Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'Histoire nous attend dans l’obscurité derrière une porte en acier gris, quelque part dans le parc d’activité de Lichtenberg. Elle est là : une Trabant 601 blanc papyrus avec un toit beige. Une voiture datant de l’époque où les caisses de bières étaient encore en bois, où l’ Egri Bikaver était considéré comme du vin rouge, et où l’on pouvait voir quelqu’un debout dans le métro avec un pot d’échappement ou une pièce de carrosserie dans les mains.

C'est en 1964 que la première Trabant 601 a été présentée. Jusqu’à la chute du mur de Berlin, elle a été construite exactement de la même façon à Zwickau en Saxe. C’était une création pour l’éternité et le Duroplast était devenu le symbole de la lutte contre le changement.

Cette Trabi est là, prête à partir pour un voyage dans le temps. Son propriétaire me tend un énorme trousseau de clés. Il y a une pour la porte, une pour le coffre et une pour le démarreur. Quand il m’explique où se trouvent les vitesses et comment ouvrir le robinet d’essence, je ne l’écoute pas.

On n’explique pas un un Ossi comment conduire une Trabi ! J’ai acheté ma première Trabant quand j’avais vingt ans. Sa couleur portait un nom fantaisiste avec un mot qui semblait dire bleu. En fait, la voiture était gris-souris et la peinture était terne. Cette Trabant avait huit ans, elle avait d’importantes traces de rouille sur les montants de toit arrière, mais ce n’était pas tragique. Le principal est qu’elle n’avait pas de rouille sur les longerons. C’était la règle de base. Nous l’avions payé 8,000 Marks de l’époque, c’était pour ainsi dire le prix d’une Trabant neuve, mais nous étions très heureux.

Le propriétaire discute encore, m’explique qu’il n’y a pas de direction assistée, pas de servofrein, et il me donne un numéro de téléphone en cas d’urgence. Puis, à un moment donné, tombe le mot « Choke ». Celui-là, je l’avais oublié. Il s’agit d’une tirette pour régler l’arrivée d’air du moteur et obtenir un mélange air-carburant plus riche.

Sans « Choke » pas possible de démarrer à froid. Il fait froid, alors je tire ce starter, actionne le démarreur et le moteur rugit. « Lâchez l’accélérateur » me crie le propriétaire de la Trabant en entendant le bruit que fait le 600 cm3 deux-temps situé à l’avant. Ce bicylindre, chacun étant un peu plus grand qu’une tasse de café, brûle de l’essence de de l’huile pour délivrer la puissance phénoménale de 26 chevaux. La Trabant devait être fonctionnelle, pas amusante.

On est parti. Première, deuxième, troisième. Conduire une Trabant c’est comme faire du vélo. Cela ne s’oublie pas. C’est bruyant, ça cliquète et ça vibre. Rétrospectivement, il est difficile d’imaginer qu’elle pouvait avoir l’autoradio. J’ai l’impression d’aller toujours trop vite. Mais ce n’est qu’une illusion. C’est le conducteur qui a cette impression de vitesse. En effet, l’aiguille du tachymètre oscille entre 30 et 40 km/h. Le moteur et les freins ne sont pas très efficaces. Elle n’aime ni les accélérations, ni les freinages. Et elle préfère qu’on la conduise à allure régulière.

A un feu du quartier de Berlin-Friedrichshain, cette voiture blanc papyrus est photographiée par les passants. Ce dinosaure est en visite dans son pays natal. Elle roule si lentement que la chose en devient amusante. La voiture vit, elle est récalcitrante, se défend de toutes ses forces comme si elle voulait aller tout droit dans les virages. C’est une voiture pour rouler droit devant et qui n’utilise finalement que la sa quatrième et dernière vitesse.

Sur l’autoroute, j'atteins 100 km/h. C’était juste pour voir. On ne peut pas décrire cette expérience comme une vitesse de croisière agréable. Mais jusqu’à ici tout va bien et maintenant la Trabi a un rendez-vous. Elle nous attend déjà sur la Karl-Marx Allee devant le Kino International. Une Souabe de soi-disant bonne famille, arrogante dans sa robe rouge vif. Ses pneus sont deux fois plus larges que ceux de la Trabant et ses pots d’échappement ressemblent à des thermos. C’est une Porsche 911 !

Cette voiture a été vendue pour la première fois en 1964. Mais alors que la Trabant a connu la stagnation durant ses 25 premières années et que les 25 suivantes correspondent à une retraite forcée, la Porsche n’a pas cessé d’évoluer, devenant la voiture de sport allemande par excellence. Une voiture que même les fondamentalistes considèrent comme étant plus qu’une simple voiture et qui est à la fois un accélérateur de contact et un objet de haine. « La 11 » comme les puristes l’appellent en est à sa septième génération...

L’arrogance et le brillant de sa robe fascineront toujours. Le designer Otl Aicher, qui a conçu entre autres le logo de la Lufthansa ou le pictogramme vert et blanc des services de secours, a une fois déclaré à propos de la 911 : « Cette voiture roule aussi quand elle est arrêt ». Elle aura toujours ce dessin. Seuls les détails diffèreront.

La portière se déverrouille en appuyant sur un bouton. Les rétroviseurs se déplient. A l’ouverture de la portière du conducteur, le siège baquet bourdonne en adopte les bons réglables, le volant aussi. Bienvenue dans le monde du service. Cette voiture s'enfile comme un gant.

Dieu merci, l’ADN de « La 11 » n’a pas changé et le démarreur est toujours placé à gauche du volant. En outre, le compteur est situé là où a toujours été sur une 911, c’est-à-dire au milieu derrière le volant, où partout ailleurs on trouve le compteur de vitesse. Mais sur cette septième édition, cela n’évoque plus guère le monde de la course car le compte-tour se trouve au milieu d’un nombre incalculable d’écrans, d’indicateurs, de boutons et de commutateurs. Là où l'on faisait autrefois dans le purisme, c’est maintenant le Rococo qui détermine l’architecture du cockpit. L’apparence a pris le dessus, pas la performance. Il y a même un bouton « échappement sport » qui modifie un papillon dans le silencieux principal pour provoquer un grondement profond à chaque accélération. L’ingénierie du son a remplacé le bruit. Et la batterie électrique a remplacé la grosse caisse !

Tourner la clé réveille le classique six cylindres boxer de trois litres de cylindrée situé à l'arrière. Selon le constructeur il développe 370 chevaux. Ce moteur aboie et gronde. Un pied courageux sur la pédale d’accélérateur suffit à propulser ces 1,5 tonne d’acier, de verre et de plastique à 100 km/h et en moins de temps qu’il ne faut pour qu'un marcheur fasse quatre pas.

L’aiguille du tachymètre progresse comme s’il n’y avait pas de résistance. A 150 km/h, on est ici comme à 40 km/h dans la Trabi et la 911 s’inscrit facilement dans chaque virage et avec tant de précision qu’on a l’impression qu’elle sait déjà où elle doit aller ! C’est sa force. Elle peut atteindre 293 km/h mais cela n’est pas si important.

Alors que retenir de ce comparatif ? D’un côté une voiture de sport qui a connu 54 années de développement, qui dispose maintenant de 370 ch et qui est capable de rouler à près de 300 km/h. De l’autre, une voiture conçue comme un pur moyen de transport et faite pour rouler droit devant.

La Trabi n’était pas faite pour prendre le virage de l'Histoire.

Lu sur : https://www.berliner-zeitung.de/berlin/trabi-gegen-porsche-das-grosse-ost-west-duell-29605866
Adaptation VG

Tag(s) : #Trabant, #RDA, #Rencontre, #Comparatif