Aujourd’hui, il n’y a rien de plus facile que d’acheter une voiture. Mais auparavant, en URSS, lorsque la voiture était un luxe inaccessible, il ne restait qu'une chose à faire : se la fabriquer soi-même. C'est ce qu'a fait Boris Karavkine, originaire de Minsk, il y a plus de 40 ans. La Fantazia qu'il a conçue et assemblée a parcouru 300,000 kilomètres.
Le rêve d'avoir sa propre voiture s'est finalement imposé à lui au milieu des années 1960. À l'époque, il était extrêmement difficile d'acheter un véhicule dans un magasin. La liste d'attente de ceux qui voulaient conduire s'étirait sur au moins dix ans, pendant lesquels il ne fallait ni manger, ni boire, pour accumuler la somme nécessaire à l'achat. C'est alors que Boris Karavkine a décidé de réaliser son rêve de ses propres mains. Un exemple stimulant était l'obsession d'une connaissance qui avait déjà construit sa propre voiture. Bien sûr, il était un peu effrayant de se lancer dans une tâche aussi ambitieuse, mais les compétences que Boris Karavkine avait acquises dans sa jeunesse au sein du club d' aéromodélisme, lors de la construction d'un aérosan avec un ami, ainsi que son service militaire dans un régiment de chars, lui ont donné de l'optimisme. Et même de la confiance.
En 1968, le jeune constructeur amateur a terminé l'ensemble des plans nécessaires et, après avoir construit une maquette de sa Fantazia, il s'est lancé dans sa construction. Mais pour commencer, en cette période de constante pénurie, il a fallu se procurer les matériaux et les pièces automobiles nécessaires par divers moyens plus ou moins détournés. Le processus d'acquisition des composants a duré deux ans. L'acier pour le châssis et l'aluminium pour le revêtement de la carrosserie ont été achetés sur son lieu du travail principal, à l'école militaire. Il a fallu non seulement mendier littéralement le métal nécessaire auprès de la direction, mais aussi le payer par le « sang ». Le choix du moteur a été déterminé par la réglementation en vigueur à l'époque pour les véhicules de fabrication artisanale, qui limitait la cylindrée du moteur utilisé à un litre. Pour la Fantazia, il n'y avait donc pas d'alternative au moteur de Zaporojets. Ont été également achetés une boîte de vitesses de la ZAZ, ainsi que son essieu avant, les barres de torsion, les bras arrière et d'autres composants.
En attendant les pièces nécessaires, notre artisan a soudé dans son propre garage le châssis et la structure de la future voiture. La carrosserie a ensuite été formée à partir de plaques d'aluminium. On peut aujourd’hui constater qu'après une utilisation prolongée dans le sel recouvrant les routes l'hiver, les points de contact de l'acier et de l'aluminium ont commencé à se corroder activement. Dans sa conception, l'auteur a préféré un type de carrosserie à hayon, peu courant à l'époque. L'originalité du dessin est soulignée par les larges montants arrière et les élégantes prises d'air qui refroidissent le moteur (initialement) situé à l'arrière. Pour une plus grande rigidité, la carrosserie était à trois portes. Pour réduire la charge sur les montants de la carrosserie Boris Karavkine a fait en sorte que les portes soient coulissantes. Il indique avoir essayé de réaliser un dessin de « fusée ». La question est de savoir dans quelle mesure il est parvenu à se rapprocher du but. Mais grâce à sa peinture bicolore, la « fusée » était bien visible !
Outre les pièces de Zaporojets, la Fantazia utilise des éléments provenant d'autres représentantes de l'industrie automobile soviétique. Par exemple, les feux arrière ont été empruntés à la Kopeïka et le tableau de bord à la Moskvitch. L'intérieur s'avère assez spacieux, pratique et austère. Curieusement, les sièges avant étaient pivotants pour faciliter la monter et la descente. Le tableau de bord, initialement en métal, a ensuite été recouvert d'une fine couche de bois. Une radio artisanale, généreusement offerte à l'auteur de la voiture par un radioamateur, a cédé la place à une chaîne stéréo de marque. La cerise sur le gâteau de la Fantazia était l'emblème original, qui indiquait non seulement le lieu de naissance de la voiture, mais aussi son caractère artisanal.
