La fin de la prochaine décennie verra le retour des missions lunaires. La Nasa travaille déjà activement à ce projet et Toyota s’est récemment positionné pour développer un engin capable de rouler sur la surface du satellite naturel de notre Planète bleue, réincarnation moderne du Rover lunaire ou LRV (Lunar Roving Vehicle) ayant roulé pour la première fois le 31 juillet 1971 au cours du vol Apollo 15.
On a tous en mémoire ce véhicule étrange et fascinant qui a permis aux astronautes américains d’accroître considérablement les distances parcourues lors des trois missions (Apollo 15, 16 et 17) où il a été utilisé. On n’ignore pas non plus que les Etats-Unis ont, dans leur course à l’espace, battu l’Union Soviétique puisque ses cosmonautes ne sont jamais parvenus à fouler le sol lunaire. Enfin, c’est ce que tout le monde pensait jusqu’à présent et cette petite phrase qui replacée dans son contexte ravive les confrontations de la Guerre Froide.
Quand le 14 mars dernier le constructeur japonais a annoncé s’être associé à l’agence spatiale japonaise pour lancer un rover pressurisé à pile à hydrogène, Sergueï Skvortsov, le président du Conseil d'administration d'AvtoVAZ y est allé de sa petite phrase qui, dans les milieux spécialisés, a fait l’effet d’une petite bombe : « On a déjà roulé là-bas, on va y retourner avant les Japonais ».
Là-bas ? Là-bas sur la Lune ? Comment-cela ? Des journalistes suisses spécialisés sur la conquête spatiale se sont empressés de prendre un billet pour Samara. Direction Togliatti pour rencontrer Sergueï Skvortsov afin de le faire parler ! Ayant essuyé un refus catégorique et ne voulant pas rentrer bredouilles, ils décident alors d’aller faire un tour au musée AvtoVAZ. A peine rentrés dans le hall d’exposition ils tombent sur le prototype VAZ-1801 Pony de 1979 dont la forme n’est pas sans leur rappeler celui du rover lunaire de Pike Place Corp. Basée à Seattle, cette société avait répondu alors à un appel d’offre lancé par la Nasa en juillet 1969 pour concevoir le fameux LRV.
Le lien est immédiatement fait avec la révélation faite quelques jours avant par Sergueï Skvortsov. Ils en sont persuadés : le rover lunaire d’AvtoVAZ se tient là devant leurs yeux ! Pour eux, ce véhicule de loisirs est la copie exacte du prototype américain. Les journalistes font des pieds et des mains pour accéder aux archives de la marque qui viennent d’être récemment déclassifiées. Ce qu’ils vont découvrir dans un dossier datant de fin 1973 est tout bonnement incroyable et va au-delà de ce que tout le monde avait pu imaginer...
Au début des années 1970, la réussite des missions Apollo irrite les plus hauts-dirigeants soviétiques. L’URSS doit aller sur la Lune et y rouler ! Le KGB réussit à se procurer les plans du véhicule lunaire imaginé par Pike Place Corp et les confie à Victor Poliakov, le chef du Minavtoprom (et soit dit en passant ancien directeur général de VAZ). Le premier constructeur russe a obligation de fabriquer le même engin dans un délai des plus courts.
Chez AvtoVAZ on s’active et le projet est bien entendu classé top-secret. Le rover lunaire est réalisé en un temps record dans les sous-sols de la chaîne de montage par quelques ouvriers « stakhanovistes du travail » triés sur le volet. Anciens militaires, membres du PC, ils savent travailler vite et bien et surtout garder un secret. Autonomes, ils vont donc réaliser des miracles et très rapidement la réplique du rover américain est envoyée au cosmodrome de Baïkonour à bord d’un camion banalisé portant l’inscription « poisson frais ».
En décembre 1972, juste avant la mission Apollo 17, une fusée N1 décolle en direction de la Lune avec à son bord les trois cosmonautes soviétiques Sergueï Limandov, Alekseï Sardinski et Valeri Kabillov ainsi que le véhicule lunaire Lada. Au début, le programme soviétique se déroule sans accroc et le véhicule lunaire fabriqué à Togliatti marche du tonnerre. Après quelques jours, les trois cosmonautes doivent rentrer sur Terre mais le module atterrissage refuse de repartir... Les Soviétiques sont condamnés à mourir sur la Lune. Leonid Brejnev est contraint d'appeler Richard Nixon pour lui demander de l'aide. La mission de sauvetage la plus onéreuse jamais réalisée est organisée et Apollo 17 rapatrie dans le plus grand secret les cosmonautes soviétiques, contraints d'abandonner tout leur matériel y compris le LRV copié par AvtoVAZ.
Après ce fiasco, et avec la promesse des Etats-Unis de ne jamais évoquer cette page de l'histoire de la conquête spatiale, le gouvernement soviétique décide de cacher ce qui a un lien au programme lunaire de l’URSS. On détruit tout ce qui peut l'être et c'est pourquoi, près de 45 ans après et la petite phrase de Sergueï Skvortsov, nombreux sont ceux qui restent circonspects sur le fait qu'une Lada ait pu par le passé rouler sur la Lune ! Sauf peut-être les journalistes suisses...
On en saura peut-être plus lors de la conférence de presse extraordinaire qui doit se tenir aujourd'hui à Moscou. Vladimir Poutine en personne, pourrait annoncer un ambitieux programme spatial pour la Russie comprenant une mission habitée sur la Lune avec une contribution importante du géant de l’automobile de Togliatti.
Lu sur : www.spatial-suisse.ch/LRV-lada-ou-le-poisson-lune/
Adaptation VG