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Moteur à carburateur de 130 ch, propulsion, pas d’assistance de direction ou de freinage, encore moins d’assistance électronique. Pourtant avec cette Jigouli, on peut et on doit rouler vite et c’est pour cela qu’elle est particulièrement excitante !

Cette Jigouli de 43 ans avait toutes les chances de pourrir à petit feu et sans gloire dans la région de Toula. Mais le destin a l'épargnée, lui offrant dans une seconde vie un rôle complètement différent. L’équipe de course Next Motorsport s’est lancée dans le projet de construction d’une VAZ-2101 pour les courses historiques du Moscow Classic Grand Prix. D'ailleurs ils ne cherchaient pas une voiture à proprement dit mais plutôt une carrosserie en bon état. Au début l'idée leur a semblé  utopique car au bout de trois semaines de recherches intensives dans les petites annonces d'internet, ils n’étaient tombés que sur des épaves ! Puis c’est à Novomoskovsk qu’ils ont trouvé cette Jigouli. Fatiguée, avec des traces de réparations sur les ailes avant, mais presque complète (il manquait quelques pièces comme le rétroviseur extérieur), avec son carnet d’entretien datant de l’URSS et toujours sa peinture d’origine ! Le compteur de cette « Kopeïka » affichait le chiffre de 64 mille kilomètres. Et sans qu’ils ne s’y attendent, la voiture tenait vraiment à la vie puisqu’elle a redémarré et est montée par ses propres moyens sur la remorque pour passer ensuite haut la main son contrôle technique !

Ce furent les derniers mètres de cette VAZ-2101 dans sa forme originale. Elle a ensuite été démontée jusqu’à la dernière vis et la carrosserie envoyée pour un nettoyage total. Lavage et sablage pour enlever peinture, joints et mastics d’usine, rouille... N’est resté au final que l’ossature métallique ! Ensuite la compagnie Moscovia Motorsport a intégré à la caisse un arceau de sécurité homologué. Pas un simple modèle mais un arceau fixé aux attaches de suspension. Il pèse environ 75 kg soit une fois et demi plus lourd qu’un arceau traditionnel mais il a permis aux ingénieurs de Next Motorsport d’obtenir un véritable châssis-cage. Celui-ci ne joue pas seulement un rôle en matière de sécurité car en théorie la carrosserie « joue » moins, les parties roulantes travaillent dans des conditions idéales et la voiture est plus stable et se comporte de manière adéquate.

Parallèlement à la restauration de la carrosserie, les ingénieurs ont travaillé sur le moteur. Du quatre cylindres de 1,2 l d’origine, il ne reste que le culasse qui reçoit un arbre à cames et des conduits d’admission modifiés. Selon le règlement du Moscow Classic Grand Prix, la catégorie « Jigouli 1600 » accueille des voitures de cette cylindrée mais avec des moteurs assemblés à partir de pièces de Jigouli. Next Motorsport a choisi de prendre non pas un bloc 1600 mais un 1300 plus léger. Les mécaniciens ont légèrement agrandi les chambres de combustion et ont changé les parties mobiles pour obtenir la cylindrée désirée et un taux de compression de 12:1. L’allumage est sans contact, l’alimentation se fait par un carburateur solex, les soupapes d’admission et d’échappement sont des pièces de Jigouli légèrement optimisées. Il n’y a pas de thermostat, le radiateur vient d’une Kalina, et les poulies et les tuyaux d’alimentation d'essence sont faits sur mesure. Ils ont aussi ajouté un échangeur sur le système de lubrification...

Imaginez que ce moteur a été mesuré à 130 chevaux sur le banc ! C’était, il est vrai, avec de l’essence compétition avec un taux d’octane de 100. Avec du sans plomb 98, la puissance chute de 6 à 7 chevaux, une valeur plus que digne pour une transformation à l'ancienne.

