Le réalisme socialiste n'a pas toujours été sans joie. Les Skoda, Trabant et Wartburg sont certes considérées comme désespérément dépassées, mais elles offrent un plaisir de conduite étonnant, au-delà de nombreux préjugés.
C'était lent et bruyant, les bus étaient plus rapides, même dans les montées. Mon voyage en Skoda 105 L reliait Straubing à Stuttgart. 376 kilomètres, consommation 7,8 litres aux cent kilomètres. C'était la découverte de la lenteur où les seulement 46 ch, doivent faire avancer une voiture de 875 kilos. Je me suis fixé la limite de vitesse de cent dix kilomètres par heure. Assez pour une petite voiture ne m’appartenant pas, qui perd un peu de liquide de refroidissement et qui vous crie dessus par derrière, impuissante et apeurée, parce que les camions vous suivent de trop près...
Mais je savais que « ma » Skoda 105 L ne me laisserait pas tomber. Elle aurait été encore plus lente et plus bruyante si l'un de ses anciens propriétaires polonais n'avait pas ajouté la boîte à cinq vitesses de la S 130. Une bénédiction pour la voiture et le conducteur, car à 110 km/h le régime n’est que de 3,500 tr/min au lieu de 4,200 tr/min. Comment je le sais ? Parce que l'astucieux propriétaire polonais a également installé le compte-tours de la S 130. Pour 1,777 euros, cette Skoda est actuellement en vente chez Auto Wardenga, un modèle 1984 immatriculé en catégorie H que j'aurais bien voulu l'acheter. Surtout à cause de la couleur rouge brique et malgré le bas de caisse gauche « réparé » avec des rivets pop.
Comme à l'époque. Car il y a 27 ans, j'avais déjà voulu le faire. Après trois voitures d’occasion : de la NSU 1200 C à l'Audi 100 LS en passant par la VW K70, j’avais envie d’une voiture neuve. La berline Skoda 130 GL, avec un compte-tours et une boîte à cinq vitesses coûtait 10,590 marks. J'ai fait l'erreur de l'essayer - elle était décevante. La Ford Taunus V6 achetée par la suite était tout de même mieux. Aujourd'hui, je vois les choses avec plus de douceur. Aujourd'hui, la 105 L se conduit comme une vieille voiture, désagréable, toujours à la limite de la puissance, exigeante pour son conducteur. Elle offre ce qu’il faut quand on se lasse d'une grosse berline six cylindres avec une boîte automatique.
Il faut s'habituer au jeu de la direction Skoda, le rayon de braquage est plus grand que celui de mon Audi 100 C3. Le levier de vitesses est dur et peu précis, mais au moins le débattement est court. La voiture se conduit avec beaucoup de sensibilité, il faut toujours faire ce qu'il faut au bon moment, c'est stimulant, c’est un peu sportif mais la voiture vous en sera gré. Avec sa faible consommation d'huile et des changements de vitesse en douceur, la petite Skoda 105 L terracotta diffère de ses copines de l'Est, la Trabant et la Wartburg. Et elle met un point d'honneur à être une solide quatre-temps sans stigmate de puanteur.
Et s’il y a des volutes bleutées après un démarrage à chaud, c’est parce que ses joints de queue de soupape ne sont plus de première jeunesse. Avec elle, pas besoin de rouler au point mort en descente et pas besoin de verser du mélange dans le coffre qui s'ouvre à l'avant aussi hardiment qu'un piano à queue. Elle consomme un litre d'essence de moins que la Wartburg et son vilebrequin ne doit pas être révisé tous les 100,000 kilomètres car un carter d'huile lubrifie mieux qu'un brouillard d'huile.
