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Jonathon Ramsey, un journaliste du magazine automobile américain Car and Driver, a traversé la Pologne depuis Varsovie, dans un Dacia Jogger emprunté pour livrer des médicaments et autres fournitures aux réfugiés ukrainiens. Voici la traduction de son récit :

La vue depuis depuis le huitième étage de mon hôtel de Varsovie m’a rappelé mes souvenirs d’enfants de la Guerre Froide. Des arbres dénudés bordant une rue vide, des lampadaires avec des ampoules au sodium jaunes et des LEDs illuminant la neige de ce début du printemps - on aurait dit un film d’espionnage. J’étais là, attendant un appel téléphonique qui serait mon signal pour emmener de mystérieuses caisses de marchandises dans un pays en guerre. Je pouvais presque sentir le fantôme de Robert Ludlum, maître du roman d’espionnage.

D'ailleurs, je n’étais pas censé être en Pologne ; j'étais censé être en vacances à Provincetown, dans le Massachusetts. Mais en route, j'ai été détourné par le texto de mon amie Krista Barnes, qui m'a demandé : « Peux-tu aller en Pologne pendant trois jours pour livrer des dons, tous frais payés ? ».

Ce message inhabituel prend un peu plus de sens si l'on sait que Krista dirige une association humanitaire à but non lucratif. Le travail de Reel Project se concentre généralement sur l'Afrique de l'Est, mais l'invasion russe de l'Ukraine l'a amenée à s'associer à Ukraine United Association, dirigée par Nick Zaiets, un Ukrainien de Los Angeles, et à Fly for Good, un groupe spécialisé dans la réservation de billets d'avion bon marché pour les missions humanitaires.

C'est ainsi que je me suis retrouvé au comptoir de la KLM à Los Angeles un vendredi d'avril, en train de m'enregistrer pour un vol à destination de Varsovie. Je devais jouer le rôle d'équipier de Krista et l'aider à distribuer des dons aux réfugiés ukrainiens.

J'avais l'intention d'examiner tout ce que je transporterais pour m'assurer que je ne serais pas la vedette d'un épisode de « Voyage au bout de l’enfer », mais le type ukrainien qui se tenait près d'un chariot à bagages avait déjà emballé les nombreux cartons et valises. Il m'a dit trois choses : « Combien de cartons pouvez-vous prendre ? ». Suivi de : « Chaque carton pèse environ 22 ou 23 kilos ». Puis, quand il était clair qu'on pouvait prendre tout le chariot, « Je vais chercher d'autres cartons ». Il l'a fait, puis a disparu.

Au total, nous avons enregistré six grands cartons et trois valises de marchandises qui, m'a-t-on dit, seraient distribués dans des abris autour de la capitale polonaise. J'avais demandé à Dacia de nous prêter un véhicule adapté pour faire notre tournée. La sous-marque roumaine de Renault avait répondu présent avec un Jogger, un minivan à bas coût - enfin, un break avec des portes battantes sur la deuxième rangée - qui a rejoint la gamme l'année dernière.

Samedi en fin d'après-midi, nous avons atterri à l'aéroport de Varsovie. Nous avons rencontré Nick et Dmitro Evseenko, un chauffeur de camion de Los Angeles qui a rangé son camion lorsque la guerre a commencé et s'est rendu dans sa ville natale, dans l'ouest de l'Ukraine, pour aider les habitants à se mettre en sécurité en Moldavie.

Nick a commencé à passer une multitude d'appels pour organiser les livraisons de la soirée. Entre deux appels, il m'a demandé : « Sais-tu conduire une voiture à boîte manuelle ? ». J'ai répondu oui. « Pourrais-tu conduire une voiture jusqu’en Ukraine ? ».  J'ai dit oui. Il a passé un autre appel. Il n'y aurait pas de distribution de « cadeaux » à Varsovie...

Nous devrions plutôt conduire le van VW chargé de Nick, en convoi jusqu'à Lviv, en Ukraine, avec Nick et Dmitro dans deux autres véhicules. Mais chargé de nos 500 livres de marchandises, la VW n'était pas prête pour l'aventure. Un support de moteur a cassé, ce qui rendait impossible le passage de vitesses. Nous avons poussé le van sur le côté. Krista et moi avons traversé Varsovie en Uber pour récupérer le Jogger et sommes retournés à l'aéroport pour récupérer la cargaison dans le VW en panne. Avant de repartir vers notre hôtel, Nick a dit : « Je vous appelle ce soir. Soyez prêts vers 23h30 ».

