Pour les amateurs de vieilles américaines, Cuba et les rues de La Havane constituent un véritable paradis sur terre. Ce sont les voitures qui sont le plus photographiées par les touristes étrangers, lesquels s’émerveillent de leur aspect délabré qui donne un charme inimitable à la capitale cubaine.
En réalité les rues de La Havane sont remplies d’un mélange hétéroclite de voitures chinoises, de vieilles berlines soviétiques de 30 ans, de japonaises appartenant à des sociétés étrangères et de bizarres Mercedes-Benz portant des plaques diplomatiques. Ajoutez à cela des autobus Ikarus hongrois, quelques camions KamAZ russes, une ou deux Packard taxis des années 50 et vous aurez une assez bonne idée de ce à quoi ressemble le trafic de La Havane.
La flotte de taxis cubains, déjà diversifiée, a récemment été complétée d’un certain nombre de raretés car la direction du Parti a décidé de se débarrasser de quelques limousines ayant été utilisées par Fidel Castro et sa suite pour des visites d’Etat. Le gouvernement cubain était très conservateur quand il s'agissait d'acheter les voitures de ses dirigeants et, au fil des années, les garages du gouvernement se sont remplis de voitures achetées dans des pays du Bloc de l'Est ou données aux frères Castro comme cadeau. Le plus grand pays donateur était bien sûr l’URSS ce qui signifie que le parc automobile du gouvernement cubain était constitué essentiellement de limousines très rares et construites à la main, comme des ZiL russes ou des Tatra tchécoslovaques. Elles étaient utilisées avec parcimonie, essentiellement pour les visites officielles. Habituellement Fidel Castro et les autres hauts-dirigeants cubains roulaient (et roulent encore) dans de vieilles Mercedes-Benz Classe S, de la W116 des années 70 à la W220 des années 2000.
Si le récent rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba permet aux Américains d’apprécier des mojitos au Tropicana Club, il leur sera plus difficile d’attraper une de ces raretés utilisées par les compagnies de taxi. Ramon Rivera, un Chilien qui a visité La Havane récemment a eu la chance de rouler dans une des anciennes limousines de Fidel Castro faisant désormais office de taxi !
« Ma famille et moi avons pris un taxi Lada jusqu’à la Place de la Révolution, un lieu à visiter obligatoirement quand on vient ici. Rouler en Lada n’avait rien d’excitant puisque les Lada étaient également vendues au Chili » raconte Ramon Rivera. « Quand nous étions sur le point d’arriver, j’ai vu au loin cette grosse Tchaïka en train de faire le tour de la place. Je me suis dépêché de la prendre en photo sans savoir qu’elle allait s’arrêter exactement au même endroit que notre taxi Lada ! Car cette Tchaïka était en fait un taxi. Elle s’est garée devant deux Chevrolet brillantes des années 50, également destinées aux promenades touristiques. Je me suis approché de cette limousine GAZ pour prendre encore quelques photos ».
La limousine en question était donc une GAZ-14 Tchaïka, une grande berline sept places lancée en 1977 et mue par un V8 5,5 litres couplé à une boîte automatique. Mesurant plus de 6 mètres, la GAZ-14 est assez proche de la ZiL, encore plus exclusive, également utilisée par le pouvoir cubain. La Tchaïka était fabriquée à la main et sur commande. Un centaine d’exemplaires étaient construits chaque année et ils avaient un intérieur spacieux et luxueux.
«J'ai eu une petite discussion avec le chauffeur, un vieil homme très distingué » raconte Ramon Rivera. « Cela ne lui posait pas de problème que je prenne de nombreuses photos de la voiture avant même que je ne me décide d’aller faire un tour avec lui. J'avais peur que cela soit beaucoup plus cher qu'un taxi normal mais ce n'était pas le cas. Je lui ai donc demandé de nous emmener au Capitole, l’étape suivante de notre visite de la ville. Avant de monter à bord, il m’a indiqué que cette Tchaïka était l’une des cinq ayant été au service de Fidel Castro et qu'avant d’être transférées à Cubataxi (la compagnie nationale de taxi), leur blindage avait été retiré et leurs moteurs remplacés par des diesels Mercedes ».
