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On se souvient des transformations en cabriolet des Samara et Niva initiées par différents importateurs européens, ainsi que des étonnantes voitures de plage Bohse, basées à l’origine sur la Lada 2105. Mais la VAZ-2108 décapotable, qui a reçu son propre nom - Lada Natacha, mérite une attention particulière. Et, malgré le fait qu’elle soit apparue en Europe occidentale pour les Européens, elle a été conçue par le designer Vladimir Iartsev, bien connu pour avoir dessiné la Lada 2110 qui, après s’être installé en Belgique a participé activement à la création de la « bombinette » Lada Samara RSi et d’une autre version raffinée de la Samara, la Carlota. Il a partagé avec Kolesa.ru des anecdotes peu connues sur le développement de l’une des plus remarquables Lada produite en petite série.

L’URSS avait déjà produit des voitures décapotables : il s’agissait d’un côté de modifications basées sur la GAZ Pobeda et la Moskvitch « 400 », et de l'autre des véhicules tout-terrains provenant des usines de Gorki, Oulianovsk et Loutsk. Et si, pour les militaires, il s’agissait d’une caractéristique directement liée au cahier des charges, les berlines décapotables avaient été produites pour des raisons prosaïques : le manque d’acier dans les premières années d’après-guerre. Bien sûr, il y avait une exception à la règle, des limousines gouvernementales ZiL et GAZ produites en petites quantités existaient en cabriolet pour les parades et défilés militaires, mais « pour le commun des mortels », les décapotables, en raison du climat et de leur côté peu pratique, n’étaient pas particulièrement populaires chez les citoyens soviétiques.

C’est pourquoi, jusqu’à un prototype basé sur la Moskvitch-408, il ne fut jamais question chez les constructeurs soviétiques de produire un cabriolet. Chez VAZ, le jeune géant de l’automobile, il n’y avait pas non plus de décapotables et l’expérience de ce type de carrosserie s’était limité aux projets VAZ-2122 Reka et du « Krokodil » l’un des tout premier prototype de la Niva, qui n’avait même pas de vitres latérales.

Pourtant, il y avait bien une Jigouli sans toit ! A la fin des années soixante-dix, il y avait chez VAZ une équipe de cascadeurs d’usine - le groupe Autorodeo qui se produisaient à bord de phaétons sur base de « Troïka » (VAZ-2103), dont l’une des variantes à même reçu plus tard un deuxième essieu à l’arrière ! Toutefois, ces voitures n’avaient rien à voir avec des cabriolets de série et n’étaient, bien entendu, pas disponibles dans le commerce (même s’ils étaient fabriqués par l’usine).

Par la suite, la première Lada cabriolet en vente libre ne fut pas du tout basée sur la Samara à traction avant, mais sur la Niva et proposé par l’importateur français sous le nom de Niva Plein Soleil.  Une version différente était connue sous le nom de Niva Cabrio chez Deutsche Lada. Nous avons déjà parlé de toutes ces voitures, mais avec la « Vosmerka » l’histoire est complètement différente. En fait, contrairement aux conversions de Lada Niva ou de la Lada Samara Fun, qui n’était pas du tout un cabriolet mais plutôt un landaulet (du fait que la partie avant du toit était conservée !), la future Natacha était une voiture ouverte à cent pour cent, c’est-à-dire un cabriolet avec une capote, et même sans arceau central !

C’est ainsi que le cabriolet Lada Samara est apparu dans la ville belge de Diegem, où les Niva et Samara en provenance d’URSS étaient modifiées et améliorées par le centre technique Scaldia-Volga. C’est donc là qu’ont été créés par la suite les prototypes de la « Vosmerka » avec le préfixe RSi, la Carlota puis la Natacha.

Tout cela n'aurait pas été possible sans une importante métamorphose au sein de l’encadrement de la société belge. En novembre 1987, Vladimir Oussov a été nommé chef du bureau de conception des carrosseries, et puis, en mai 1988, le designer Vladimir Iartsev, qui avait été en mission prolongée chez Porsche, a quitté l'Allemagne pour la Belgique. Il ne faut pas oublier non plus le directeur du marketing Christian Kundiki et l’interprète N.A. Rozhkova, dont le rôle dans les projets belges de Lada était très important. Le moteur de la création du cabriolet Lada Samara fut le directeur de Scaldia-Volga, Boris Khoubaev, qui a poussé à la création du cabriolet russo-belge de toutes les manières possibles.