En revanche, la Skoda comme ses deux ancêtres la 1000 MB et la S 100 L, s'est fourvoyée pendant 25 ans dans une impasse technique, que seul le surmoi d'une Porsche 911 interprète encore aujourd'hui comme la seule vraie doctrine. La Skoda est une voiture à moteur arrière, ses camarades de RDA, la Trabant et la Wartburg ont la traction avant. Le moteur arrière est synonyme de direction souple, de traction optimale, de confort car il ne tolère pas un simple essieu rigide à l'arrière, et de dérive magnifique qu’il faut voir plus comme un amusement qu’une simple tendance au survirage. Mais le moteur arrière est aussi synonyme de sensibilité au vent latéral et d'habitacle étroit. Même si la Skoda 105 L est étonnamment spacieuse entre ses deux essieux.
Et sous le couvercle du « piano », il y a beaucoup de place ! En cas de besoin, quatre caisses de Budweiser détérioreront la traction, atténueront le plaisir de la dérive, mais stabiliseront la trajectoire en ligne droite. Contrairement à ma NSU 1200 C, la Skoda 105 L a un chauffage confortable, le radiateur se trouve à l'avant et même s’il fuit, il refroidit mieux que s'il se trouvait à l'arrière.
Alors que j’emmène la Skoda vers le site de l'usine Otto dont l’ambiance typique de l'Est va permettre de belles photos, je tombe sur Rico Habeck et sa Trabant de 1986. Bien que je la connaisse mieux depuis quelques années, je suis toujours confronté aux préjugés typiques sur les Trabant. Pour beaucoup, la naine de la Sachsenring, sortie de l'ancienne usine Audi de Zwickau, est une machine à conduire primitive et surannée, étriquée, bruyante de surcroît, qui sent mauvais parce qu'elle brûle de l'huile et qui fabriquée à partir de coton imprégné de résine phénolique. Une voiture dans laquelle seuls les masochistes se collent au volant pour faire le tri entre trois vitesses non synchronisées avec d'étranges mouvements de haut en bas, de bas en haut et de haut en bas, jusqu'à ce que ça craque. Et les freins à tambour à câble sont de toute façon complètement dépassés.
Mais il faut arrêter avec cette réputation ! La Trabant freine même par un système hydraulique à double circuit. Rico Habeck explique chaque particularité de sa voiture, et il a raison quand il dit que la Trabant est génialement simple au lieu d'être primitive, surtout ce modèle tardif arrivé à maturité, de première main avec seulement 46,000 kilomètres.
Bien sûr, la Trabant 601 L dispose de quatre vitesses entièrement synchronisées, que n'importe quel débutant peut passer correctement, comme sur la R4. La Trabi n'est pas une microcar même s'il faut « ouvrir le robinet d'essence sur le tableau de bord avant de prendre la route ». Depuis le passage aux joints homocinétiques, on ne ressent pratiquement pas l'influence de la transmission en manœuvres. Rico Habeck utilise un mélange de 1:40. Une fois que le moteur est chaud, elle ne fume plus du tout. La Trabant 601 L est un modèle d'économie d'espace. Son coffre est proportionnellement énorme - notamment parce que son réservoir de 26 litres se trouve dans le compartiment moteur.
Face au confortable habitacle quatre places de la Trabant, la Fiat 500 fait figure de cage à oiseaux. Les roues de 13 pouces de la Trabant ne s'enfoncent pas immédiatement dans chaque nid-de-poule, sa suspension arrière indépendante au lieu d'un tube d'essieu rigide, comme c'est généralement le cas sur les voitures à traction avant, assure un confort de conduite étonnamment bon, et le système 12 volts garantit toujours la bonne alimentation du système électrique.
Si l'on est habile lors des changements de vitesse, on obtient des 26 chevaux du bicylindre de 600 cm3 un tempérament qui laisse sur place une Fiat 500 tout comme une Glas Isard à quatre temps - une voiture toujours confondue avec une Trabant ! S'il y a bien quelque chose qui dérange dans la Trabant 601 L, ce sont les surfaces jamais très lisses de la carrosserie en coton et les baguettes grossières. Elles sont censées dissimuler les arêtes vissées des éléments de carrosserie, mais ressemblent à d'énormes fentes.