En matière de transmission les règles sont également très strictes : la boîte de vitesse doit être assemblée à partir de pièces d’origine. Cela interdit de fait le montage de boîtes séquentielles. Pour améliorer au maximum les accélérations il faut choisir le plus court possible : par exemple les pignons de boîte proviennent d’une VAZ-2106 jusqu’à 1983 et le rapport de pont de 4,44 d’un break VAZ-2102. Le différentiel dispose d’un blocage à disque et l’arbre de transmission et le pont lui-même restent ceux d’origine, c'est-à-dire de 1973 !

Pour la suspension c’est encore plus strict. Il est interdit de modifier les points de fixation des bras de suspension et l’emplacement des amortisseurs, le diamètre, la forme et le matériau des ressorts. Les amortisseurs réglables sont aussi illégaux. Il a donc fallu se limiter au changement des silentblocs, l’installation d’une barre Panhard réglable et de joints sphériques rigides sur les tirants longitudinaux du pont arrière. Les ressorts ont été fabriqués sur commande et les amortisseurs choisis dans la gamme sport de Sachs. Bien entendu, on a également joué sur la géométrie tout en restant dans la limite des paramètres d’origine. A l'avant le carrossage est négatif (2,5°) et l’angle de chasse passe à 6°. Le premier permet une surface maximale de contact dans les virages et, par conséquent, un meilleur toucher. Le second augmente la stabilité en ligne droite. Et comme la direction avec le mécanisme de série sans assistance s’est alourdie en raison de ces réglages, il a fallu commander chez Sparco un volant de course dont le diamètre est inhabituellement grand (380 mm).

Les roues constituent le plus grand problème. Dans la catégorie « Jigouli 1600 » seules des roues de 13 pouces sont autorisées avec une dimension de pneus fixée à 175/70. Les pneus de courses sont totalement illégaux et trouver dans la gamme routière quelque chose d’idéal a été difficile. Les ingénieurs se sont arrêtés sur des pneus russes Cordiant Sport 2, peu coûteux mais au caractère fougueux.

A vraie dire, j’ai abordé cette « Kopeïka » de course, avec précaution. Quand j’ai testé le prototype Mini du Dakar, qui coûtait un million d’euros, je n’avais pas ressenti une telle excitation. Parce que je savais que ce prototype cachait une technologie ultra-moderne à des années-lumière des voitures de tous les jours. Là, je suis au volant d’une voiture de course assemblée en suivant des recettes de grand-père. Quand ces solutions techniques ont été mises au point, je n’étais même pas encore de ce monde ! Et puis, il s'agissait de la première sortie de cette VAZ-2101 après sa renaissance...

Je regarde tout autour de moi et sous le rugissement du moteur préparé mes craintes disparaissent progressivement. C’est même confortable. De la position de conduite maladroite de la Jigouli il ne reste rien. Les baquets étroits sont même plutôt spacieux et confortables, le pédalier bien disposé avec son accélérateur articulé sur le plancher, le volant est correctement positionné et même le très long levier de vitesses tombe parfaitement en main. Dans cet univers terriblement sportif, on trouve un tableau de bord vintage avec ces tirettes de chauffage douloureusement familières, les buses d’aération rondes et le cendrier. C’est sûr, on est en présence d’une oldtimer plutôt enragée !

Le moteur prend facilement les 8,000 tr/min. J’ai à peine effleuré la pédale d’accélérateur que le témoin lumineux m’indique qu’il est temps de passer la vitesse supérieure. Il faut toutefois  prendre son temps ne serait-ce qu'en raison du fait que la mécanique appelle à la tendresse. Les synchros obligent à repasser par le point mort sinon crac... comme si vous vous cassiez un os. Les mécaniciens de Next Motorsport ont promis d’essayer une huile plus épaisse.

En ligne droite, cette « Kopeïka » tient parfaitement le cap : aucun flottement au volant, aucune correction nécessaire. La voiture ira là où vous voudrez qu’elle aille. Sur la longue ligne droite du Moscow Raceway, pas le temps de passer la quatrième. Le cinquième rapport de cette VAZ-2101 n'est pas vraiment nécessaire ici. Mais le plaisir principal commence dans les virages. Sur la première moitié de sa course, la pédale de frein semble totalement inopérante. Puis elle commence à agir : il n’y a pas d’amplificateur de freinage. C’est une bonne chose car bloquer les roues n’en sera que plus difficile. On s’y habitue vite, tout comme la pédale d’accélérateur articulée au plancher.

