Il y a 35 ans, Carola Schatz et Wilfried Gutacker partent avec leur Trabi - via la Tchécoslovaquie, la Hongrie et l'Autriche jusqu'à Passau. Ils se souviennent de leur mémorable voyage en 1989.
Le 19 août 1989, le rideau de fer est entrouvert : La Hongrie ouvre la frontière avec l'Autriche près de Sopron - pour trois heures. Ce qui commence comme un pique-nique transfrontalier pour la paix se termine par la fuite de près de 700 citoyens de la RDA. Même si les Allemands de l'Est qui se sont réfugiés dans l'ambassade de la République Fédérale Allemande à Prague peuvent partir vers l'Ouest, la situation générale en RDA reste très instable. Les protestations contre le régime y sont de plus en plus fortes. « Nous sommes le peuple ! » (« Wir sind das Volk! ») crient des milliers de personnes. Mais l'insécurité est grande. Carola Schatz et Wilfried Gutacker partent tout de même au volant de leur Trabi.
6 octobre 1989.
Les sacs sont faits, la voiture préparée. Wille a caché nos papiers dans les sièges de la Trabant. Nous apportons notre nouveau téléviseur couleur. Imaginez un peu : nous avons planifié notre fuite et acheté en même temps un téléviseur hors de prix. Une tactique ! Jusqu'à présent, personne dans la famille ne sait ce que nous voulons faire.
7 octobre 1989, 6 heures.
Ce soir, soit on passe la frontière, soit on est en prison ! En apparence, je suis plutôt calme, mais avec le bébé, il y a de la vie. Je suis au début du septième mois. Wille conduit de manière très calme : éviter les risques. Zut : la courroie a lâché ! Wille a des pièces de rechange. Au poste frontière avec la Tchécoslovaquie : pas d'affluence. Contrôle des papiers et des bagages. J'ai des contractions à cause de la peur. Après un moment, nous pouvons poursuivre notre route. Contrôle du véhicule ! Un garde-frontière veut démonter le revêtement de la portière. Wille enfile - en un clin d'œil - sa blouse de travail et commence à démonter lui-même le revêtement.
Je peux rester dans la voiture. Soudain, le garde-frontière dit : « Allons à la radioscopie ». Ils nous tiennent maintenant ! Ils trouvent les papiers. Nous finissons en prison ! Je m'efforce de descendre du siège passager en gémissant, je sursaute, je tiens mon ventre. « Montez et démarrez », me souffle le garde-frontière.
Nous sommes en Tchécoslovaquie ! A la radio, ils diffusent en permanence des informations sur les « vacanciers » qu'ils font descendre du train et sur les troubles à l'ambassade d'Allemagne. Au milieu de la route de campagne : un soldat, mitraillette au poing, pointée directement sur nous. Il va nous tuer ! Nous nous dirigeons lentement vers lui, nous nous arrêtons devant lui. Il se déplace légèrement sur le côté, toujours en nous visant. Puis il veut voir nos papiers. Dieu merci, il voit aussi mon ventre et nous laisse partir.
7 octobre 1989, 22 heures.
Les maisons au bord de la route ont l'air différentes : la Hongrie ! Le lendemain matin, les ponts illuminés de Budapest sur le Danube. Soudain, un craquement à l'avant, rupture de l'essieu. Dans cet hôtel de Budapest, nous nous plaignons de notre Trabi en panne. Nous devons nous adresser à l'ambassade de RDA. Un chauffeur de taxi doit nous indiquer le chemin. Il a l'air déconcerté, mais nous y emmène - contre paiement. Lorsque nous disons à ces messieurs que nous ne savons pas comment rentrer chez nous, ils se montrent d'un coup très aimables. Ils désignent immédiatement un garage qui fait les comptes avec l'assurance de la RDA et conviennent d'un rendez-vous : dans deux jours. S'ils savaient qu'ils ne doivent réparer notre Trabi que pour que nous puissions partir confortablement à l'Ouest !
Après la réparation, nous allons en taxi à l'ambassade, cette fois-ci Ouest-allemande. Sur place, nous apprenons que l'Autriche et la Hongrie ont ouvert la « frontière verte » aux « Zonis » (surnom donné au habitants de la RDA). Nous nous mettons donc en route nous-mêmes avec notre Trabi. En chemin, nous prenons encore une jeune fille qui veut aussi traverser. C'est très imprudent : de sa part et de la nôtre. À un moment donné, au bord de l'autoroute : une sorte de maison de garde-barrière. Wille veut demander si c'est encore loin. Tout à coup, il arrive en courant et en riant, saute sur le capot de la Trabi : « On a réussi, on a réussi ». Nous sommes en Autriche ! Des larmes coulent.
12 octobre 1989, 23h30.
Arrivée au camp d'accueil de Passau, une caserne de la Bundesgrenzschutz. Sur le bordereau d'enregistrement : « Avez-vous eu des contacts avec le ministère de la Sécurité d'État ? ». Je dois répondre par l'affirmative. On me demande de me rendre dans une pièce séparée. Deux hommes et une femme du Bundesnachrichtendienst m'interrogent. Je raconte mes demandes de sortie du territoire, les discussions avec mes camarades du ministère de l'Intérieur, la terreur psychologique, mon arrestation. Je me sens sale et crasseux : irresponsable, rejeté, un moins que rien. Comme on me l'a fait croire pendant des années. Mais la femme du BND me dit : « Beaucoup ont vécu cela. Ce n'était pas de votre faute. Il y avait une Méthode ». C'est nouveau pour moi ! C'est la première fois que je parle de cela avec quelqu'un.
19 août 1989 : « Pique-nique paneuropéen » à Sopron.
Ce jour-là, la frontière entre la Hongrie et l'Autriche près de Sopron est le théâtre de la plus grande fuite de masse depuis la construction du Mur. Plus de 600 citoyens de la RDA profitent d’un « pique-nique paneuropéen » pour s'enfuir. L'événement à la frontière avait été initié par des politiciens hongrois réformateurs. En ouvrant symboliquement la porte de la frontière avec l'Autriche, les organisateurs voulaient manifester en faveur d'une suppression des frontières et d'une Europe unie. La porte a été refermée au bout de trois heures.
Comme on l'a appris plus tard, seul un accord de statu quo entre le ministre hongrois de l'Intérieur, le ministre d'État Pozgay et le chef des troupes frontalières avait permis à des centaines de réfugiés de franchir la frontière sans danger. En même temps, les Hongrois voulaient tester par cette action comment et si l'Union Soviétique allait réagir.
Lu sur : https://www.ndr.de/geschichte/chronologie/Flucht-aus-Rostock-letzte-Ausfahrt-Ungarn-,letzteausfahrtungarn100.html
Adaptation VG