Je passe de la Trabant de Rico Habeck à la Wartburg 353 W de Klaus Hornung. Le W dans la désignation signifie « évolution », mais c'est un euphémisme car, contrairement à la Skoda à moteur arrière, la 353 n'a pas beaucoup évolué au fil des décennies. La W signifie des freins à disque à l'avant avec double circuit hydraulique, la W signifie aussi une instrumentation à compteurs ronds et une colonne de direction de sécurité. La W est arrivée en 1975.
« Les plus anciennes sans W ont plus de chromes et plus de charme », avoue Klaus Hornung, un fan de Wartburg qui est malgré tout plutôt heureux avec son AWE 353 de Luxe dans la couleur culte Biberbraun (brun castor). Il préfère de loin le trois cylindres à deux temps au dernier quatre temps VW monté transversalement dans la Wartburg 1.3, parce qu'il est « tout simplement à sa place et parce que ce moteur est plus attrayant qu'un vulgaire quatre cylindres qui pourrait aussi être marqué Peugeot, Toyota ou Fiat ».
Lors des accélérations, c'est-à-dire quand elle est en charge, la Wartburg chante d'une voix inimitable. Sa mélodie est envoûtante, c'est un son rauque et enjoué, contrairement aux beuglements rauques de la Trabant. Lorsque l'on relâche l'accélérateur, le trois cylindres fonctionne de manière arythmique pendant quelques secondes, jusqu'à ce que le rapport suivant s'enclenche proprement et que le voyage se poursuive dans la bonne humeur. Le levier de vitesse au volant est un poème, c'est un plaisir de le manier.
De manière générale, la spacieuse berline Wartburg se présente comme une voiture très agréable. Au niveau des qualités de conduite, elle est nettement supérieure à la Skoda 105 L. Elle ne tangue pas, son confort est digne d'une Opel Senator grâce à de longs débattements de suspension et à un essieu à bras oblique sophistiqué. Comme le moteur compact à deux temps, qui se sent nettement plus fougueux que le quatre temps fatigué de la Skoda, ne pèse pas si lourd sur l'essieu avant, la Wartburg 353 W sous-vire peu, même dans les virages pris à vive allure. Sa direction à crémaillère est directement et ne laisse guère influencer par la transmission. J’aurais aimé que la Wartburg soit un peu plus travaillée, comme la Skoda, et pas aussi réduite en termes de matériaux.
Ceux qui font la grimace devant ces trois dames du bloc de l’Est devraient savoir que les petites voitures bon marché n'étaient pas mieux loties à l'Ouest. La 2CV, la Coccinelle, la Mini et la R4 ont également été construites pendant des décennies et maintenues péniblement au niveau technique. Seulement, grâce à leurs nombreux fans, elles ont mûri d'elles-mêmes pour devenir des classiques.
Pour ces trois modèles, même les exemplaires bien entretenus coûtent généralement moins de 4,000 euros. Celles qui sont dans un état moyen sont généralement disponibles pour 800 euros maximum. Bien entendu, il existe ici aussi des aberrations qui constituent l'exception à la règle. On voit par exemple apparaître de temps en temps des pièces de collection parfaitement restaurées qui dépassent le cadre de prix fixé et se retrouvent chez les revendeurs pour plus de 7,000 euros. Mais pour les acheteurs potentiels qui souhaitent simplement conduire ces voitures, un modèle correct des catégories de prix inférieures suffit.
La Wartburg est la meilleure de ces trois dames du bloc de l’Est. Malgré son moteur trois cylindres deux temps, elle se conduit de manière raffinée, est confortable et est presque moderne. Mais la Skoda me convient mieux. C'est une affaire de cœur, peut-être parce qu’elle me rappelle tellement ma première voiture, une NSU 1200 C.
Lu sur : https://www.auto-motor-und-sport.de/oldtimer/skoda-150-l-trabant-601-l-wartburg-353-w-ostblock-autos/
Adaptation VG