, et il est arrivé qu'elles tombent en panne sur le chemin du retour.
- Des Fiat 127 attendent d'être livrées, mais pas autant que des 850. L’Italienne coûtait 106,900 forints, soit le prix de deux Trabant et même plus que le coupé Skoda 110 R tant convoité.
- Voici à quoi ressemblait le centre de la rue Öv en 1981. Des voitures d'occasion récentes étaient souvent plus chères que les neuves ; les GAZ-13 Tchaïka à l'arrière-plan finissaient souvent entre les mains de maraichers.
Lu sur : https://www.origo.hu/auto/2024/02/evekig-kellett-varni-ra-a-szine-sem-stimmelt-de-legalabb-uj-auto-volt
Adaptation VG