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En Russie, le cabriolet est un véritable objet de luxe. Généralement, son propriétaire est - soit un fêtard invétéré, soit un bureaucrate, soit un bandit - tout sauf une personne normale. Pourquoi une personne normale irait acheter une voiture sans toit ? Une personne normale achète quelque chose de plus pratique, une Kia Rio par exemple. Les Audi TTS Roadster, Jaguar F-Type V8 S ou Ford Mustang Shelby GT500 sont des jouets pour les riches. Enfin, pas pour les pauvres - c’est sûr. Mais on trouve dans le monde d’autres cabriolets qui ressemblent autant à une Shelby ou à une Jaguar que Sergueï Chnourov, le leader du groupe Leningrad, à mon ancien professeur. C’est le cas de la Lada Niva Cabrio. C’est un cabriolet, mais quel cabriolet !

A vrai dire, cela n’est pas trop difficile de transformer la Niva en cabriolet. Un Bulgare pourrait vous faire cela en quelques heures. C’est une façon de faire, mais les vrais amateurs de cabriolets emprunteront une autre voie.

Car il y a un pays inhabituel, la Grande-Bretagne. Le pays de l’aristocratie, où règne la reine, où on boit le thé à cinq heures, où roulent les taxis les plus reconnaissables au monde et des autobus à impériale. Un pays où en même temps, la reine ne dédaigne pas rouler dans un Land Rover Defender, où Jack l’Eventreur a erré dans les rues, sans parler de ces groupes de rock : il est difficile d’imaginer qu’un pays aussi calme ait pu voir apparaître des groupes comme Deep Purple ou Motörhead. Il ne faut donc pas s’étonner du fait qu'on pouvait par le passé acheter sur cette île pluvieuse et brumeuse une Niva soviétique, lui couper le toit et la transformer en cabriolet. Les Anglais sont des gens étranges, au sens propre.  

C’est le carrossier anglais Top Hat Conversions qui était chargé de produire en série la Niva Cabrio. Ce modèle ne se distinguait pas seulement par l’absence de son toit. Il y avait beaucoup d’autres changements, certes pas très importants, dont nous parlerons plus loin.

En voyant les photos, il y a une question que vous pouvez légitimement vous poser : si cette voiture a été créée en Angleterre, alors pourquoi a-t-elle le volant à gauche ? Pavel, l’actuel propriétaire de cette Niva s’est penché sur l’histoire de sa voiture. Il avait beaucoup de questions lui aussi. La première était naturellement de savoir pourquoi la voiture a le volant à gauche. La seconde était de savoir pourquoi elle n’avait pas de plaque avec le numéro de série du cabriolet, comme toutes les Cossack ? Enfin, pourquoi les seuls documents accompagnant cette voiture était un bon de livraison de Sovtransavto ?

L’explication est la suivante. En 1987, cette voiture a bien été importée par la Satra Motors avec la conduite à gauche, comme le montre son numéro de VIN commençant par 21210 et non pas 21212 pour la version à conduite à droite et les Anglais ont commencé à travailler dessus pour en faire une Niva Cossack Cabrio (Cossack, c’était une version de la Niva et Cabrio c’était une option sur cette version).

Mais qui avait besoin de ce cabriolet à conduite à gauche ? Cela peut paraître étrange (et même extraordinaire) mais il s’agit d’une commande spéciale de l’Entreprise automobile n°1 du département des affaires du Comité central du PCUS. La voiture était destinée à être offerte à Mikhaïl Gorbatchev. Mais quelque chose s’est mal passé… Même si elle a été mise en conteneur, le Premier Secrétaire n’a jamais reçu cette voiture, et elle y est resté jusqu’en 1996. Il y a une lettre qui date du 17 juillet 1991. Elle est signée du chef du département des transports du Comité Central du PCUS, Sergueï Radioukine et adressée à la GAI de Moscou. Il s’agit d’une demande pour immatriculer la voiture...

Pavel a fait beaucoup d’efforts pour remonter le fil. Il a retrouvé Sergueï Radioukine et lui a parlé au téléphone de cette Niva. Le sort de la voiture est devenu un peu plus clair. Elle est vraiment restée dans son conteneur jusqu’en 1996. Et il l’a racheté à son précédent propriétaire avec toutes ces histoires (les vraies et les fausses). Elle n’avait à l’époque que 360 km au compteur.

