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Produite à près de quatre millions d’exemplaires entre 1957 et 1991, la voiture communiste la plus légendaire était la Trabant Est-allemande. Pratiquement inchangée pendant trois décennies, son moteur deux-temps de 26 chevaux lui permettait d’atteindre (en descente) seulement 80 km/h tout en crachant près de 100 fois plus de pollution dans l’air que les voitures occidentales. La carrosserie en plastique se fissurait et se craquait lors d’un choc et avait souvent besoin d’être maintenue par du câble ou de la corde. L’intérieur était étriqué et inconfortable et le levier de vitesse au volant requérait une dextérité exceptionnelle.
La Trabant était pleine de défauts flagrants et manquait d’attraits fonctionnels et pourtant elle a tissé avec ses propriétaires des liens affectifs particulier. Posséder et rouler dans sa propre voiture était une sorte de triomphe personnel sur l’absurdité du communisme. C'est cela qui a permis de développer une certaine affection pour cette Trabant pourtant bien incapable, à la base, de fournir des prestations clients acceptables. Elle est ainsi devenue la cible de nombreuses blagues chez les Européens de l’Est comme :
« Comment doublez-vous la valeur de la Trabant ? En faisant le plein ».
« Pourquoi la Trabant a une lunette arrière chauffante ? Pour ne pas avoir froid au main quand vous la poussez ».
Alors que la Trabant était indifférente au confort de son conducteur, son slogan officiel reflétait pourtant une perspective assez différente : « La créativité combinée à l’audace et la volonté révolutionnaire de la classe ouvrière libérée de l’exploitation ont donné naissance à cette voiture discrète et pourtant sensationnelle ».
La division entre le fabricant de la Trabant et son conducteur se résume clairement dans la notice d’entretien de 1983 qui révélait la toute dernière innovation introduite cette année-là : le volant à quatre branches en plastique remplaçait le volant à trois branche ! Apparemment, la voiture n’avait besoin d’aucune autre amélioration...
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et la chute du communisme en Europe de l’Est a entrainé l’arrêt brutal de la production de la Trabant. Le Rideau de Fer levé, les Européens de l’Est ont soudainement succombé aux charmes irrésistibles des voitures orientées vers le client. Face à elles, la Trabant n’avait aucune chance !
La merveilleuse indulgence avec laquelle les clients traitaient la Trabant ne doit pas être minimisée par le voile de la nostalgie (on pourrait même dire de nÖstalgie). Au contraire, elle devrait être une source d’inspiration en matière de satisfaction client. Car le mécontentement client existe même dans les sociétés de service les plus compétitives ! Par exemple, une enquête sur les dernières technologies réalisée en 2016 par Accenture indique que « 60% des propriétaires de smartphones sont insatisfaits et seraient prêts à changer de fournisseur d’accès ». Selon une étude d’Airline Quality, le nombre de plaintes déposées par les voyageurs sur les compagnies aériennes américaines en 2015 a été le plus élevé depuis 2000.
Ignorer les plaintes des clients, qu’elles soient explicitement exprimées ou latentes, est un danger. Ils peuvent se tourner rapidement vers une offre qui est à première vue une meilleure alternative (...) Pour récapituler, avec la mondialisation d'aujourd'hui, vous n’auriez pas 40 ans pour vous prendre en main ou un Rideau de Fer pour vous abriter. Le moindre concurrent peut séduire votre clientèle en un clin d’œil.
De façon éhontée, la Trabant n’a jamais fait aucun effort pour fournir une expérience client positive. Elle le meilleur exemple de produit disponible sur le marché avec des qualités que les clients considèrent comme indésirables ou peu souhaitables. Reconnaître et résoudre ses propres défauts oblige à innover pour proposer en permanence le produit le plus approprié. Ne pas le faire fait prendre le risque que votre offre devienne soudainement obsolète. Et c’est bien ce qui est arrivé à la Trabant...
Lu sur : https://hbr.org/2016/04/what-we-can-learn-from-one-of-the-worlds-most-mocked-cars
Adaptation VG