La tenue de l’essieu avant est fantastique. Cette Kopeïka prend facilement ses appuis sur la roue extérieure et attaque les virages comme une foule affamée se jetterait sur les hamburgers de Black Star Burger. Il faut seulement réussir à tourner le grand volant ce qui, il faut le reconnaître, n’est pas facile même pour un homme au physique solide. Si vous voulez la mener rapidement et avec précision faites de la musculation !!! En sortie de virage c’est pire. Les pneus routiers commencent rapidement à glisser et quand ils sont chauds cela ne s’améliore pas. Il faut donner un petit coup de gaz pour stopper les dérapages.

Heureusement que cette VAZ-2101 est parfaitement équilibrée. Tant qu’on n’a pas dépassé sa limite elle est même amusante à conduire ! Je pense que je suis tombé amoureux de cette « Kopeïka ». Elle est audacieuse et débridée, mais entre de bonnes mains, elle est docile et sans ambiguïté. C’est précisément ce qu’on attend d’une voiture de course : du caractère !

Le plus fantastique, c’est quand elle se bat contre des Porsche ou des BMW conduites par des pilotes débutants. Dans les lignes droites ils prennent le large mais dans les virages elle a toutes ses chances. C’est ce qui explique pourquoi, lors des épreuves du Moscow Classic Grand Prix, cette Jigouli a acquis une si grande popularité en un court laps de temps. C’est une vraie voiture de course qui rappelle l’époque où les gens, sous la lueur d’une vieille ampoule à incandescence, maniaient la clé ou le marteau plutôt qu’une souris d’ordinateur.

Légende des photos :

  • Pourquoi une Jigouli a-t-elle été choisie plutôt qu’une Volga ou une Moskvitch, des voitures qui participent également au Moscow Classic Grand Prix ? Parce que Next Motorsport a une énorme expérience des voitures de Togliatti. Et chez VAZ on trouve encore plein de pièces de rechange. Ces spécialistes sont formels : plus le règlement technique est strict et plus le projet est intéressant !
  • Dans le Moscow Classic Grand Prix il est interdit d’utiliser des matériaux exotiques comme le titane et les matières composites pour la suspension, le châssis et la carrosserie. Même les vitres en polycarbonate n'y sont pas autorisées. Cela n’est pas gênant car on peut facilement abaisser le poids de la « Kopeïka » a 880 kg. La répartition de poids est de 55/45 en faveur de l’essieu avant.
  • Pour l’instant, le plus gros problème de cette « Kopeïka » ce sont les roues. En sortie de virages, les pneus manquent de grip même si on a réussi à compenser ce défaut en ajustant la pression des pneus et en augmentant les voies arrière. Il faut les changer. Les jantes métalliques sont trop fragiles : en fin de course les trous pour les vis étaient abimés et en ligne droite on ressentait de fortes vibrations.
  • Une voiture de course classique aux dernières normes de sécurité. Chaque voiture doit avoir un arceau soudé, des sièges baquets avec harnais multipoints, un extincteur ou un système anti-incendie.
  • Durant les journées où le circuit est accessible au grand public, cette Jigouli peut se retrouver en compagnie de supercars. Mais durant le Moscow Classic Grand Prix, les Ladas se réunissent en trois catégories : 1300, 1600 et + où les modifications ne sont pratiquement pas limitées. C’est pourquoi dans cette dernière catégorie il n’est pas rare de rencontrer des Jigouli avec des moteurs de 200 ch ou des châssis aux petits oignons.
  • Les voitures de courses anciennes nécessitent souvent des réparations mineures, mais en une journée complète de courses sur le Moscow Raceway cette » Kopeïka » n’a connu aucune défaillance.

Lu sur : https://auto.mail.ru/article/62397-kak_zhiguli_1973_goda_obizhayut_superkary/
Adaptation VG

Tag(s) : #VAZ, #Lada, #2101, #Kopeïka, #Sport