Son précédent propriétaire ne la regrettait pas vraiment. Il s’en servait juste pour aller à sa datcha et à un moment donné il a eu besoin d’argent pour refaire son bania. Il l'a donc vendue. C’est ainsi qu’elle a été transférée de Domodedovo à Saint-Pétersbourg. Peut-être que le climat n’est pas très approprié pour ce type de voiture et comme l’a très bien fait remarquer un magazine anglais : « sa capote est plus adaptée aux rues ensoleillées de Krasnodar, la capitale des Cosaques du Kouban ».

Mais Paul ne regrette pas même s'il a un autre problème plus urgent à régler. Il lui faut sans cesse expliquer que « bizarrement il n’a pas découpé le toit » mais qu’il s’agit bien d’une voiture anglaise de série. Mais avec le volant à gauche…

A noter que les Anglais n’ont rien changé dans la Niva. Il ne faut pas s’attendre à trouver sous le capot un moteur de Rolls-Royce ou une boîte de vitesses ZF. Ici, tout est d’origine. C’est donc le classique moteur 1,6 litre de 78 chevaux et la boîte mécanique VAZ que l’on trouve. Mais ce cabriolet a une boîte à cinq rapports alors qu’en 1987 en URSS elle n’était pas montée sur la Niva. Là encore, c’est intéressant : les Anglais rajoutait la cinquième dans la boîte d’origine. Ils accrochaient aussi la boîte de transfert à des amortisseurs spéciaux de sorte que la Niva pouvait rouler normalement sur route ouverte. Ce sont les seuls modifications sérieuses (sans compter le toit bien-sûr) qu’ils apportaient à la Lada. Le reste n’est qu’une question de style.

Bien sûr, tout le monde aura déjà remarqué les jantes alliage. Certains les auront même condamnées : c’est du tuning et on aurait pu trouver quelque chose de mieux ! Pourtant, non. Ce sont les jantes d’origine. Ce sont les jantes avec lesquelles les Britanniques roulaient sur leurs routes. Et ces jantes 15 pouces K&N Starmag devaient même être blanches.

Par contre les phares additionnels ne sont pas les bons. Là on trouve des Lucas Fx160 alors qu’on devrait avoir des Dx160. A première vue, on ne voit pas la différence mais elle est de taille : les Fx, ce sont des phares antibrouillards alors que les Dx sont des longue portée !

Une autre différence se trouve dans les rétroviseurs. Ici on trouve les Fassetta montés d’origine : les rétroviseurs soviétiques ne convenaient pas aux Britanniques uniquement pour leur style, mais aussi parce qu’ils ne répondaient à leurs normes d’homologation. Souvent, on trouvait aussi des Vitaloni Baby Tornado mais là ce sont des Fassetta, plus rares. En passant, les Vitaloni Baby Tornado n’étaient pas seulement montés sur les Niva mais aussi, par exemple, sur les Lamborghini Countach ! Avant de passer à la carrosserie, où les différences sont nombreuses, on remarquera aussi les essuie-glaces différents.

Bien sûr, il ne suffit pas de découper le toit pour faire un cabriolet. La carrosserie de la Niva exigeait certaines modifications. Pour commencer, les habitants de la Perfide Albion démantelaient complètement la Niva. La carrosserie, livrée systématiquement en blanc, était repeinte dans quelque chose de plus joyeux. Ce n’était pas seulement pour faire beau : la qualité de la peinture appliquée par ces damnés impérialistes était bien meilleure et la Niva ne rouillait pas trop vite. En plus, la voiture recevait une protection anticorrosion supplémentaire.

Le hayon disparaissait presque complètement et se transformait en couvercle de coffre. La roue de secours y était accrochée. Si vous vous souvenez bien, sur la Niva, on la trouvait en permanence dans le compartiment moteur, mais avec une jante en alliage, la roue ne pouvait tout simplement pas tenir sous le capot et c’est pourquoi les Anglais avaient décidé de l’installer à l’arrière.

La rigidité de la carrosserie, impactée par l’absence de toit, devait être restaurée d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi, au niveau des passagers arrière, deux traverses étaient soudées le long du bord inférieur de la ligne de caisse et reliées à la poutre transversale qui formait l’arceau de sécurité. La Cossack recevait aussi des protections de passages de roues, des écrous antivols et des barres de protection avant et arrière.

