Il y a de cela trois décennies les Dacia ont été proposées sur le marché canadien. Mais si les Roumains estimaient en vendre facilement de 5 à 10,000 par an, la réalité a été beaucoup plus sévère. Bien qu’elles étaient parmi les voitures les moins chères du marché, cela n’a pas suffi pour garantir leur succès dans un pays où elles devaient affronter de nombreuses concurrentes à faible coût. Les Dacia ont été largement critiquées pour leurs nombreux défauts et la façon dont le Canada a été approché prouve que la marque d’Arges n’a pas tenu compte du fait que ses voitures allaient trouver un marché exigeant avec une concurrence sérieuse.
Cela peut sembler difficile à croire mais il y a 30 ans les Roumains ont donc vendus au Canada leurs Dacia à travers un réseau de concessionnaires. Entre 1983 et 1987, ils y ont écoulé plus de 4,000 voitures, ce qui fut une expérience intéressante puisque c'est une des rares fois où l’entreprise de ce pays communiste a pu affronter la concurrence réelle d’un autre pays à tradition capitaliste.
Dans une publicité parue dans la Gazette de Montréal, la Dacia 1310 était ainsi présentée comme « la voiture du peuple » avec un prix inégalé, une « conception intelligente » et des « normes de qualité élevées ». La berline était disponible avec des moteurs de 1289 cm3 et 1397 cm3, la vitesse maximale était de 140 km/h et la consommation moyenne de 6,3 litres aux 100 km. Les voitures étaient vendues par un réseau comptant 15 concessionnaires dans la seule province de Québec.
Bien entendu, cette publicité exagérait un peu et la situation s’est un peu compliquée après la publication par le Wall Street Journal en mars 1986 d’un long article intitulé « When is a Renault Not a Renault? When It's a Dacia » (« Quand une Renault n’est pas une Renault ? Quand c’est une Dacia »).
Cet article raconte, entre autres, les aventures d’un Canadien ayant acheté une Dacia et qui après dix mois après connait de gros problèmes, sans fin, avec sa voiture. Les essuie-glaces se déclenchent tout seuls, même lorsque la voiture est verrouillée, le levier de vitesse reste dans la main et le système de dégivrage est défaillant.
Un autre Canadien appelé Mark Bradnam a acheté deux Dacia, une pour lui et une pour sa femme, et là aussi ils ont eu de fréquents problèmes. Quand il a acheté sa voiture, Mark Bradnam a fait le plein et en rentrant chez lui il s’est aperçu qu’il y avait plein d’essence sur la banquette arrière et sur le plancher car il y avait un problème au réservoir. Son épouse a eu encore moins de chance puisqu’en quatre mois elle a remplacé la batterie, le moteur d’essuie-glace, les ampoules de phares et le démarreur.
Le représentant d’une association de protection des consommateurs canadiens déclarait en 1986 que la Dacia se conduisait comme une machine agricole et que sa qualité d’assemblage était incroyablement mauvaise. Le propriétaire d’un garage, cité par le Wall Street Journal, affirmait de son côté que ces voitures n’avaient pas leur place dans un pays nord-américain. Ce n’était d'ailleurs pas exagéré puisque les autorités ont exigés que Dacia rappelle un certain de nombre de ses voitures !
Une revue de protection des consommateurs au Québec, « Protect Yourself », a effectué un test de comparaison entre six modèles à bas prix, y compris une Lada et une Skoda. La Dacia a terminé dernière de ce comparatif : lente, mal construite, avec un espace pour les bagages insuffisant et bruyante. Tel était le verdict des journalistes !
Un autre problème était lié à la valeur de revente. La valeur de la voiture baissait de manière drastique en quelques mois. Tous ceux qui achetaient une Dacia 5,000 dollars, ne pouvaient que constater qu’un an plus tard leur voiture n'en valaient pas plus de 1,500 et qu’aucun concessionnaire n’acceptait de la reprendre.
Pierre Villeneuve, l’un des premiers concessionnaires Canadiens (à la fin des années 70 il avait commencé à vendre des tout-terrains Aro) raconte que si la première livraison n’était pas mal, huit des dix voitures de la seconde ont eu des problèmes de freins. La société de Pierre Villeneuve n’a vendu que 400 Dacia et a fait faillite en raison de son endettement élevé.
A propos du Aro, un éditorialiste du quotidien « La Presse de Montréal » jurait que ce tout-terrain était la pire voiture qu’il n’avait jamais conduite et qu’il valait mieux conduire un vieux GMC avec plus de 300,000 km au compteur. Il s’étonnait même que la trousse de premiers secours contiennent des attelles et du matériel pour pratiquer une trachéotomie !
La Roumanie exportait aussi des tracteurs au Canada et Terra Power, la société qui les distribuait, crea une division pour vendre des voitures de tourisme en 1979. Quatre ans plus tard, les premières Dacia arrivèrent au Québec accompagnées d’une équipe d’ingénieurs roumains pour adapter aux normes canadiennes les phares, ceintures de sécurité et la batterie.
En 1983, Nadia Comaneci a été invité pour le lancement de la marque Dacia au Canada. Son nom était familier dans le pays depuis l’épisode légendaire des Jeux Olympiques de Montréal en 1976. L’idée était bonne parce la presse a écrit autant sur la gymnaste que sur Dacia.
Au final, il est tout de même étrange que Dacia, une entreprise d’un pays sous le joug communiste depuis 40 ans, ait essayé de percer sur l’un des marchés les plus concurrentiels du monde avec ses produits. Les voitures arrivaient au Canada par bateaux complets - 500 voitures à la fois - et les Roumains promettaient que toutes les pièces de rechanges nécessaires seraient disponibles, le cas échéant, dans les 48 heures. Mais les problèmes de fiabilité étaient extrêmement élevés et les clients insatisfaits nombreux. Pourtant, si Dacia a été contraint d’abandonner le marché canadien c’est à cause de l’introduction de normes de pollution plus sévères en 1986.
Ce qui avait commencé comme une histoire intéressante s’est achevé en 1987 par une triste fin. Les objectifs de ventes n’ont jamais été atteints et les problèmes de qualité ont fait que les clients étaient extrêmement déçus de leurs voitures même s’ils ne les avaient pas payées cher. Les acheteurs avaient également eu énormément de difficultés pour faire jouer la garantie et trouver des pièces détachées était une gageure. Certains se sont aussi plaints d’avoir eu à donner des pots de vin pour obtenir satisfaction de sorte qu’en seulement quelques années l’image de Dacia au Canada s’est fortement dégradée. Si l'on rajoute également les différends entre les concessionnaires et l’importateur, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, on comprendra que l’aventure canadienne du constructeur roumain n’a pas été des plus heureuses.
Pour conclure, il faut noter qu'il y eu aussi des pourparlers pour établir un réseau de concessionnaires aux Etats-Unis mais le projet ne s’est jamais concrétisé. Il existe une différence fondamentale entre les Etats-Unis et le Canada. Les clients Canadiens sont plus disposés à acheter des voitures bon marché, même s’ils n'en connaissent pas la marque, alors que les Américains préfèrent les voitures plus puissantes, en particulier fabriquées localement.
Lu sur :
http://0-100.hotnews.ro/2016/11/23/dacia-si-aventurile-sale-din-canada-in-anii-80-o-masina-foarte-ieftina-dar-cu-multe-probleme-de-calitate/
Adaptation VG