« Au début, l'équipe a dû passer beaucoup de temps à organiser le processus - en fait, elle a inventé le « vélo belge », créant presque le premier studio de design du pays. Pour cette raison, une grande partie de ce qui était nécessaire pour travailler a dû être commandée à la RFA voisine, ce qui a permis de tisser des liens indispensables à la production ».

Au printemps 1988, les représentants de Scaldia-Volga se sont tournés vers la société belge EBS, spécialisée dans la conception et la production en petites quantités de cabriolets. Comme il est facile de le deviner, le choix comme véhicule donneur s’est porté sur la VAZ-2108, qui, en raison de sa carrosserie à trois portes, avait une bonne rigidité de torsion. En Europe, à cette époque, il existait de nombreuses versions de voitures à toit ouvert basées sur des berlines hatchbacks similaires : la Ford Escort, l'Opel Kadett et la Volkswagen Golf I en version cabriolet étaient très demandées dans les pays méditerranéens. La Samara, qui offrait à l'acheteur « beaucoup de voiture pour son argent », avait toutes les chances de prendre une part assez importante du « gâteau de la décapotable » et ce pour une raison simple : dans tous les cas elle aurait été nettement moins chère. Par conséquent, la société basée à Bruxelles a préparé une série de propositions techniques et même un plan financier pour le projet, qui prévoyait la production de 6,000 cabriolets Lada sur quatre ans.

Dans le même temps, à Diegem on envisageait de lancer non seulement une décapotable, mais aussi toute une famille de voitures, notamment une camionnette et un break, ce qui, contrairement aux rumeurs et aux spéculations, ne s'est jamais concrétisé.

Une autre variante de cabriolet a été commandée par la direction de Scaldia-Volga à une autre société belge, Euroscope : il s'agissait donc d'un véritable « mini-appel d'offre » remporté d’ailleurs par celle-ci, et qui a ensuite présenté son prototype à l'exposition Euroto 88 de Gand.

Scaldia-Volga conclu un accord avec Euroscope pour modifier la conception et affiner l'extérieur, mais non sans la participation de Vladimir Oussov et Vladimir Iartsev. Le premier devait s'occuper du renforcement structurel de la carrosserie, et le second du design extérieur, pour lequel Vladimir Iartsev a préparé en peu de temps un avant-projet. Il est intéressant de noter que le bureau d’études de Scaldia-Volga a immédiatement envisagé deux options en ce qui concerne le « démontage du toit » : sans arceau et avec un arceau central, alors que les entrepreneurs belges n'avaient pas prévu un tel renforcement de la structure de la carrosserie, même lors de leur première étude. Après tout, premièrement, l'arceau avait immédiatement un impact négatif sur l'image d’une « voiture ouverte » (ce qui n'a pas gêné outre mesure les Allemands d’Opel !), et deuxièmement, son introduction sur une carrosserie précédemment fermée était une idée beaucoup plus compliquée qu'il n'y paraît à première vue. Après tout, il ne suffisait uniquement de le souder, il fallait aussi qu’il soit efficace.

Pour renforcer la carrosserie, qui avait sensiblement perdu de sa rigidité avec la disparition du toit, des montants centraux et de certains renforts, Vladimir Oussov en a introduit d’autres dans les seuils, ainsi que dans les montants latéraux avant et centraux (voir le schéma illustrant l’article). L'arrière de la « Vosmerka » était équipé de renforts très résistants qui reliaient les passages de roues arrière. Des renforts transversaux, qui reliaient le cadre du pare-brise et les côtés derrière le dossier du siège arrière jouaient également un rôle important.

Iartsev avait retiré l’encadrement de vitres sur la porte avant, car les cabriolets ne sont pas censés en avoir. Cependant, à l'avant, on trouvait désormais un déflecteur fixe - là encore, tout à fait typique des cabriolets. Son but était non seulement de renforcer, mais aussi de protéger le conducteur et le passager des flux d’air latéraux.