Certaines sources indiquent que Fidel Castro a reçu en plus de ces limousines, un cabriolet basé connu sous le nom de GAZ-1405, ainsi qu’une ambulance construite sur le châssis de la même GAZ-14. Une des limousines aurait été blanche, préparée spécifiquement pour Fidel Castro, alors que les autres étaient noires, comme celle que Ramon Rivera a rencontré à La Havane, la couleur typique de la bureaucratie soviétique.
«Je me souviens que la promenade s’est faite dans un calme parfait, comme il se doit, mais il est vrai que mes souvenirs sont peut-être plus roses que ceux de quelqu'un qui n’aurait aucun intérêt pour l’automobile. La voiture elle-même semblait en parfait état. Tout le tableau de bord paraissait d’origine et bien conservé. La seule touche «contemporaine» était le velours des sièges d’origine remplacé par un tissu bariolé de tartan qui les faisait ressembler à de vieux canapés fatigués. Ce n’est pas au niveau de raffinement auquel un Dictateur était habitué ».
Si la sellerie de cette Tchaïka semblait avoir été refaite (les sièges d’origine étaient un peu moins luxueux), le motif tartan était quelque chose que la voiture d’origine pouvait recevoir en option mais pas dans ces couleurs criardes. Il ne semble pas que l’intérieur ait subi d’autres modifications et il semble toutefois peu probable que le moteur ait été remplacé (*).
« J’étais super excité pendant cette balade. Cela a été pour moi une expérience extraordinaire » ajoute Ramon Rivera. « J’ai toujours été intéressé par l’époque de la Guerre Froide même si [ou peut-être parce que] je suis né à sa fin, en 1988. Voilà pourquoi m’imaginer comme Gorbatchev à l’arrière de cette voiture a été l’un des points culminants de tout mon voyage à Cuba ».
Les rapports indiquent que le nombre de voitures du parc gouvernemental transformées en taxi s’élève à quelques dizaines. Cela signifie que l’on doit pouvoir tomber sur d’autres voitures rares, comme des Tatra 613 ou des GAZ-13. Ce sont les autres voitures dont on a entendu parlé mais il y en a sûrement d’autres qui n’ont pas encore été signalées. Durant des décennies, Fidel Castro a en effet reçu en cadeau de nombreuses voitures coûteuses, de sorte que les garages de l’Etat cubain doivent encore ressembler à une véritable encyclopédie des voitures de luxe de la fin des années 50 à aujourd’hui.
Nous avons demandé à Ramon Rivera combien il a payé pour sa course en GAZ-14 : «Je ne me souviens plus du prix mais je crois que c'était vraiment bon marché, comme pour les taxis normaux. Sachant qu'un dollar peut être échangé [illégalement] contre beaucoup de Pesos parce que les Cubains n'ont pas le droit d'en avoir plus d’une certaine somme, j'ai donné 10 dollars de pourboire au conducteur. Je pensais que c'était mon devoir de partager avec un gars si gentil un peu de richesse dans un pays si oppressif ».
On devrait trouver encore des raretés automobiles à Cuba dans les années à venir. Ce qu’il y a de mieux à voir ne sont pas toutes ces américaines classiques. Il y a encore quelques voitures relativement originales à trouver. Le gouvernement n'a pas encore transformé en taxis toutes celles que ses garages comptent, donc il y a de forte chances qu’on en voit apparaître d’autres.
« Pour moi qui suis passionné d’automobiles depuis ma naissance et qui suis particulièrement obsédé par celles venant de l’Europe Communiste, faire un tour à bord d'une GAZ limousine est comme un rêve devenu réalité » conclut Ramon Rivera.
Lu sur : http://autoweek.com/article/classic-cars/ride-one-fidel-castros-limousines
(* cet autre article évoque aussi des moteurs Mercedes sous le capot de ces limousines : http://www.foxnews.com/leisure/2014/06/20/fidel-castro-former-limos-reborn-as-havana-taxicabs/)
Adaptation VG