Le processus de fabrication et d'assemblage, qui a duré quatre ans et demi, s'est déroulé tous les soirs, ainsi que les week-ends et les jours fériés. La construction de la voiture a coûté 2,100 roubles à Boris Karavkine. À titre de comparaison, un Zaporjets en coûtait à l'époque 3,500. Le rêve de notre constructeur amateur s'est réalisé en 1973, lorsque la voiture a été complètement achevée. À ce moment-là (y compris l'enregistrement de la voiture auprès de la police de la route) se posait la question du nom. Fantazia, fruit de son imagination, a été préféré à des noms tels que Mechta, Iskra, Belorusochka et même Aurora.
Dans les années soixante-dix, les rétroviseurs et les roues intéressaient les voleurs, c'est pourquoi Boris Karavkine avait fabriqué un système de fixation rapide pour les premiers, les secondes étant protégées par des enjoliveurs qui ne pouvaient être démontés qu'à l'aide d'une clé spéciale faite maison.
Il n'a pas été possible d'enregistrer cette samodelka auprès de la police de la route dès la première fois. Sa longueur dépassait de 25 cm la norme établie de 3,5 mètres. L'auteur était conscient de la violation de la réglementation, mais avec la longueur plus courte, la Fantazia s’avérait, à son avis, trop étriquée. En outre, il n'y avait plus assez de place pour le moteur situé à l'arrière. L'artisan essuiera donc deux refus, mais la troisième fois, il réussit à la faire immatriculer. Et ce grâce au fait que dans la file d'attente se trouvait une autre voiture artisanale qui ressemblait à une charrette archaïque. A ses côtés, la Fantazia avait l'air tout simplement magnifique. Les agents de la circulation, fascinés, ont fermé les yeux sur les centimètres supplémentaires et ont enregistré la voiture. Curieusement, ces refus d'immatriculation n'avaient pas freiné l'obsession de son concepteur puisqu'il avait conduit la voiture avec une plaque d'immatriculation illégale « Proba » pendant toute une année. Personne ne l'avait arrêté à Minsk, car les inspecteurs pensaient qu'un prototype ou une voiture étrangère se dirigeait vers eux. Au cours de ses longs voyages à travers la Biélorussie, il a ainsi réussi à éviter toutes les amendes - cette voiture sans précédent se débarrassait littéralement des agents de la circulation…
Après une longue exploitation, le créateur de la Fantazia est parvenu à la conclusion principale que sa samodelka était tout à fait viable. Il lui a apporté de nouveaux perfectionnements. La suspension avant à torsion, trop rigide, a été remplacée par une suspension maison plus souple de type McPherson. Un peu plus tard, la Fantazia fut équipée d'un moteur de Skoda. Celui-ci avait été acheté sans documents, et les agents de la circulation ont été à nouveau déconcertés : ils ont exigé de calculer la cylindrée, les charges par essieu, le centre de gravité et d'autres mesures. Les calculs ont montré que la cylindrée était de 980 cm3. Le nouveau moteur était bien meilleur que le précédent, mais il a fallu revoir la conception des commandes et de l'équipement électrique.
Par la suite, à l'époque de la Perestroïka, les concepteurs de samodelka ont bénéficié d'une plus grande liberté. Ils ont alors été autorisées à utiliser des moteurs de 1,2 litre. Boris Karavkine n'est pas resté à l'écart et a installé sur sa Fantazia un moteur de Kopeïka. Aujourd'hui, le moteur est passé du coffre au capot. Pour cela, il a fallu faire un petit tour de passe-passe en ressoudant le châssis, en remontant la suspension et en renforçant l'isolation phonique. Mais, de l'avis de l'auteur, le jeu en valait la chandelle. Avec un moteur de 64 ch, il a déjà roulé à 140 km/h, ce qui est presque comparable à la limite de vitesse de la Jigouli. La voiture repensée par ses soins pèse aussi environ le même poids que la Lada, soit 1,030 kg. Et son appétit est aussi comparable.
La Fantazia n'a pas seulement changé sur le plan technique. Le sceau de la noblesse a touché son apparence. Par exemple, la calandre ordinaire de Moskvitch a cédé la place à une élégante décoration maison. Les phares ronds de Jigouli ont été dissimulés dans d'élégants puits vitrés. En 300,000 kilomètres parcourus, la voiture, selon son auteur, n'est jamais tombée en panne. C'est probablement la raison pour laquelle Boris Karavkine a refusé sans équivoque les offres d’achat périodiquement reçues, la plus alléchante étant celle de Finlandais qui lui ont proposé 10,000 euros !
Lu sur : https://5koleso.ru/articles/obzory/neobychnaya-fantaziya-samodelnyy-avtomobil-za-minimalnyy-byudzhet/
Adaptation VG
Voir aussi : https://www.sovietauto.fr/2014/02/fantazia-une-samodelka-venue-de-minsk.html