Alors que sur la VAZ-2108 avait de grandes vitres de custodes fixes, le cabriolet avait une paire de petites vitres descendantes - bien sûr, commandées par une manivelle, tout comme sur les portières avant. La raison de l'absence de commande électrique n'était pas seulement le faible prix du modèle - à cette époque, c'était une pratique courante en Europe dans cette catégorie. Par ses caractéristiques « générales », la Samara, avec son moteur disposé transversalement, sa traction avant et son type de suspension, n'était pas inférieure aux Allemandes, Italiennes ou Française similaires.

Afin de protéger les occupants des intempéries ou du soleil, la voiture était équipée d'une capote fabriquée dans un matériau non naturel et étanche . Elle était même dotée d'une petite vitre arrière en plastique souple pour assurer une certaine visibilité. L'armature tubulaire permettait de maintenir et fixer la capote et toutes les manipulations du toit étaient effectuées manuellement par le conducteur. Il s’agissait d’un vrai cabriolet : totalement ouvert avec une capote non électrique. La capote et son armature avaient été traités par les spécialistes d'Euroscope, qui connaissent bien ces questions spécifiques.

Aujourd’hui, ce cabriolet serait probablement privé de roue de secours ou celle-ci serait remplacée par une « galette ». Mais, il y a trente ans, ce n'était pas encore le cas, et la voiture a donc conservé la niche « octogonale » standard, dans laquelle la roue de secours était placée non sans difficultés - légèrement gênée par les renforts des passages de roues arrière. La banquette avait également dû être légèrement raccourcie, la voiture devenant officiellement une quatre places, bien qu'en fait sa formule d'assise puisse être considérée comme « 2+2 » car la « Vosmerka » n’a jamais vraiment brillé par l’espace offert à l’arrière. Toutefois, pour une décapotable de la catégorie de la Golf, cet argument présentait plus un intérêt spéculatif que pratique.

Le « Cabriosamara » recevait « quatre yeux » dans le masque original : cette solution allait d’ailleurs devenir la marque de fabrique de la Carlota. Même si les quatre phares ronds étaient apparus sur la Spoutnik avec le prototype de rallye VAZ-21081, c’est bien Vladimir Iartsev qui repris cette idée sur un modèle régulièrement commercialisé, faisant des quatre phares de la Carlota un motif non moins reconnaissable que, par exemple, sur la BMW série 3 E30.

« Comme pour la Lada Samara RSi, le cabriolet aurait difficilement pu voir le jour sous cette forme sans le bras droit de Vladimir Iartsev, Jan Maas « Turbo », venu chez Scaldia-Volga en 1989 après avoir travaillé chez Ford, chez Cosworth et même chez Lotus ! Avec ces deux-là, le mécanicien Juan Martin et l’électricien Michel Crizi, formait un quatuor créatif ».

C'est en janvier 1990 qu'un cabriolet blanc comme neige basé sur la « Vosmerka » a été présenté au Salon de l’automobile de Bruxelles où il a fait littéralement fureur. Le stand Lada a même été visité par le Prince Albert de Belgique ! Toutes les créations de Vladimir Iartsev, présentées simultanément sur ce salon - dont la Carlota et la RSi- ont suscité une réaction positive de la part des européens et même de l’enthousiasme. Cet accueil chaleureux s’explique simplement : les voitures présentaient particulièrement bien, comme si elles avaient été finalisées par un vénérable atelier de carrosserie occidental, ce qui s’explique non seulement par le talent, mais aussi par l’implication de Vladimir Iartsev, qui travaillait jusqu’alors pour VAZ.

Il fallut pourtant un certain temps pour trouver un nom à la nouvelle voiture. Au début elle était désignée comme Lada Cabrio et même de Lada Carlota Cabrio, mais plus tard, la voiture reçut son propre nom : Natacha. Si c'est ainsi que l’on désigne les femmes russes en Turquie et dans d’autres pays chaud… selon les spécialistes européens en marketing, non seulement il sonnait bien dans la plupart des langues, mais il était également associé à la féminité et à la tendresse.

Il est intéressant de noter qu’outre l’importateur belge, la transformation de la Lada Samara en cabriolet par EBS a été commandée par les Allemands et les Français, qui ont monté leurs propres kit-carrosseries sur la Natacha. C’est pourquoi il n’y a pas vraiment d’unicité dans les divers cabriolets « Vosmerka » produits, même si on sait exactement comment Vladimir Iartsev l’avait imaginé.

