C'est principalement en raison des conditions de production rudimentaires que seuls 36,000 exemplaires de la P70, avec un châssis en bois mais une carrosserie en plastique pionnière (le fameux Duroplast) et son moteur à deux temps, ont été fabriqués. La petite voiture Est-allemande n'en revêt pas moins une importance historique, car elle a ouvert la voie à la Trabant, qui s'est vendue à trois millions d'exemplaires au cours des décennies suivantes. Dans le même temps, de nombreux Hongrois en ont rêvé, généralement en vain.
Après la création du nouvel État socialiste allemand, la RDA, avec l'aide des Soviétiques, et la violente nationalisation du pays, la VEB Automobilwerk Zwickau a été fondée sur l'ancien site d'Audi et a commencé à produire des copies de DKW sous le nom d'IFA F8. Conçus avant la Seconde Guerre mondiale, ces modèles aux ailes saillantes étaient depuis longtemps démodés, et la pénurie de fer en Allemagne de l'Est était telle que les dernières séries ont été construites avec des carrosseries en cuir imprégné. Entre-temps, le gouvernement a ordonné la mise au point d'une nouvelle petite voiture et a fixé des paramètres stricts.
Ces paramètres étaient les suivants : un poids en ordre de marche de 600 kg, une consommation moyenne de 5,5 l/100 km, un habitacle à quatre places, un prix de 4 000 ostmarks et une carrosserie en plastique.
Mais les ingénieurs étaient bien conscients que, comme beaucoup d'autres choses quand les budgets alloués ne permettent de ne faire que du rudimentaire, il s'agissait d'une chimère. Le projet ne pouvait être réalisé qu'en deux étapes, et non en une seule fois. L'astuce consistait à utiliser la technologie de l'IFA F8 : châssis, suspension à ressorts à lames, freins à tambour « à vis sans fin », boîte de vitesses asynchrone à trois rapports et moteur bicylindre à deux temps - ce dernier étant équipé d'un système de refroidissement à eau par thermosiphon pour dissiper la chaleur, peu convaincant l'été et peu puissant.
Les modifications comprenaient une nouvelle culasse et une légère augmentation de la compression, portant la puissance de 20 à 22 ch, ainsi qu'une rotation du moteur de 180 degrés, qui déplaçait le radiateur vers l'arrière. Seule la carrosserie était beaucoup plus moderne que celle de son prédécesseur, avec une nouvelle forme et un nouveau matériau, développé en RDA, et appelé Duroplast : une résine partiellement organique était renforcée par des fibres de coton et les panneaux étaient fixés sur un cadre en bois. Cette construction de châssis était obsolète depuis les années 1930, mais le revêtement en plastique lui-même était une innovation intéressante, que seule la Chevrolet Corvette C1 proposait à l'époque.
C’est en 1954 que le prototype AWZ P70 est construit. Il doit son nom aux initiales Automobilwerk Zwickau (usine automobile de Zwickau) et Personenkraftwagen (voiture de tourisme), ainsi qu'au chiffre 70 (sa cylindrée en centilitres). Un an plus tard, la « limousine » est produite en série, avec un design très dépouillé, d'abord sans ventilation, et ce n'est qu'en 1956 que des fenêtres coulissantes apparaissent sur les portes. Le couvercle de coffre était également supprimé sur les premiers modèles, la banquette arrière devant être rabattue vers l'avant pour charger l'habitacle, ce que les propriétaires ont pu faire en bricolant.
Dans un premier temps, un système électrique de 6 volts a été essayé, mais au vu de ses performances, AWZ a rapidement opté pour un système de 12 volts et, fait intéressant, le moteur à deux temps a été animé par un Dynastart, ou démarreur à double fonction : une solution qui a fait ses preuves dans de nombreuses petites voitures occidentales. Avec un alternateur entraîné par courroie, les systèmes micro-hybrides d'aujourd'hui fonctionnent selon des principes similaires.
Peu après, une version break plus polyvalente de la P70 (avec un toit en similicuir et, bien sûr, une porte de coffre) est arrivée, suivie par l'inépuisable et charmant coupé à carrosserie en acier et sans montant central mais produit en nombre très limité et principalement pour l'exportation.