Le temps d'enregistrer notre chambre, de nous doucher et de manger, il était trop tard pour envisager de dormir.

A 2h30 du matin, le dimanche, le téléphone a sonné. Krista et moi devions retrouver Nick à une station-service située à Mrokow, à environ une heure au sud-est. Nous avons parcouru de grandes autoroutes vides puis d'étroites routes de campagne pendant quelques kilomètres avant le point de rencontre. L'adresse a donné une indigestion à notre Google américain, Google Maps nous indiquant à un moment donné de tourner à droite dans un champ de neige vierge. Le froid semblait encore plus froid.

Vers 4 heures du matin, nous avons finalement trouvé la station-service. Nick et Dmitro sont arrivés rapidement dans deux camionnettes avec un nouveau plan. Ils allaient se séparer, et nous les retrouverions à un autre endroit, à une heure de route, pour transférer la marchandise. J'ai acheté beaucoup trop de bouffe à la station-service puis nous sommes partis, Krista et moi.

Le dictionnaire définit le mot « obsédant » comme « poignant et évocateur ; difficile à ignorer ou à oublier ». Ces heures de nuit stressantes jusqu'au prochain rendez-vous ont été obsédantes. J'étais à 6,000 miles de Los Angeles, devait me rendre à des points de rendez-vous indiqués par un étranger au volant d’une voiture d’emprunt le coffre rempli de bricoles. Des nuages au-dessus, et la neige au-dessous ; une luminosité grise et brumeuse entre des villages et des fermes, des églises, des arbres squelettiques et des champs vides. J’essayais de me convaincre qu’il s’agissait d’un road-trip comme les autres.

Nous sommes arrivés à la station-service Orlen de Lubycza Krolewska aux premières heures d’un matin couvert. Krista s’est payée un café et Nick nous a appelé avec un autre plan. Nous devions le retrouver à une autre station à environ 90 minutes de là. Retour dans le Jogger.

Vers 8h30, nous avons atteint la station Lotos de Skoloszow, et quelques instants plus tard, Dmitro et Nick se sont matérialisés. Nous avons transféré tout ce qu'il y avait dans le Jogger dans une Skoda et un Ford Transit, à l'exception d'une boîte marquée « médicaments ».

Nous avons conduit avec le dernier carton pendant 40 minutes jusqu'à Medyka, où des organisations à but non lucratif du monde entier ont installé un village de tentes pour les réfugiés, fournissant des repas chauds et même des cartes SIM. Anna, une femme de World Central Kitchen, une organisation fondée par le célèbre chef José Andrés, nous a fait visiter les lieux. Un flot régulier d'Ukrainiens entre dans le campement, suivant un chemin de pierre jusqu'à un point de ramassage où un bus les emmène vers un centre de traitement.

Nous avons livré notre dernier colis à Paracrew, une organisation norvégienne à but non lucratif qui envoie des médicaments en Ukraine à bord d’une Jeep Grand Cherokee modifiée. Anna nous a offert à manger. S'asseoir sur un trottoir et manger une soupe faite pour les réfugiés dans un gobelet en carton, à 10h30 un dimanche matin dans la campagne polonaise, fut un merveilleux rappel pour garder les choses en perspective.

Le travail de Krista terminé, nous nous sommes dirigés vers la voiture. Une femme derrière moi m'a dit : « Hola. ¿Qué tal ? ». Quelque chose de sollicitant dans le salut m'a fait me retourner. Deux grandes femmes noires étaient debout sur le chemin. Elles m'ont expliqué qu'elles étaient venues de Valence, en Espagne, dans l'espoir d'aider les Noirs qui fuyaient l'Ukraine. J'étais la première personne noire qu'elles voyaient. Dans les premiers jours des évacuations, il y avait des histoires d'immigrants africains qui se voyaient refuser des places dans les trains et les bus qui quittaient le pays. Je leur ai dit que je n'avais pas vu d'autres Noirs et je leur ai suggéré de parler à Anna. J'aurais aimé avoir une réponse plus utile.

