
Lancée il y a 30 ans, l’humble Skoda Favorit a permis d’améliorer le sort du constructeur automobile tchèque. Certains de nos jeunes lecteurs pourraient être choqués de l’apprendre mais, autrefois, les Skoda étaient considérées comme de vraies poubelles. Et c’était la vérité. Avec leur moteur arrière refroidi par air, elles avaient tout le charme d’un doigt dans l’œil. « Qu’est-ce que les Skoda ont en commun avec une baignoire ? Vous ne pouvez pas vous montrer en public dans l’une ou dans l’autre…». Hahaha. C’est le genre de blague qu’on pouvait vous faire lorsque vous vous présentiez dans un garage pour votre révision biannuelle. Bien sûr, la Skoda avait ses fans qui prétendaient que sa répartition des masses était presque comme celle d’une Porsche, que l’Estelle Rapid vous permettait de rouler en coupé avec des coûts de fonctionnements proche de la soupe populaire, qu’elle comptait de nombreuses victoires de classe en rallye et qu’elle était préférable à la Lada parce que la Lada avait le pire nom qu’il soit.
Puis dans un brouillard d’huile brûlée et des nuages de vapeur, quelque chose d’étonnant est apparu dans le monde de Skoda : la Favorit. Tirant son nom d’une limousine des années 30 disparue depuis longtemps, la nouvelle Favorit 1987 marque un tournant pour la marque. Pour commencer, c’était une traction avant avec moteur à l’avant, comme toutes ces voitures occidentales décadentes. Deuxièmement, elle avait été dessinée par le designer italien Bertone, donc elle était vraiment jolie. Troisièmement, et c’est important, elle ne se désintégrait pas en un tas de poussière à cause de la pluie et ses moteurs, issus des anciens modèles 130, avaient été développés pour être fiables et pas totalement horribles à utiliser.
A la mode soviétique classique, le développement de la Favorit avait été long et fastidieux. Il avait été approuvé par le gouvernement de ce qu’était la Tchécoslovaquie en 1982 mais les travaux n’avaient pas vraiment commencé avant l’année suivante. Un différend entre Bertone et le gouvernement a aussi fait que la conception de la voiture n’a pas pu être finalisée avant 1985. Apparemment la dispute portait sur une berline à quatre portes qui n’a jamais été fabriquée, même si une très utile version break a fini par faire son apparition dans les halls d’exposition.
La Favorit a été lancée un peu en fanfare en 1987 et la voiture s’est rapidement faite des amis, y compris Jeremy Clarkson, qui en a fait la critique élogieuse quand Top Gear était encore un programme automobile. Le moteur avait été développé par Ricardo Engineering qui comme le montre son CV était un pionnier du moteur diesel, avait développé les moteurs Rolls-Royce pour l’aéronautique et construit un moteur V16 pour les Alfa Romeo de compétition. Ces spécialistes avaient réussi à faire passer le 1,000 cm3 d’origine à 1,3 litres. Mais, le plus impressionnant, c’est qu’ils avaient su le rendre moins gourmand en carburant et plus facile à démarrer par temps humide. Ce bloc était monté sur des supports moteur développés par Porsche et installé sur une suspension avant également conçue par l’Allemand. Tout cela était très impressionnant pour une voiture qui n’était censée n’être qu’une simple concurrente de la Ford Fiesta. La boîte à cinq vitesses de série était un argument de vente majeur même si l’intérieur était un peu carré et fragile, avec un volant à l’aspect bon marché et une énorme horloge à la place du compte tours ! Pourtant, en 1987 la Favorit légèrement plus petite qu’une Ford Escort, était vendue au même prix qu’une Ford Fiesta de base.
Curieusement, malgré l'amour des Irlandais pour les bonnes affaires, la Favorit n’est pas arrivée officiellement dans le pays avant 1993. Avec désormais 68 chevaux et un prix compétitif de £7,250, la Favorit a rapidement connu le succès auprès des acheteurs irlandais, comme elle s’était avérée populaire au Royaume-Uni, en Europe ou même plus loin, en Israël, en Argentine et au Pérou. Yugo avait développé la Sana (NDT : Florida en France) et Lada avait la Samara, des variations sur le thème de la traction avant à moteur refroidi par eau de la taille de la Ford Escort ou de l’Opel Kadett. Mais ni l’une ni l’autre n’étaient aussi développées que la Skoda Favorit et si la Samara s’est bien vendue c’est uniquement parce qu’elle n’était pas chère et était moins embarrassante qu’une Riva.
Simple et pratique, la Skoda Favorit a connu un énorme succès et a trouvé plus de 50,000 acheteurs aux Royaume-Uni avant d’être remplacée en 1995 par le premier modèle de Fabia. Mais elle laissera une empreinte plus durable que d’être simplement une voiture bon marché de plus !
Après la révolution de velours, le gouvernement tchèque a cherché un partenaire prêt à acheter Skoda et le sortir de la propriété de l’Etat. Volkswagen a été encouragé par le succès de la Favorit et par la volonté de Skoda de ne pas concourir uniquement sur ses prix bas. La société allemande s’est manifestée en décembre 1990 et a pris une participation de 30% dans l’entreprise en 1991 avant d’en devenir l’actionnaire avant la fin de la décennie. Et si Yugo et Lada sont toujours là, le premier est essentiellement un poste avancé de Fiat, tandis que le second se bat pour vendre ses voitures, même en Russie.
De nos jours, Skoda fabrique une gamme de voitures modernes dont on ne peut même pas se moquer de loin et c’est aujourd’hui l’un des membres du Groupe VW qui rencontre le plus de succès et l’une des marques les plus dynamiques d’Europe. Chapeau bas, madame Favorit !
Lu sur : https://www.independent.ie/life/motoring/put-your-money-on-the-favorit-36332480.html
Adaptation VG