L’intérieur avait le droit à d’autres sièges et l’équipement était plus riche que sur la Niva habituelle. Un volant à quatre branches Mountney, qui était non seulement joli, mais aussi d’un plus petit diamètre faisait ainsi son apparition. On trouvait aussi un étonnant autoradio Philips 413 à réglage manuel mais avec mémorisation des stations ! C'est pourquoi s’installer au volant de cette voiture constitue un grand moment. En plus, on trouve la climatisation (on peut se demander ce qu’elle fait dans un cabriolet). Il semblerait que cette clim ait été copiée en Russie. On la trouvait par exemple sous le nom de « Avgoust » (août en russe) dans les Niva de transport de fonds.

Les ceintures de sécurité sont soviétiques mais faites sous licence étrangère. On trouve aussi des ceintures à l’arrière. L’alarme TREK 100 n’a pas survécu jusqu’à nos jours. Mais vous pouvez vous imaginer quel bruit elle faisait puisqu’elle utilisait le klaxon d’origine qui, soit dit en passant, était celui monté en URSS.

L’essai a eu lieu en octobre. Il y avait un peu de vent. Le climat de Saint-Pétersbourg n’est pas des plus ensoleillés, c’est le cas de le dire, surtout en octobre. Pavel est venu à notre rencontre avec la capote. Mais il faut décapoter pour les photos puisque c’est ainsi que le cabriolet est le plus intéressant. La manœuvre n’est pas trop difficile. Il faut la détacher du pare-brise, commencer à la plier soigneusement et replier ensuite le reste de l’armature. Cela ne prend qu’une minute. Les Anglais proposaient deux capotes : une première noire et multicouche pour l’hiver, une autre fine et légère pour l’été. Sur notre modèle elle est noire et elle est neuve… La capote d’origine n’a pas pu tenir 30 ans.

La capote est repliée. On peut prendre le volant. Pour être honnête, vous êtes assis comme dans une Niva normale. Les sièges sont mous, sans soutien latéral et on sent l’odeur du moteur chaud… On se rappelle de l’époque où il fallait tirer le starter et même pomper un peu la pédale d’accélérateur… C’était l’époque où une voiture n’était pas identique à l’autre (le carburateur est une chose mystérieuse) et où on n’avait pas besoin d’emmener sa femme et sa belle-mère à Auchan…Il nous faut remettre le starter (le moteur est déjà froid) et tourner la clé… Oh, quel beau bruit ! C’est du classique dans tous les sens du terme. On enclenche la première… c’est parti !

On pourrait s’arrêter là. En 2017, ce n’est pas la peine de rédiger un essai sur la Niva. C’était pertinent il y a 40 ans. Cela le sera peut-être dans 30. Pour l’instant, la Niva n’est pas encore une Youngtimer. C’est pour cela que nous ne nous attarderons que sur les traits typiques de ce cabriolet. Dans la rue c’est plutôt sympa et si vous n’accélérez pas trop, il ne fait pas froid à l’intérieur. Le vent souffle un peu dans le cou mais c’est supportable. Elle est facile à conduire et il est difficile d'éviter ce sourire heureux que vous abordez. Le chauffage est aussi efficace que la Niva d’origine et il vous réchauffera même décapoté.

Nous avons remarqué qu’avec le petit volant la conduite est beaucoup plus agréable. Le petit diamètre n’augmente pas considérablement la dureté de la direction en manœuvre et il est plus facile à tenir et ne glisse pas comme avec le volant monté à l’origine sur la Niva et la Jigouli. En plus, vous n’aurez pas envie de mettre un couvre-volant en fils tressés multicolores comme c’était la mode à un moment-donné…

La Niva Cossack a souvent été essayée par les journalistes anglais et comparée à la Dacia Duster 4x4 (l’Aro portait ce nom de l’autre côté de la Manche), avec le Suzuki SJ410 et même avec le Range Rover. Sur certains aspects elle était souvent la première, et pour les capacités en tout-terrain, c'était la meilleure. Voilà ce que l’on pouvait lire à l’époque : « Oui, elle est bruyante, elle ne peut pas se vanter d’une finition riche et n’est pas très adaptée à la route. Mais cela intéresse peu un fermier de Chelsea ». Elle a connu une forte demande en Angleterre et ce malgré le fait qu’en 1987, la Niva 4x4 Cossack Cabrio coûtait £8,000 et la Suzuki moins de £6,000…

Lu sur : http://www.kolesa.ru/test-drive/a-ya-syadu-v-kabriolet-test-drajv-lada-niva-4x4-cossack-cabrio
Adaptation VG

Tag(s) : #Histoire, #Lada, #Niva, #Cossack, #Cabrio, #Cabriolet, #Essai