Dès le départ, il était clair qu'il s'agissait d'un modèle de transition jusqu'à l'arrivée de la nouvelle voiture populaire Est-allemande, la P50, également dotée d'une carrosserie en Durpolast mais d'un châssis en acier et d'un moteur de plus petite cylindrée refroidi par air, plus tard connue sous le nom de Trabant 500. Celle-ci fut finalement achevée en 1957 et, l'année suivante, la production de la P70, qui avait été améliorée à bien des égards (nouvelle direction, carburateur, température d’eau, etc.), fut interrompue, du moins pour les versions berline et coupé. La version break a été retardée de sorte qu'il a fallu attendre 1960 pour le voir remplacer.
En Hongrie, la P70 n'est devenue populaire que vers la fin de sa production, ne serait-ce que parce que, héritage du régime de Matyas Rakosi, les propriétaires privés n'étaient pas autorisés à posséder une voiture avant 1958, à quelques exceptions près. C'est l'année des nouvelles plaques d'immatriculation (les premières avec les initiales CA) qui domineront bientôt le paysage urbain de l'ère de Janos Kadar, et la petite voiture Est-allemande est la moins chère de la rare offre proposée sur le marché, les Moskvitch, les Skoda et la nouvelle Wartburg coûtant beaucoup plus cher. Mais on ne pouvait pas parler d'abondance, avec moins d'un demi-millier de voitures neuves arrivées dans le pays en 1958.
Ainsi, contrairement à son successeur, très peu de P70 ont survécu, et même certaines d'entre elles ont été « ramenées à la maison » par des Allemands nostalgiques. Mais la particularité de notre voiture d'essai est qu'elle n'a pas été exportée, mais importée : elle est arrivée en Hongrie en provenance des environs de Dresde, et en très bon état.
Nous avons déjà présenté un break P70, cette berline provient de la même collection. C’est une traction avant, donc le tunnel de transmission ne limite pas l'espace pour les jambes, son habitacle est même plus spacieux que celui de la Trabant : étroits en longueur mais assez larges, les petits sièges surprennent par leur confort. Étonnamment, malgré le refroidissement par eau, le moteur émet un son fort et rugueux, très différent de celui du moteur à deux temps de la dernière Trabant. La boîte est à trois rapports, à roue libre, sans synchronisation, dont le mécanisme est pratiquement le même que celui de l'IFA F8, avec des modifications mineures.
Avant de démarrer, un petit rappel sur le passage des vitesses : le levier, qui dépasse horizontalement du centre du tableau de bord, doit être tourné vers la gauche et poussé pour trouver la première vitesse, puis tiré à droite pour la seconde et à gauche pour la troisième. Ce n'est pas le plus judicieux, mais on s'y habitue rapidement. Le levier est souple et doux, mais comme il est désynchronisé, il faut le manipuler avec double embrayage pour rétrograder et en le maintenant en position haute. La première est très courte et ne sert pratiquement qu'à faire décoller la voiture, la seconde est plus longue et, à 45-50 km/h, on peut passer la troisième. La vitesse de croisière est d'environ 70 km/h, plus lente que la plupart des camions d'aujourd'hui.
Avec le moteur qui rugit et le frêle châssis qui tremble, la conduite sur route, même sur de courtes distances, est fatigante. La suspension simple, avec des triangles avant et arrière comme celui de la Trabant, mais toujours avec des amortisseurs à levier et des roues de 16 pouces plus grandes, se comporte étonnamment bien : les petites bosses sont bien absorbées, seules les plus grosses sont ressenties. Grâce à son empattement court, la P70 rebondit parfois sur la route, mais reste stable dans les virages.
La direction à crémaillère a une course morte minimale et est facile à tourner - bien qu'elle nécessite une bonne dose de correction en mouvement, car le maintien en ligne droite est assez imprécis. Même si le système de freinage est en parfait état, la voiture à deux temps offre une décélération poussive et les quatre freins à tambour mécaniques sont difficiles à régler avec précision pour la plupart des mécaniciens, une tâche que peu de propriétaires expérimentés peuvent effectuer eux-mêmes.
Ce qui rend l'ancêtre de la Trabant si intéressante, ce n'est pas l'expérience de conduite qu'elle offre, mais son apparence unique et sa signification historique. L'offre étant limitée sur le marché, il est difficile de lui attribuer un prix, mais elle vaut certainement plus que la Trabant P50, qui est évaluée à 8,700 euros en excellent état d'après la base de données German Classic Data.
Lu sur : https://www.origo.hu/auto/2024/01/a-trabant-ose-awz-p70-limousine-1955-veteranteszt
Adaptation VG