« La Natacha était une rareté : moins de 500 voitures ont été fabriquées en cinq ans. Pour être exact, une première série de 300 exemplaires a été construite, suivie de 156 autres cabriolets réalisés en petites séries. 144 ont été vendues en Belgique, 164 en France, 106 en Allemagne et une voiture aurait été livrée en Hongrie ».

Pour finir, parlons de prix. En France, une « Vosmerka ouverte » allait de 79,800 francs (avec un moteur 1,1 litre) à 89,900 francs pour une version avec un moteur de 1,5 litre, alors que la VAZ-21083 habituelle coûtait 53,700 francs. En d’autres termes, après sa « vivisection » le prix de la Lada Samara augmentait d’environ 1,5 à 1,8 fois, ce qui restait plutôt attractif. En Belgique, la voiture était moins chère d’environ 30% que les cabriolets européens similaires et coûtait environ 365,000 francs belges dans la version Junior, soit environ 135,000 francs de plus qu’une Samara « normale ».

Pourtant, à cette époque, la position de Scaldia-Volga s’affaiblissait. Le modèle de base avait perdu de sa pertinence (il était vieillissant et largement dépassé) ce qui conduit à une réduction de toutes les activités avec une diminution du personnel de 170 en 1994 à 15 en 1999. Cela n’a cependant pas eu d’impact sur le destin éphémère mais brillant de la Natacha puisque le « Cabriosamara » fit partie du passé bien avant que Scaldia-Volga ne cesse définitivement ses activités au milieu des années 2000.

Légende des photos :

  • Cabriolets bon gré mal gré : la principale pièce emboutie - c’est-à-dire le toit - manquait sur la Pobeda comme la Moskvitch. Il était remplacé par une capote.
  • Le « Krokodil », l’un des premiers prototypes de Niva était un mulet pour tester la mécanique.
  • La Reka n’est pas une Niva mais un véhicule militaire amphibie. Et dans une certaine mesure, également un cabriolet.
  • Lando, cabriolet et phaéton - il s'avère que Lada a compté tous ces types de carrosserie !
  • Les renforts sont indiqués en vert. La voiture pèse 70 kg de plus.
  • Le logo MEEUS ne doit pas vous induire en erreur. La signature en bas à droite montre qui et quand a imaginé cela.
  • Trouvez les dix différences. D’ailleurs, il y en a plus.
  • Pour estimer la rigidité de la carrosserie, la voiture a même passé une série de crash-tests, qui ont prouvé la sécurité de la voiture capote baissée.
  • Toit en moins, couvercle de coffre original et capote - voilà comment on peut décrire le projet de « Cabriolada » en trois mots.
  • Mais la voiture s'est avérée avoir des proportions hors du commun !
  • La miniature à l’échelle de la Natacha produite par DeAgostini pour la série « Autolégendes de l’URSS ».
  • De gauche à droite : l'électricien Michel Crizi, le designer Vladimir Iartsev, le responsable technique Jan Maas « Turbo », le mécanicien Juan Martin. Au centre se trouve Macha Kalinina, lauréate du premier concours de beauté en URSS, « Miss Moscou 1988.
  • L'une des options pour le nom du prototype était San Remo. Même à Monte-Carlo et à Cannes, le cabriolet avait vraiment l'air sympa et cher. Il est devenu « Natacha ».
  • Les ailes courtes ou longues, l’intérieur cuir et des nuances d’équipement - dans tous les cas, ces cabriolets prenaient naissance en Belgique.
  • Sur la photo : Vladimir Iartsev près d'un cabriolet avec son fils.
  • Ernst Berg Systems - c'est le nom de la société qui a fabriqué près d'un demi-millier de cabriolets basés sur la VAZ-2108.
  • « From Magyar with love » : les hongrois aiment les vieilles Lada, y compris les cabriolets Samara.
  • L'arithmétique marketing : la tarification des cabriolets était clairement établie.

NB : L'auteur tient à remercier Vladimir Iartsev pour son aide dans la préparation de l’article.

Lu sur : https://www.kolesa.ru/article/natasha-no-ne-nasha-kak-i-pochemu-poyavilsya-kabriolet-vaz-2108
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Lada, #Natacha