Le retour à Varsovie a pris cinq heures. La fatigue m’a gagné en chemin, alors j'ai passé le volant à Krista. Elle était restée éveillée plus longtemps que moi, mais elle a l'endurance d'Athéna sous Adderall. Nous avons atteint la capitale - et les douches, la nourriture et les lits - à 17 h 30, soit 15 heures après notre départ.

La nuit avant mon retour aux Etats-Unis, j'ai rendu visite à une amie polonaise, Majka, pour une promenade avec son chien dans la forêt autour de Latchorzew. Elle m'a demandé ce que je pensais de ce que j'avais vu. J'ai répondu que tout semblait bien organisé pour une situation de réfugiés. La Pologne en avait accueilli plus de 2 millions en quatre semaines, mais je ne l'aurais pas deviné. Bien sûr, quelques semaines auparavant, c'était plus chaotique. Loger 2 millions de personnes - soit l'équivalent de 5 % de la population polonaise - en un mois sans désordre est un exploit étonnant de générosité et de planification.

« C'est le peuple polonais qui a fait ça » m’a dit Majka. « Le gouvernement n'a rien fait ». Elle m'a dit que les Polonais qui avaient de la place ont simplement commencé à accueillir des étrangers. « Le temps que le gouvernement commence à aider, c'était déjà terminé ».

Le lendemain matin, dans l'avion qui devait me conduire à Francfort, j'ai aidé une femme âgée à porter ses bagages. Elle était polonaise, avait pris sa retraite après une carrière dans l'immigration et s'était installée à Santa Barbara, un endroit où elle et son petit chien semblaient pouvoir s'intégrer. Elle m'a demandé pourquoi j'étais à Varsovie. Je lui ai expliqué et raconté mes impressions sur cette opération polonaise.

 « C'est à cause des Polonais ordinaires » m’a-t-elle indiqué. Je lui ai dit que mon ami avait pensé la même chose. Elle a ajouté : « Le gouvernement a créé un fonds qui donne aux Polonais 40 zlotys par jour pour accueillir des réfugiés ukrainiens ». Au taux de change actuel, cela fait environ 9 dollars. « Que pouvez-vous faire avec 40 zlotys pour une famille ? Et je n'ai entendu parler de personne ayant reçu cet argent ». Elle a souri. « Le Polonais ordinaire. N'oubliez pas de l'écrire ».  J'aimerais pouvoir lui dire que je l'ai fait.

L'aventure a été épuisante, instructive, tragique et profondément gratifiante. Une mention spéciale - après les Polonais, Krista, Nick et Dmitro - revient au Jogger. Six cents miles (environ 965 km) en 15 heures dans un endroit inconnu mettent en lumière les faiblesses, du véhicule comme de son conducteur. La Dacia s'est avérée fiable, économique, confortable à conduire mais aussi à dormir dedans. Un lien s'est formé entre nous. Si je fais à nouveau quelque chose comme ça, j'en demanderai une autre.

Avec une amie comme Krista, c'est toujours possible...

Notre monture pour la mission en Ukraine était donc un Dacia Jogger roumain. Sur le marché, ses arguments sont sa capacité à accueillir sept passagers et son prix avantageux, mais en tant que transporteur de marchandises, il s'est avéré être un bon véhicule. Son moteur trois cylindres en ligne développe 90 chevaux et 190 Nm de couple. Des chiffres faibles, mais suffisants pour prendre de la vitesse et s'y maintenir, à condition d'être assez patient puisqu’il faut 12 secondes environ pour atteindre 100 km/h.

Cette Dacia est notre genre de voiture : elle n'offre qu'une boîte manuelle à six vitesses facile à changer. Installé sur la même plateforme que la Renault Clio 5 et l'ancienne Nissan Juke, le Jogger fait preuve d'un équilibre gratifiant et de réflexes encourageants. Les designers de Dacia ont inclus juste assez de fioritures pour lui donner de la prestance, surtout dans la couleur brun terracotta métallisé de notre modèle d’essai. À l'intérieur, rien n'a l'air ou ne semble bon marché.

Le Jogger a peut-être été conçu pour emmener les enfants à l'école, mais il a prouvé qu'il pouvait également se charger d'un voyage plus sérieux.

 Lu sur : https://www.caranddriver.com/features/a40399320/ukraine-aid-supplies-dacia-minivan/
Adaptation VG

Tag(s) : #Dacia, #Jogger, #Essai, #Témoignage, #Guerre UA